ISTOCK/MUHARREMZ
Sainte-Sophie et un conflit des civilisations
Il y a beaucoup d’histoire ici. Quand Sainte-Sophie fut ouverte par l’empereur Justinien, en 537, c’était le plus grand, et peut-être le plus impressionnant, bâtiment dans le monde.
Ce bâtiment, à lui seul, peut avoir eu un impact sur la vie de milliards de personnes. Les débuts de l’histoire de la Russie racontent celle de Vladimir le Grand, souverain des Rus au 10ème siècle. Vladimir voulut choisir une religion pour les Rus, et envoya des émissaires vers les civilisations voisines. Une fois que les émissaires virent Sainte-Sophie, leur décision fut prise. « Nous ne savions plus si nous étions au ciel ou sur Terre », rapportèrent les envoyés, « ni ne pouvions affirmer la réalité d’une telle beauté, et nous ne savons pas comment en parler ». Vladimir s’est converti au christianisme orthodoxe, et cette religion a façonné l’histoire russe et slave depuis lors.
En 1453, Constantinople et Sainte-Sophie tombèrent aux mains des Turcs ottomans. Et ainsi, ils transformèrent l’une des plus grandes églises de la chrétienté en mosquée.
Sainte-Sophie connut une troisième révolution en 1934. Mustafa Kemal Atatürk transforma la Turquie, d’un empire islamique qu’elle était, en un État laïc—en tant que puissant symbole de ce fait, il transforma Sainte-Sophie, alors mosquée, en un musée. Elle est aujourd’hui la première destination touristique de la Turquie, attirant 3,7 millions de visiteurs par an.
C’est pourquoi la décision du président turc Recep Tayyip Erdoğan, le 10 juillet, de la transformer en mosquée est aussi importante. Ses alliés politiques l’ont saluée comme une deuxième conquête d’Istanbul. C’est une prise de position délibérée. La Turquie n’est plus l’État laïc d’Atatürk. C’est une nation islamique, visant à devenir un empire.
L’écrivain turc Orhan Pamuk a déclaré que la reconversion de Sainte-Sophie en une mosquée « revient à dire au reste du monde : “Malheureusement, nous ne sommes plus laïcs”. Il y a des millions de Turcs laïcs, comme moi, qui crient contre cela, mais leurs voix ne sont pas entendues ».
Ce renversement de la laïcité va à l’encontre de la pensée occidentale. Pour beaucoup, l’histoire va dans une direction : l’Europe était autrefois religieuse, mais elle devient très laïque ; c’est la marche du progrès que toutes les nations finiront par suivre.
Le renversement d’Erdoğan est la dernière preuve que le monde n’est pas sur la voie de la laïcité.
Regardez ce qui se passe dans le monde et vous pouvez en voir des preuves. En 1989, l’Asie centrale ne comptait que 160 mosquées actives. Quatre ans plus tard, il y en avait 10 000. Moscou comptait 50 églises en 1988. Quatre ans plus tard, elle en comptait 250. À peu près à la même époque, près d’un tiers des Russes de moins de 25 ans ont déclaré qu’ils étaient passés de l’athéisme à la croyance en Dieu.
Dans l’État encore officiellement athée de la Chine, la base de données mondiale sur les religions montre que le nombre total des adeptes de toutes les religions est passé d’environ 300 millions en 1970 à environ 700 millions, aujourd’hui. Malgré les tentatives du gouvernement pour y mettre fin, la religion s’est propagée beaucoup plus rapidement que la croissance démographique chinoise.
En Corée du Sud, en 1962, 2,6% de la population étaient bouddhistes et 5% chrétiens. Aujourd’hui, 23% sont bouddhistes et plus de 29% sont chrétiens.
« Dans le monde moderne, la religion est une force centrale, peut-être la force centrale, qui motive et mobilise les gens », a écrit Samuel Huntington dans son livre Clash of Civilisations [Le conflit des civilisations]. « C’est du pur orgueil, de penser que parce que le communisme soviétique s’est effondré, l’Occident a gagné le monde pour toujours, et que les musulmans, les Chinois, les Indiens et d’autres vont se précipiter pour adopter le libéralisme occidental comme la seule alternative. »
Le temps a prouvé que Huntington avait totalement raison. Il écrivit son livre avant le 11 septembre, lorsque l’Islam radical devenait une préoccupation majeure pour tous, dans le monde. Il l’a écrit avant que les têtes couvertes ne deviennent l’un des grands enjeux politiques en Europe, le bastion du multiculturalisme libéral.
La grande question est de savoir : l’Europe pourrait-elle être balayée par une telle tendance ?
À l’autre bout de l’Europe se trouve ce qui pourrait être l’image en miroir de Sainte-Sophie. La Grande Mosquée de Cordoue, en Espagne, fut construite au 8e siècle après J.-C. Pour les habitants de l’époque, « la beauté de la mosquée était si éblouissante qu’elle défiait toute description ».
Mais la Grande Mosquée est aujourd’hui la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, après que les Espagnols l’eurent conquise en 1236.
Mon propos n’est pas d’établir une sorte d’équivalence morale entre les deux. Sainte-Sophie est la cinquième église de ce nom à être convertie en mosquée en Turquie ces dernières années. Je ne connais aucun pays occidental qui inverse le processus.
Je veux plutôt montrer que l’Europe et le Moyen-Orient, le christianisme et l’Islam sont étroitement liés. Ce qui se passe dans l’un a des répercussions sur l’autre—et ce, depuis des siècles.
La religion monte déjà en Europe, en réaction à l’Islam. Lorsque la Russie a voté sur sa nouvelle constitution au début du mois, l’attention s’est surtout concentrée sur la tentative du président Vladimir Poutine de prolonger son mandat. Mais le vote a également ajouté Dieu dans la constitution.
En Pologne, ce mois-ci, le président sortant Andrzej Duda a été réélu. Le parti Droit et Justice de Duda entretient des liens étroits avec l’Église catholique. « Dans pratiquement aucun autre pays de l’UE, l’État et l’Église ne sont aussi étroitement liés qu’en Pologne », a noté deutschlandfunk.de.
Partout en Europe, la religion fait son retour—non pas en termes d’observance religieuse, mais plutôt en termes de symboles et de rhétorique.
Dans toute l’Europe centrale et orientale, les dirigeants ont clairement indiqué qu’ils considéraient leur pays comme chrétien et que les musulmans ne sont pas les bienvenus. En mai 2015, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a déclaré : « Je pense que nous avons le droit de décider que nous ne voulons pas un grand nombre de musulmans dans notre pays. »
« N’oublions pas, cependant, que ceux qui arrivent ont été élevés dans une autre religion et représentent une culture radicalement différente », a-t-il écrit dans Frankfurter Allgemeine Zeitung. « La plupart d’entre eux ne sont pas chrétiens, mais musulmans. C’est une question importante, car l’Europe et l’identité européenne sont enracinées dans le christianisme » (3 septembre 2015).
Le Premier ministre slovaque Robert Fico déclarait en mai 2016 : « Je ne veux pas voir une communauté musulmane en Slovaquie… Nous ne voulons pas changer les traditions de ce pays, qui reposent sur la tradition chrétienne ». Le président de la République tchèque a averti, en janvier 2016, que l’intégration des musulmans en Europe « est pratiquement impossible ».
Les mêmes tendances se dessinent en Europe occidentale. Depuis 2018, tous les bâtiments gouvernementaux de l’État allemand de Bavière sont obligés d’afficher une croix.
En Occident, des partis politiques parvenus comme l’Alternative für Deutschland, en Allemagne, et le Rassemblement national (anciennement le Front national), en France, ont repris le flambeau de la religion politisée. Marine Le Pen, la dirigeante du Rassemblement national, encourage « un christianisme laïcisé en tant que culture », a déclaré Rogers Brubaker, un sociologue à l’Université de Californie, à Los Angeles, au magazine Atlantic. « C’est une question d’appartenance plutôt que de croyance. » Brubaker a décrit cela comme un christianisme qui dit : « Nous sommes chrétiens, précisément parce qu’ils sont musulmans. Autrement, nous ne sommes pas chrétiens dans un sens concret » (6 mai 2017).
C’est la même chose pour l’AfD. Ses slogans électoraux, tels que « Les burkas ? Nous sommes en bikinis », ne sont guère des modèles de chasteté et de vertu. Dans les guerres de culture, ils sont du côté de la droite chrétienne, et la droite chrétienne est heureuse de les accepter.
Le succès électoral impressionnant de l’AfD—venant de nulle part pour devenir le troisième parti en importance au parlement allemand—témoigne de l’appétit, en Allemagne, pour ce type de religion en politique.
En Europe, ce sont généralement les attaques terroristes islamistes ou les migrations des pays islamiques qui déclenchent ce genre de ferveur religieuse. En l’absence de cela, elle s’éteint.
« Nous savons qui nous sommes seulement quand nous savons qui nous ne sommes pas, et souvent seulement quand nous savons contre qui nous sommes », a écrit Huntington. « Pour les personnes qui cherchent à s’identifier et à réinventer l’ethnicité, les ennemis sont essentiels. » De nombreux ennemis de l’Europe sont musulmans. Et donc, le continent adopte la langue, les symboles et l’identité du christianisme—parce que c’est ce qui le distingue le plus clairement de ces ennemis.
La trompette et, avant nous, La pure vérité, surveillait cette évolution depuis les années 1930. Pendant des décennies, Herbert W. Armstrong a prédit que l’Europe s’unirait en une superpuissance de 10 nations. Mais la majeure partie de l’histoire du continent est celle d’une nation européenne qui en combat une autre. Quelle force est assez puissante pour unifier l’Europe ?
Les attaques de l’extérieur contre l’Europe sont une puissante force de motivation. Les Européens ont certainement un ennemi commun : l’Islam radical extrémiste. Mais il y a un autre facteur important que toutes les nations européennes partagent : leur héritage chrétien.
En août 1978, M. Armstrong écrivait dans sa revue sur la vie chrétienne, La bonne nouvelle : « Les Européens veulent leur propre puissance militaire unie !… Ils ont fait un réel effort vers l’union dans le Marché commun… Mais ils savent bien qu’il n’y a qu’une seule possibilité d’union en Europe—et c’est par l’intermédiaire du Vatican. »
L’Europe ne sera pas le seul endroit dans le monde à l’abri de cette tendance à la religion.
M. Armstrong a prédit avec succès, l’arrivée de la monnaie unique européenne : l’euro. Il a prédit que le rideau de fer serait brisé et que les pays enfermés derrière rejoindraient une Union européenne. Il a été prouvé qu’il avait raison. Il a fait ces prédictions exactes parce qu’il s’appuyait sur la Bible.
La Bible prédit également que l’Europe moderne deviendra plus religieuse. Apocalypse 17 décrit une « bête » ou un empire, selon le symbolisme biblique. Cet empire « était, et n’est plus ». Il apparaît sur la scène mondiale, est fort pendant un certain temps, seulement pour disparaître dans « l’abîme » avant de réapparaître (verset 8). Ce pouvoir est dirigé par une femme—symbolisme pour une église. Où y a-t-il eu une puissance qui s’élève et chute à plusieurs reprises, et qui est dirigée par une église ? Cela doit décrire le Saint Empire romain en Europe.
Mais la Bible nous dit aussi que cette puissance européenne moderne est façonnée par ses interactions avec le Moyen-Orient. Daniel 11 : 40 est une autre prophétie pour « le temps de la fin ». Là, le Saint Empire romain est décrit comme « le roi du Nord »—le successeur moderne de l’Empire romain. Il affronte un « roi du Sud »—l’Islam radical, dirigé par l’Iran (pour en avoir une preuve, lisez notre brochure gratuite Le roi du Sud ). Cette puissance islamique heurte et provoque le roi du nord.
La Turquie n’est pas le roi du sud. Mais dans la relation entre l’Islam et le christianisme, vous pouvez voir la même dynamique provocatrice. L’Islam heurte le christianisme. Alors que le Moyen-Orient devient plus islamique, attendez-vous à ce que l’Europe réagisse en devenant plus chrétienne.
La défense de Constantinople et de Sainte-Sophie contribua à inciter l’Église catholique à lancer les croisades (bien que les croisés se soient également détournés et ont saccagés Constantinople, en 1204). Sa chute en 1453 a ouvert une grande partie de l’Europe à la conquête islamique.
Cette ville a souvent été à califourchon sur la ligne de fracture entre l’Est et l’Ouest. La Bible nous dit qu’une nouvelle croisade arrive. Surveillez la réponse de l’Europe qui va devenir de plus en plus catholique, face à la poussée islamique incessante.