le Président ukrainien Volodymyr Zelensky.[SERGEI SUPINSKY/AFP VIA GETTY IMAGES]
Volodymyr Zelenskyy remporte le prix Charlemagne
Le Président ukrainien Volodymyr Zelenskyy et le peuple ukrainien sont les lauréats du Prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle 2023, a annoncé le conseil d’administration le 16 décembre. Décerné depuis 1950, ce prix est attribué à des « personnalités ou organismes publics ‘qui se sont distingués par leur action remarquable en faveur de l’unité européenne ou de la coopération entre les États.’ » Parmi les récents lauréats figurent le pape François, le Président français Emmanuel Macron, la Chancelière allemande Angela Merkel, le pape Jean-Paul II et le Président des États-Unis Bill Clinton. La cérémonie de remise des prix aura lieu plus tard au printemps.
La guerre en Ukraine menée par le Président russe Vladimir Poutine fait de l’ombre à l’attribution du prix. « Le peuple [ukrainien], » lit-on dans le communiqué de presse, « sous la direction de son président […] se bat pour défendre non seulement la souveraineté de son pays et la vie de ses citoyens, mais aussi l’Europe et les valeurs européennes. »
Le communiqué continue :
Dans son livre récemment publié, A Message From Ukraine [Un message en provenance de l’Ukraine], [Zelenskyy] réitère sa vision de son pays en tant que nation démocratique et libre, en tant que société de valeurs selon le modèle européen, et en tant que partie de l’Europe. Il décrit la « renaissance » de l’Ukraine le 24 février, le fait que le processus de construction de la nation, bien qu’inachevé, a été accéléré par la guerre d’agression russe—et, surtout, le fait que l’Ukraine s’est depuis rapprochée de l’Europe. ...
En attribuant le Prix Charlemagne 2023 à la fois au président et au peuple, le Conseil d’administration de la Société pour l’attribution du Prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle souligne le fait que l’Ukraine fait partie de l’Europe et que sa population et les représentants de son gouvernement—avec à leur tête le Président Volodymyr Zelenskyy—soutiennent et défendent les valeurs européennes, et méritent donc cet encouragement à entamer rapidement les négociations d’adhésion avec l’Union européenne.
La guerre en Ukraine est le plus grand conflit que l’Europe ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Le courage et la détermination des Ukrainiens face à un ennemi aussi intimidant sont admirables. Il faut leur accorder un certain crédit. Mais ce n’est pas un prix portant essentiellement sur le rétablissement de la paix que Zelenskyy a remporté. Il a plutôt remporté le prix le plus prestigieux du monde pour l’unification européenne.
Pourquoi cela est-il significatif ? Il y a trois raisons principales. Remarquez certains des termes utilisés dans le communiqué de presse : « [E]t, surtout, le fait que l’Ukraine s’est depuis rapprochée de l’Europe » ; « L’Ukraine fait partie de l’Europe » ; « [Les Ukrainiens] méritent donc cet encouragement à entamer rapidement les négociations d’adhésion avec l’Union européenne. » Personne ne prétend que les actions de la Russie en Ukraine sont justifiées. Comme le montre notre reportage, Poutine a fait preuve en Ukraine d’une « méchanceté comparable à celle de Joseph Staline ». Mais si Poutine a lancé l’invasion, c’est en partie parce qu’il pense que l’Occident a essayé de retirer l’Europe de l’Est de la sphère d’influence de la Russie pour l’ajouter à la sienne.
Poutine désigne souvent la révolution Euromaïdan de 2014 en Ukraine comme la cause des problèmes. Viktor Ianoukovitch est devenu président en 2010 à la suite d’une élection que les observateurs extérieurs ont qualifiée de libre et équitable. Ianoukovitch était favorable à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, mais Poutine a fait pression sur Ianoukovitch pour qu’il annule les négociations avec l’UE. Au lieu de cela, le gouvernement de Ianoukovitch s’est rapproché de la Russie. Les Ukrainiens étaient tellement outrés qu’ils ont chassé Ianoukovitch lors de la révolution de 2014. En bref, une foule pro-UE a forcé un président démocratiquement élu à quitter le pouvoir. Poutine a depuis accusé l’Occident de tenter de forcer l’Ukraine à s’éloigner de la Russie et à entrer dans la sphère occidentale.
L’objectif de Poutine en tant que dirigeant de la Russie a toujours été de prendre le contrôle de l’Ukraine. Le langage utilisé dans le communiqué de presse du Prix Charlemagne suggère que Poutine avait raison quant aux visées de l’Europe sur l’Ukraine.
L’Ukraine n’appartient pas à l’Europe. L’Ukraine appartient à qui le peuple ukrainien veut qu’elle appartienne. L’Ukraine n’est même pas un État membre de l’UE, et pourtant le conseil d’administration affirme que le résultat « le plus important » du 24 février est que l’Ukraine est plus proche d’en devenir un. Admettre l’Ukraine en tant que membre de l’UE serait une prise de contrôle du pays moins horrible que ce que la Russie tente de faire. Mais les États européens ont autant d’obligation morale d’adhérer à l’UE que le Canada en a d’adhérer aux États-Unis—c’est-à-dire aucune.
Il est important de noter que le Prix Charlemagne est parrainé par diverses royautés européennes et travaille en coopération avec le Parlement européen. L’appel à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE n’émane donc pas seulement d’un groupe d’universitaires d’Aix-la-Chapelle, en Allemagne, mais bénéficie du soutien de l’élite européenne.
Une deuxième raison que c’est important : l’Ukraine ne pourra jamais rejoindre l’UE tant que la guerre se prolonge. Une attaque contre un État membre de l’UE est une attaque contre tous. Si l’Ukraine rejoignait l’UE, toute l’UE—de la Lettonie à Malte en passant par l’Irlande—devrait se joindre à la guerre. Ce serait une guerre nucléaire. Et c’est la dernière chose que les es puissances européennes veulent en ce moment.
Alors, comment la situation en Ukraine a-t-elle contribué à l’unité européenne ?
Avant le 24 février, l’Europe avait beaucoup de problèmes qui entravaient la formation d’une Europe puissante et unie. Après le 24 février, beaucoup de ces problèmes ont été aplanis.
Par exemple, les querelles entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest constituaient un obstacle à l’unité européenne. Certains pays d’Europe de l’Est sont dirigés par des populistes conservateurs qui s’opposent fréquemment aux « eurocrates » de l’Ouest. Le Président tchèque Miloš Zeman, par exemple, était considéré comme un ami de Poutine. Le gouvernement polonais d’obédience catholique s’est heurté à Bruxelles sur des questions comme le soutien à l’homosexualité. La crise ukrainienne a balayé une grande partie de ces problèmes. Zeman est devenu un opposant virulent de Poutine. La Pologne est devenue l’un des partenaires les plus précieux de l’Europe dans la lutte contre Poutine ; elle est en passe de devenir la troisième armée de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.
Des fissures subsistent entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest, mais la crise ukrainienne continue de rapprocher les « deux Europe » comme peu de choses pourraient le faire.
La guerre accélère également la montée de l’Europe en tant que puissance militaire indépendante. Pendant des décennies, l’Europe a compté sur les États-Unis, par l’intermédiaire de l’OTAN, pour assurer sa sécurité. Mais la guerre donne à l’Europe l’excuse de se doter d’une armée qui peut se suffire à elle-même. La Pologne n’est pas le seul pays à se réarmer. L’Allemagne aussi. Le 27 février—trois jours après le début de la guerre—le Chancelier allemand Olaf Scholz a fait une annonce surprise : il a dévoilé des plans visant à faire de l’Allemagne le pays dépensant le plus pour sa défense en Europe. En décembre, le Parlement allemand a approuvé l’achat d’avions de combat F-35 aux États-Unis, des appareils conçus pour transporter des armes nucléaires. La Finlande et la Suède, quant à elles, ont demandé à rejoindre l’OTAN. Même les pays anciennement neutres veulent se rapprocher de l’Europe pour former une armée unie.
Ces types de développements auraient probablement été impossible en temps normal. L’Allemagne augmentant ses dépenses militaires de manière aussi abrupte aurait normalement fait froncer les sourcils. En raison de son rôle dans la Seconde Guerre mondiale—et de la méfiance de ses voisins qui en a résulté—l’Allemagne a été réticente à se doter d’une armée puissante. Mais dans les circonstances actuelles, les politiciens d’Europe et d’ailleurs font appel à l’Allemagne à devenir une puissance militaire.
Rien de tout cela ne serait arrivé sans Vladimir Poutine. Dans un sens, Poutine est peut-être un lauréat plus méritant que Zelenskyy. Il a certainement contribué davantage à l’unité européenne. Le communiqué de presse indique que l’Ukraine est « renée » le 24 février. On peut en dire autant de l’Europe elle-même.
Il y a un troisième aspect à noter concernant le prix Charlemagne. C’est de loin le plus important, mais aussi le plus méconnu. Il s’agit de l’homme dont le prix porte le nom.
L’entrepreneur allemand Dr. Kurt Pfeiffer et ses associés ont créé la Société du Prix Charlemagne en 1950. Avec les horreurs de la Seconde Guerre mondiale dans un passé récent—et la moitié de l’Europe divisée par le rideau de fer—des activistes comme Pfeiffer considéraient que la solution aux problèmes de l’Europe était l’unité politique. Ils voulaient créer un prix « destiné à rallier le public occidental à l’idée d’une Europe unie. »
Pfeiffer était originaire d’Aix-la-Chapelle, la première ville allemande à avoir été conquise par les Alliés occidentaux sur les nazis. C’était aussi l’ancienne capitale impériale de Charlemagne. Charlemagne était un roi franc qui a régné de 768 à 814. Son empire carolingien était un vaste royaume qui régnait sur une grande partie de l’Europe. Le jour de Noël de l’an 800, le pape couronna Charlemagne du titre de « Saint » empereur romain, faisant de Charlemagne le successeur des Césars d’autrefois. Et cela faisait de son empire le successeur légitime de la Rome antique.
« Saint » est entre guillemets car l’empire de Charlemagne était tout sauf saint. C’était un chef de guerre violent qui a fait couler des rivières de sang pour forger son empire. Lorsqu’une tribu allemande, les Saxons, a résisté aux tentatives de Charlemagne de les conquérir et de les catholiciser, ce dernier a mené 33 ans de guerre pour les soumettre. À une occasion, il a ordonné l’exécution de 4 500 Saxons en un jour. On peut lire dans la 15e édition de l’Encyclopédie Britannique : « Les méthodes violentes par lesquelles cette tâche missionnaire fut effectuée étaient inconnues du haut Moyen Âge, et les châtiments sanguinaires [sanglants] infligés à ceux qui enfreignaient le droit canon ou continuaient à s’adonner à des pratiques païennes suscitèrent des critiques dans l’entourage même de Charles. »
Des millénaires après la mort de Charlemagne, des rois et des chefs de guerre se sont battus pour ressusciter son « Saint » Empire romain à travers l’Europe. Parmi eux, des individus aussi sanglants que Charles Quint, Napoléon et, plus récemment, Adolf Hitler.
L’empire de Charlemagne a également jeté les bases des États européens modernes comme la France et l’Allemagne. En fait, les Français et les Allemands considèrent Charlemagne comme un « père fondateur » en quelque sorte. Son instauration du catholicisme comme religion d’État a cimenté le rôle influent de l’Église catholique dans l’histoire européenne. Pour cette raison, Charlemagne est souvent appelé « le père de l’Europe moderne ». Malgré son odieux héritage—et celui des despotes qui ont régné sous sa bannière—l’Europe moderne considère Charlemagne comme quelqu’un à célébrer.
Le prix Charlemagne, bien sûr, s’inscrit dans cette logique. « En utilisant le nom de Charlemagne », indique le site Web du prix, « la proclamation [du prix] incluait également l’idée de l’Occident chrétien—en regardant symboliquement en arrière, vers l’Empire carolingien, pour s’inspirer de l’unité dans l’administration, la culture, la religion, la législation et l’écriture, tout en montrant la voie vers l’avenir avec un modèle pour la tâche à accomplir : l’unification économique et politique de l’Europe. »
Le communiqué de presse relatif à la solution retenue par Zelenskyy pour l’obtention du prix indique qu’il se bat pour défendre les « valeurs européennes ». Pourtant, si l’héritage de Charlemagne définit ce à quoi ressemblent les « valeurs européennes », celles-ci ressemblent davantage aux valeurs de Poutine.
A quel type Europe le prix Charlemagne fait-il appel ? Quoi qu'il en soit, l'Ukraine joue un rôle important dans sa formation.
Nous n’avons pas à deviner à quoi ressemble l’Europe du futur. La Trompette utilise une source, souvent négligée, dans son analyse de l’Europe. C’est une source qui s’est avérée exacte à maintes reprises—et elle est indispensable pour comprendre avec précision l’avenir de l’Europe. Cette source est la Sainte Bible.
Beaucoup rejettent les prophéties bibliques comme étant remplies de symboles complexes trop difficiles à comprendre. Mais la compréhension de ces prophéties devient beaucoup plus facile lorsqu’on comprend que la Bible interprète ses propres symboles. Par exemple, dans la Bible, une « femme » est souvent le symbole d’une église (par exemple, Éphésiens 5 : 22-32 ; 2 Corinthiens 11 : 1-3), et une « bête » est le symbole biblique d’un empire (Daniel 7—remarquez particulièrement les versets 17-23). Ces deux clefs rendent notamment la prophétie suivante beaucoup plus facile à comprendre : « Puis un des sept anges qui tenaient les sept coupes vint, et il m’adressa la parole, en disant : Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur les grandes eaux. C’est avec elle que les rois de la terre se sont livrés à l’impudicité, et c’est du vin de son impudicité que les habitants de la terre se sont enivrés. Il me transporta en esprit dans un désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms de blasphème, ayant sept têtes et dix cornes. Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution. Sur son front était écrit un nom, un mystère : Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre. Et je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je fus saisi d’un grand étonnement. » (Apocalypse 17 : 1-6).
Reliez cela à d'autres prophéties comme Apocalypse 13, l’identité de cette « bête » est révélée : l’Empire romain. (Demandez un exemplaire gratuit de Qui est, ou qu’est-ce que, la bête prophétique? d’Herbert W. Armstrong pour plus d’informations). Mais Rome est tombée il y a des siècles. Comment cette prophétie se rapporte-t-elle à aujourd’hui ?
Apocalypse 17 : 10 donne plus de détails. « Ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, un existe, l’autre n’est pas encore venu… ». Les « sept têtes » sont sept souverains consécutifs de cet empire. Chaque souverain devait s’élever, tomber et être remplacé par une autre « tête ». Dans l’histoire, ce système qui a monté et chuté était connu sous le nom de Saint Empire romain.
L’histoire séculaire enregistre six de ces résurrections. Des hommes comme Charlemagne et Hitler les ont menées. Mais la prophétie dit qu’il y en aura sept. Il est également prophétisé que ce système impie sera présent lors de la Seconde Venue du Christ (verset 14).
Cela signifie qu’il y en a une autre à venir. La Trompette s’attend à ce que cette dernière « tête de la bête » provienne du projet d’unification moderne de l’Europe.
Cette bête, quant à elle, est chevauchée par une « femme », ou une église. Elle représente une église grande et puissante, parée de sa splendeur matérielle et capable de diriger des empires. La catholicisation de l’Europe par Charlemagne en est le reflet. N’oubliez pas non plus que le site Web du prix Charlemagne s’inspire de « l’idée de l’Occident chrétien—en regardant symboliquement en arrière, vers l’Empire [de Charlemagne], pour s’inspirer de l’unité dans l’administration, la culture, la religion, la législation et l’écriture, tout en montrant la voie vers l’avenir avec un modèle pour la tâche à accomplir » (c’est nous qui soulignons).
Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’UE, a déclaré : « L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » La guerre en Ukraine est de loin la plus grande crise que l’Europe ait connue depuis des années. Et les dirigeants européens profitent de cette crise pour forger l’Europe du futur—une Europe forte et puissante dans l’esprit de l’empire de Charlemagne. Le conflit russo-ukrainien est la meilleure excuse qu’ils aient eue pour cela depuis longtemps.
Cela fait du prix Charlemagne 2023 un remerciement caché à Poutine pour avoir rendu tout cela possible. Poutine ne s’en soucie probablement pas tant que ça. Mais pour beaucoup à Bruxelles, Berlin et ailleurs, la gratitude est sincère.
Pour en savoir plus, veuillez demander un exemplaire gratuit de The Holy Roman Empire in Prophecy [Le Saint Empire romain selon la prophétie ; disponible en anglais uniquement), par le directeur de la rédaction de theTrumpet.com, Brad Macdonald. Pour savoir comment la guerre en Ukraine joue un rôle spécifique dans l’avenir de l’Europe, lisez notre numéro de mai-juin 2022, « La prophétie biblique prend vie en Ukraine ! »