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Que se passe-t-il en Haïti ?
Des hommes armés ont assassiné le président haïtien Jovenel Moïse à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, le 7 juillet. Au milieu de la nuit, des assassins sont entrés dans la résidence privée du président et ont ligoté son personnel de sécurité. Vers 1 heure du matin, les hommes armés ont tiré 12 balles sur Moïse, dont une directement dans le front. La Première Dame Martine Moïse a été grièvement blessée.
En Haïti, le président contrôle l'armée, les affaires étrangères et la police. Le Premier ministre, normalement le chef de l'Assemblée législative, contrôle tout le reste. M. Moïse était président d'Haïti depuis 2017. Il remporta le plus grand nombre de voix à l'élection présidentielle de 2015, mais n'avait pas obtenu la majorité. Il remporta ensuite le second tour des élections de 2016. Ses opposants politiques affirmaient que son mandat avait commencé après les premières élections ; Moïse disait qu'il avait commencé après le deuxième tour. Les deux parties n'étaient pas d'accord sur la fin de son mandat en 2021 ou 2022. Entre-temps, il dissout la majeure partie du Parlement en 2020 et gouvernait par décret avec un Premier ministre nommé.
Moïse avait beaucoup d'ennemis. En février, il déclara au Conseil de sécurité des Nations Unies que sept tentatives avaient été faites par des oligarques pour l'évincer du pouvoir.
À présent, il est mort.
Des témoins rapportèrent que l'un des hommes armés avait crié en anglais qu'il était affilié à l’Agence américaine de lutte contre la drogue. D'autres hommes armés parlaient en espagnol.
Les hommes armés prirent la fuite après l'attaque, mais certains moururent dans une fusillade. D'autres se cachèrent à l'ambassade de Taïwan avant d'être arrêtés ; d'autres sont toujours en fuite.
Mis à part deux Haïtiens-Américains, presque tous les hommes armés venaient de la Colombie. Des guerres de plusieurs décennies de la Colombie avec les cartels de la drogue et les groupes rebelles donnent à ses soldats une réputation féroce. Les ex-soldats colombiens sont souvent recherchés par les sociétés de sécurité privées. L'un des mercenaires était un « lancier expert » colombien, une distinction similaire à celle des Rangers de l'armée américaine. Les Colombiens étaient apparemment en Haïti depuis trois mois.
Qui était le cerveau derrière l'attaque ?
Les autorités haïtiennes ont arrêté le Dr Christian Emmanuel Sanon, un médecin et ministre du culte de 63 ans qui partage son temps entre Haïti et la Floride. Selon Michel Plancher, professeur de génie civil à l'Université Quisqueya de Port-au-Prince, Sanon prétend avoir inspiré des aspirations politiques divines. Plancher rencontra Sanon en juin. « Il disait qu'il avait été envoyé par Dieu », déclara Plancher. « Il avait été envoyé en mission par Dieu pour remplacer Moïse. Il disait que le président démissionnerait bientôt—il ne disait pas pourquoi. »
Le Dr Sanon est pratiquement inconnu des milieux d'affaires et politiques haïtiens. « Je n'avais jamais entendu parler de ce Sanon auparavant », déclara l'éminent homme d'affaires haïtien-américain Georges Sami Saati. « Personne n'avait jamais entendu parler de lui. »
À son retour en Haïti en juin, Sanon engagea pour sa protection, CTU Security , basée en Floride, qui employait des mercenaires colombiens. CTU Security appartient à l'expatrié vénézuélien Antonio Enmanuel Intriago Valera. Selon le Washington Post , Sanon avait un accord avec Valera et le financier basé en Floride, Walter Veintemilla. Veintemilla finançait le Dr Sanon et Valera le protégeait ; une fois au pouvoir, le Dr Sanon paierait ses bailleurs de fonds grâce aux ressources du pays.
Mais selon le New York Times , l'un des « traducteurs » haïtien-américain affirme que le « cerveau » était « un étranger nommé ‘Mike’ qui parlait espagnol et anglais ».
Il existe un autre lien intéressant avec les États-Unis : plusieurs des conspirateurs travaillaient pour le gouvernement américain. L'un d'eux, dont le nom de code était « Whiskey », était un informateur de l’Agence américaine de lutte contre la drogue. Un autre était un informateur du Bureau fédéral des enquêtes (FBI). Le gouvernement américain a fourni aux autorités haïtiennes des informations qui ont conduit à l'arrestation de deux suspects. Certains des soldats colombiens ont été entraînés par l'armée américaine.
Il y a aussi la question de savoir pourquoi aucun des gardes de sécurité de Moïse n'a été blessé ou visé. Y avait-il une sorte d'accord en place ? Était-ce un travail de l'intérieur ? Le chef de la garde présidentielle d'Haïti fut appréhendé, bien qu'on ne sache pas encore s'il fait face à des accusations.
Pour compliquer encore plus un désordre complexe, il y a la question de la succession. Ce n'est pas aussi clair que dans la plupart des pays.
Claude Joseph, le Premier ministre par intérim de Moïse nommé en avril, s'est rapidement proclamé président. Moïse avait nommé Ariel Henry pour remplacer Joseph en tant que Premier ministre par intérim deux jours avant l'assassinat, mais Joseph affirme qu'Henry n'était pas encore investi. Cela signifierait techniquement que Joseph était toujours Premier ministre, donc sa prétention au pouvoir. Henry le conteste. Pendant ce temps, les 10 sénateurs restants dans l'Assemblée législative d'Haïti ont nommé le président du Sénat, Joseph Lambert, président du pays.
Cela signifie que trois hommes différents revendiquent la présidence. Le juge en chef de la Cour suprême René Sylvestre est décédé de la COVID-19 et n'a jamais été remplacé. Il aurait été l'homme le mieux placé pour arbitrer. Des élections étaient prévues pour septembre, mais personne ne sait comment elles se dérouleront suite à l'assassinat.
Qu'est-ce qui attend Haïti ?
Haïti est traditionnellement proche de l'Amérique. Le gouvernement haïtien a demandé à Washington d'envoyer des troupes. Le président Joe Biden a jusqu'à présent rejeté sa demande. Avec toute l'implication des États-Unis en Haïti ces dernières années—du président Bill Clinton qui envoya des troupes dans les années 1990 au président Barack Obama qui envoya l'armée dans les années 2010—le Pentagone en a assez.
Alors vers qui Haïti se tournera-t-il ?
Il existe une variété d'options. Les connexions vénézuéliennes avec CTU Security sont intéressantes, mais à ce stade, elles sont aux mieux circonstancielles. Cuba, le voisin d'Haïti, l'a historiquement toujours aidé dans les catastrophes en envoyant des médecins. Mais Cuba a ses propres problèmes pour réprimer les manifestations, de sorte qu'ils sont donc peut-être trop occupé à gérer les problèmes chez eux.
La Chine est un pays intéressant à surveiller. Haïti n'est qu'un des 15 pays qui reconnaissent la légitimité de Taïwan. Pékin a fait pression sur les pays un par un, pour qu'ils rompent leurs relations avec Taïwan. Il l'a fait avec São Tomé et Príncipe en 2016, El Salvador en 2018, les Îles Salomon en 2019 et avec d'autres pays. La Chine est connue pour offrir des prêts financiers massifs en échange de faveurs. Un Haïti désespéré pourrait se sentir obligé de céder. La Chine n'a pas tardé à étendre ses tentacules en Afghanistan après que les États-Unis aient annoncé leur retrait du pays. L'exemple afghan pourrait montrer ce qui attend Haïti.
Un autre pays à surveiller est la France. Haïti est une ancienne colonie française. La France, à travers ses territoires des Caraïbes et de l'Amérique du Sud, a une influence non négligeable dans la région. Lorsqu'une autre ancienne colonie française, le Liban, a subi les effets d'une explosion qui ravagea Beyrouth en 2020, le président français Emmanuel Macron se rendit sur place et devint l'homme le plus populaire du pays. Depuis, Paris s'immisce ouvertement dans la gouvernance du Liban. Le gouvernement français pourrait faire quelque chose de similaire en Haïti.
La crise haïtienne offre une opportunité importante aux puissances extérieures d'établir une présence aux portes de l'Amérique.
Pourquoi est-ce important ?
Jeremiah Jacques et Andrew Miiller, des contributeurs de la Trompette ont écrit dans leur article de mars 2019 « Preparing to Storm America's Castle » [ Se préparer à prendre d'assaut le château de l'Amérique —disponible en anglais seulement] :
Les principales sources d'information accordent peu d'attention à cette région, mais les Caraïbes sont vitales pour la sécurité des États-Unis. Cette mer relie non seulement la côte Est à l'océan Pacifique via le canal de Panama, mais elle garde l'embouchure du golfe du Mexique. La moitié du commerce maritime américain passe par le Golfe. Ainsi, une puissance étrangère qui contrôle les Caraïbes pourrait paralyser l'économie américaine en restreignant son accès à la navigation océanique. …
Aussi choquant que ce scénario puisse paraître, la Bible révèle que les ennemis prendront le contrôle des points d'étranglement maritimes les plus stratégiques du monde et assiégeront les États-Unis. L'Amérique va perdre l'accès au canal de Panama, au détroit de la Floride, au passage Winward, au canal du Yucatan et à de nombreuses autres voies de navigation sur lesquelles sa population compte pour la nourriture, les composants électroniques, le pétrole, les matières premières et d'autres marchandises.
Les résultats seront dévastateurs.
Pour en savoir plus, veuillez lire « Preparing to Storm America's Castle » [ Se préparer à prendre d'assaut le château de l'Amérique —disponible en anglais seulement].