Erin A. Kirk-Cuomo/Wikimedia Commons
Radicalisation rapide et choquante
Il n’y a même pas deux ans, l’Égypte était une alliée de l’Occident, gouvernée par un homme qui avait interdit les Frères musulmans [FM] et supprimé l’islam politique. Aujourd’hui, l’Égypte a pour président un frère musulman ; son armée laïque a été neutralisée ; sa direction militaire a été remplacée par des penseurs alignés sur les Frères ; et elle est sur le point d’avoir une nouvelle constitution rédigée par les radicaux.
Tout cela est arrivé en moins de deux ans !
Des experts occidentaux, notamment dans l’administration Obama — qui ont parlé des Frères musulmans comme d’une force politique modérée avec qui on peut travailler — sont réfutés tous les jours par les nouvelles choquantes qui filtrent de l’Égypte.
Plusieurs sites Internet arabes ont rapporté la barbarie avec laquelle les Frères musulmans traitent les opposants au président Mohammed Morsi. Raymond Ibrahim du Middle East Forum a traduit deux de ces sources. L’une d’elles, le site Internet égyptien El Balad, a dit que quand l’un des célèbres critiques du président et ses supporters se sont rassemblés autour du palais présidentiel, en août, ils ont été entourés par des supporters des FM qui « les ont attaqués avec des bâtons, des couteaux et des cocktails Molotov, crucifiant certains d’entre eux sur des arbres, provoquant la mort de deux d’entre eux, et blessant des douzaines d’autres ». Peu de temps après la parution de l’article de R. Ibrahim, certains sceptiques ont prétendu que l’article était un canular. Pourtant, l’information a été corroborée par un certain nombre de sources indépendantes. Une autre source a écrit : « Un correspondant de Sky News Arabic, au Caire, a confirmé que des manifestants partisans des Frères musulmans ont crucifié, nus sur des arbres devant le palais présidentiel pendant qu’ils abusaient d’autres, ceux qui s’opposaient au président égyptien Mohammed Morsi ».
Bienvenue, dans la nouvelle Égypte ! Il y avait beaucoup d’espoir dans le fait que l’éviction du président Hosni Moubarak conduirait à une plus grande liberté.
En fait, les Frères tirent le plein avantage des lois qui ont donné le contrôle à H. Moubarak sur les médias égyptiens. Les Frères ont introduit leurs propres rédacteurs en chef dans les journaux étatiques importants. Le deuxième plus important, Akhbar Al-Youm, sera dirigé par un descendant du fondateur des FM. Le président Morsi a également nommé un membre des Frères musulmans comme son nouveau ministre de l’information. Maintenant, les Frères dirigent leur énergie la plus brutale contre les journalistes et les médias qu’ils considèrent critiques à l’égard du président Morsi.
Le 8 août, des partisans des FM, par milliers, ont pris d’assaut les équipements de production des médias du 6 octobre, un complexe important de médias au Caire ; ils ont fermé les portes et ont attaqué physiquement plusieurs journalistes. Les autorités égyptiennes ont fermé la chaîne de télévision Al-Faraeen, accusant faussement son propriétaire d’appel à l’assassinat de M. Morsi, et lui ont interdit de voyager. Ils ont enlevé des kiosques les exemplaires du journal chrétien Al-Dustour, et l’ont condamné parce que, prétendument, « faisant du tort au président au travers d’expressions et de termes punissables par la loi ». De quelle manière causait-il ce tort ? Il a publié un éditorial de première page avertissant que les Frères musulmans étaient en train de s’emparer de l’Égypte !
Selon R. Ibrahim, les sites Internet arabes disent que « ces attaques font partie de la campagne des Frères musulmans pour intimider et ainsi censurer les médias laïques de l’Égypte afin qu’ils n’exposent pas le programme du groupe islamiste ». Comme c’est ironique ! Déterminés à éviter d’apparaître radicaux, les Frères utilisent les tactiques brutales les plus radicales.
La rapidité des actions de M. Morsi pour consolider et étendre son pouvoir a pris par surprise même des observateurs les plus pessimistes. Il a parlé, avec acharnement, pendant sa campagne de démocratie, promettant tolérance et liberté. Dans son discours d’inauguration, il a déclaré : « Nous portons un message de paix au monde ». Mais il a, depuis lors, démontré un caractère très différent. « Il projette de remplacer, bientôt, maints des 27 gouverneurs des provinces de l’Égypte par des membres des Frères ou des sympathisants du groupe, et de purger la magistrature des juges connus pour être opposés à ses principes, selon des familiers assistant aux délibérations du proche entourage de Morsi », a écrit l’Associated Press. « Ils ont parlé sous condition d’anonymat par crainte de représailles » (le 14 août).
Clairement, leurs peurs sont justifiées.
L’université Al Azhar, du Caire, que R. Ibrahim qualifie d’« institution islamique la plus autoritaire d’Égypte », a publié une fatwa contre ceux qui critiquent les Frères, qualifiant la violence contre eux d’« obligation religieuse ». L’ecclésiastique radical, Wagdy Ghoneim, a publié une fatwa pardonnant explicitement le meurtre de manifestants anti-Frères ; Sheikh Hashem Islam a, également, appelé à leur meurtre. « Résistez-leur ; s’ils vous combattent, rendez les coups, s’ils vous tuent, vous serez au paradis, si vous les tuez, il n’y aura pas de prix du sang », selon ses paroles, citées par Egypt Independent.
Un autre groupe qui souffre sous le nouveau régime islamiste, c’est celui des chrétiens coptes. Une violente discrimination contre eux a enflé rapidement. Vers la fin août, les groupes islamistes ont distribué des tracts appelant au meurtre des coptes, qu’ils ont qualifiés d’« ennemis de la religion d’Allah ». Depuis, les foules musulmanes ont attaqué des villages coptes en toute impunité, brûlant et pillant des propriétés, et même tuant des chrétiens. Dans le court temps écoulé depuis que M. Morsi a été élu président, plus de 100 000 coptes auraient, par crainte, fui le pays.
Malheureusement, tous les signes indiquent que la brutalité et le chagrin dans l’Égypte de Morsi s’intensifieront. Comme Raymond Ibrahim l’a écrit : « Sous les Frères musulmans en Égypte, la bouteille a été débouchée et le génie islamique lâché. Attendez-vous encore à bien pire ». ▪