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Moïse a-t-il plagié Hammourabi ?
Dans le bâtiment du Capitole des États-Unis sont exposés 23 portraits en marbre de certains des législateurs les plus influents de l’histoire. Il s’agit de personnages tels que Thomas Jefferson, Napoléon Bonaparte, Soliman le Magnifique, le roi Édouard I er , Maïmonide et le prophète Moïse. L’un des plus anciens personnages historiques représentés est Hammourabi, roi de Babylone.
Hammourabi a régné entre le 19e et le 18e siècle avant J.-C., et il est célèbre pour avoir rédigé un texte juridique connu aujourd’hui sous le nom Code de Hammourabi. Le code, qui est inscrit sur une stèle géante en basalte en forme de doigt, a été découvert par des archéologues français au début du 20e siècle lors de fouilles à Suse, en Iran. L’agence fédérale de l’architecte du Capitole le considère comme « l’un des plus anciens codes juridiques encore existants ».
L’un des aspects les plus remarquables (et les plus discutés) du code de loi d’Hammourabi est la ressemblance frappante qu’il présente avec certaines des lois que l’on trouve dans la Torah, les cinq premiers livres de la Bible. Moïse, l’auteur (ou plutôt le scribe) de la Torah, a vécu au 15e siècle avant notre ère, soit environ 300 ans après Hammourabi. La Bible dit que Moïse a reçu ses lois par révélation divine.
Après la découverte de la stèle babylonienne, de nombreux érudits ont prétendu que Moïse avait plagié au moins certaines de ses lois de Hammourabi. Parmi ces individus, citons notamment Friedrich Delitzsch, assyriologue et spécialiste de l’Ancien Testament allemand du 19e siècle, qui a affirmé que la loi mosaïque avait été élaborée sur la base des premières lois babyloniennes. Le professeur David Wright soutient également que la loi mosaïque était « directement, principalement et entièrement dépendante des lois de Hammourabi […] une réécriture créative des sources mésopotamiennes » (Inventing God’s Law : How the Covenant Code of the Bible Used and Revised the Laws of Hammurabi [Inventer la loi de Dieu : comment le code d’alliance de la Bible a utilisé et révisé les lois d’Hammourabi]).
Naturellement, de nombreux spécialistes de la Bible rejettent ces théories. Selon David Winton Thomas, professeur royal d’hébreu à Cambridge au milieu du 19e siècle, « il n’y a aucune raison de supposer un emprunt direct de l’hébreu au babylonien. Même si les deux ensembles de lois diffèrent peu dans la lettre, ils diffèrent beaucoup dans l’esprit. »
Les deux parties semblent avoir des arguments convaincants. Peut-on savoir qui a raison ? La loi mosaïque était-elle une copie directe des lois babyloniennes existantes ? Ou bien ces deux codes de lois distincts ont-ils été créés indépendamment ? Est-il même possible qu’Hammourabi ait été exposé à certaines des lois que Moïse a finalement consignées dans la Torah ?
Code de Hammourabi vs. la loi mosaïque
Examinons d’abord certaines des lois du Code d’Hammourabi et comparons-les avec celles de la Bible. Certaines lois, naturellement, se ressemblent plus que d’autres.
Un nombre notable de lois d’Hammourabi sont parallèles à Exode 20-23, le passage décrivant les Dix Commandements et autres statuts. Par exemple, la première loi du code d’Hammourabi se lit comme suit (selon la traduction de feu l’archéologue anglais Leonard W. King) : « Si quelqu’un en prend un autre au piège, en lui imposant un interdit, mais qu’il ne puisse le prouver, celui qui l’a pris au piège sera mis à mort. » Comparez cela à Exode 20 : 16, qui nous ordonne de ne pas porter « de faux témoignage ». De même, Exode 23 : 1 condamne ceux qui sont des «témoins iniques » (version Darby).
La loi 117 d’Hammourabi dit : « Si quelqu’un ne satisfait pas à une créance, et se vend lui-même, sa femme, son fils et sa fille pour de l’argent ou les livre au travail forcé, ils travailleront pendant trois ans dans la maison de l’homme qui les a achetés, ou du propriétaire, et la quatrième année ils seront libérés. » Comparez cela avec Exode 21 : 2 : « Si tu achètes un esclave hébreu, il servira six années ; mais la septième, il sortira libre, sans rien payer. »
Exode 21 contient des dispositions protégeant les enfants à naître : « Si des hommes se querellent, et qu’ils heurtent une femme enceinte, et la fasse accoucher, sans autre accident, ils seront punis d’une amende imposée par le mari de la femme, et qu’ils paieront devant les juges. Mais s’il y a un accident, tu donneras vie pour vie » (versets 22-23). Cependant, les lois 209 et 210 du Code de Hammourabi disent : « Si un homme frappe une femme libre de sorte qu’elle perde son enfant à naître, il paiera 10 shekels pour sa perte. Si la femme meurt, la fille de l’homme sera mise à mort. » Hammourabi, dans ce cas, n’a pas traité l’enfant à naître comme une personne ayant des droits égaux. Mais il a tout de même prévu des répercussions légales pour ceux qui portaient atteinte à l’enfant à naître, qui sont similaires aux lois de l’Exode.
De nombreuses lois du Code de Hammourabi concernent les relations entre les esclaves et leurs maîtres. La dernière loi du Code, la loi 282, stipule : « Si un esclave dit à son maître : « Tu n’es pas mon maître », si on le condamne, son maître lui coupera l’oreille. » Comparez cela avec Exode 21 : 2, 5-6 : « Si tu achètes un esclave hébreu, il servira six années ; mais la septième, il sortira libre, sans rien payer. […] Si l’esclave dit : J’aime mon maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas sortir libre, alors son maître le conduira devant Dieu, et le fera approcher de la porte ou du poteau, et son maître lui percera l’oreille avec un poinçon, et l’esclave sera pour toujours à son service. » Les circonstances dont Moïse et Hammourabi ont parlé étaient différentes ; Hammourabi faisait référence à des esclaves fugueurs tandis que Moïse a écrit sur des esclaves qui souhaitaient rester avec leurs maîtres. Mais la procédure est similaire : l’esclave était amené aux autorités et on lui marquait l’oreille.
Il existe également des parallèles avec certaines des lois morales décrites dans le livre du Lévitique. Considérez Lévitique 18 : 6-7 : « Nul de vous ne s’approchera de sa parente, pour découvrir sa nudité. Je suis l’Éternel. Tu ne découvriras point la nudité de ton père, ni la nudité de ta mère. C’est ta mère : tu ne découvriras point sa nudité. » Le reste du passage précise que tous les types d’inceste—qu’il s’agisse de frères et sœurs, de beaux-parents, de gendres et de belles-filles, ou de toute autre personne étroitement liée—sont des abominations pour Dieu. Notez maintenant les lois 154, 155 et 157 de Hammourabi : « Si un homme est coupable d’inceste avec sa fille, il sera chassé du lieu (exilé). Si un homme fiance une fille à son fils, et que ce dernier ait des rapports sexuels avec elle, mais qu’ensuite il (le père) la souille et soit surpris, il sera lié et jeté à l’eau (noyé). […] Si quelqu’un est coupable d’inceste avec sa mère après son père, tous deux seront brûlés. »
Il est possible d’affirmer que les lois mentionnées ci-dessus sont à la fois similaires et dissemblables. Sur la base de ces comparaisons, la question de savoir si un ensemble de lois dépend ou non d’un autre reste à débattre.
La disposition peut-être la plus célèbre du Code d’Hammourabi, et la plus semblable à celle de la Bible, est la loi sur « œil pour œil et dent pour dent. » Voici les lois 196, 197 et 200 : « Si un homme crève l’œil d’un autre homme, son œil sera crevé. S’il casse l’os d’un autre homme, son os sera cassé. […] Si un homme casse les dents de son égal, ses dents seront cassées. » Comparez cela avec Exode 21 : 23-25 : « …tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »
Reconnaissant les similitudes entre ces textes, certains érudits chrétiens tentent de changer la datation d’Hammourabi, affirmant qu’il a vécu plusieurs siècles après Moïse et qu’il a repris nombre de ses lois de Moïse. Dans son ouvrage Exploring Ancient History [Explorer l’histoire ancienne], Roy Schultz a observé : « Les historiens concluent que la confusion sur la datation d’Hammourabi n’est pas signifiante. Mais la question prend toute son importance lorsqu’on réalise que les historiens aiment à croire que Moïse a façonné les Dix Commandements d’après le célèbre code de lois d’Hammourabi. Il est donc vital de savoir si Hammourabi a vécu avant ou après Moïse. »
Ce texte juridique babylonien a-t-il été rédigé avant Moïse ? Le code de Hammourabi sape-t-il l’authenticité divine de la loi mosaïque ? Faut-il changer radicalement la datation du règne d’Hammourabi afin de maintenir l’inerrance biblique ? La réponse pourrait être une surprise.
Le « puissant prince » de Babylone
La Bible indique clairement que Moïse n’était pas l’auteur de la loi. Par exemple, Exode 20 : 1, en présentant les Dix Commandements, dit que « Dieu prononça toutes ces paroles ». La loi délivrée au mont Sinaï, et écrite par Moïse, existait bien avant Moïse, au 15e siècle avant Jésus-Christ.
Cela soulève la question : la Bible rapporte-t-elle que Dieu a partagé cette loi avant Moïse ?
Le livre de la Genèse relate l’histoire d’un grand homme de Dieu qui a précédé Moïse de plusieurs siècles. Dieu a révélé ses lois à cet homme qui, selon l’histoire biblique, a passé une grande partie de sa vie en Babylonie. Cet individu, bien entendu, était Abraham.
La plupart des gens savent qu’Abraham était une personnalité de premier plan en Canaan. On sait moins, cependant, qu’Abraham était également une personnalité de premier plan à Babylone et qu’il a exercé une profonde influence sur le développement de la civilisation babylonienne. Ce fait est documenté à la fois dans la Bible et dans des textes séculaires. En outre, certains éléments suggèrent qu’Abraham et Hammourabi étaient contemporains.
Il existe un certain nombre de chronologies différentes pour Abraham. Mais si les dates précises de la vie d’Abraham varient, on s’accorde généralement à dire qu’il a vécu dans la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère, aux alentours du 19e ou du 18e siècle (voir « Quand était l’âge des patriarches ? » page 32). Cela correspond à la chronologie d’Hammourabi.
Ce qui correspond aussi géopolitiquement. À cette époque, Babylone était gouvernée par une dynastie « amorrite » sémitique orientale, dont Hammourabi était le sixième souverain amorite consécutif. La Bible montre qu’Abraham a probablement eu des contacts avec cette dynastie. Genèse 14 : 13 rapporte qu’après son installation à Canaan, Abraham était « confédéré » avec les Amoréens occidentaux de la région. Ézéchiel 16 : 3 fait même allusion au fait qu’Abraham était un « Amorrite » non pas sur le plan racial, mais en ce qui concerne ses origines géographiques.
Les lois consignées par Moïse étaient connues d’Abraham. Le texte biblique montre que de nombreuses lois de la Torah étaient en vigueur des siècles avant que Moïse ne les écrive. Par exemple, la séparation des animaux purs et impurs—décrite dans Lévitique 11 et Deutéronome 14—était en place à l’époque de Noé (Genèse 6 : 19-21 ; 7 : 1-9). Genèse 2 : 1-3 montre que le sabbat du septième jour a été sanctifié après la création de l’homme, plus de 2 500 ans avant la rédaction du quatrième commandement dans Exode 20.
Genèse 26 : 5 dit, « …Abraham a obéi à ma voix, et qu’il a observé mes ordres, mes commandements, mes statuts et mes lois. » Genèse 23 : 6 identifie Abraham comme un « prince de Dieu » avant même qu’il n’émigre à Canaan. Des preuves suggèrent qu’Abraham comprenait la loi et les statuts même lorsqu’il vivait à Babylone.
Maintenant, qu’en est-il des sources séculières ? Y a-t-il des documents anciens en dehors de la Bible qui relatent l’influence d’Abraham sur la civilisation mésopotamienne ?
Abraham à Babylone—dans l’histoire séculière
Josèphe, l’historien respecté du premier siècle de notre ère, a écrit dans les Antiquités judaïques (1,7,1) : « Il [Abraham] était une personne d’une grande sagacité, à la fois pour comprendre toutes choses et pour persuader ses auditeurs, et il ne se trompait pas dans ses opinions. » Josèphe attribue spécifiquement à Abraham le mérite d’avoir enseigné l’astronomie à la Mésopotamie pour pointer vers le Créateur des cieux. S’il était un professeur renommé de sciences physiques, n'aurait-il pas également enseigné aux Mésopotamiens les lois du Dieu qui a créé les cieux ?
L’historien babylonien du troisième siècle avant notre ère, Bérose, a écrit : « À la dixième génération après le Déluge, il y avait parmi les Chaldéens un homme juste et grand, et habile dans la science céleste » (c’est nous qui soulignons). Bien qu’Abraham ne soit pas nommé explicitement ici, Josèphe a commenté que Bérose décrivait nul autre qu’Abraham (qui, selon Genèse 11, était sur la scène en Chaldée 10 générations après le Déluge).
Clément d’Alexandrie, au deuxième siècle avant J.-C., a cité un hymne ancien qui parle d’un « certain homme spécial, issu de la race des Chaldéens », qui était « bien informé » au sein de sa population et qui avait une relation avec le Dieu puissant. L’historien Nicolas de Damas, du premier siècle avant J.-C., a également écrit sur l’importance d’Abraham avant son séjour en Canaan.
Eusèbe, l’historien romain du quatrième siècle avant J.-C., a cité une source antérieure d’un homme nommé Eupolème (deuxième siècle avant J.-C.), intitulée Concerning the Jews of Assyria [Concernant les Juifs d’Assyrie]. En citant cette source, Eusèbe écrit qu’Abraham « surpassait tous les hommes en noblesse et en sagesse, qu’il était aussi l’inventeur de l’astronomie et de l’art chaldéen, et qu’il plaisait bien à Dieu par son zèle envers la religion » (Praeparatio Evangelica, 9,17).
Josèphe a également rapporté que, pendant son séjour à Babylone, Abraham « a décidé de renouveler et de changer l’opinion que tous les hommes avaient alors de Dieu ; car il a été le premier à s’aventurer à publier cette notion, à savoir qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, le Créateur de l’univers » (op cit).
Apparemment, de nombreux autres textes reprenaient un refrain similaire, mais ils sont aujourd’hui perdus à jamais. Josèphe a écrit que l’historien grec du sixième siècle avant J.-C., Hécatée, a non seulement mentionné Abraham par son nom, mais a également composé un livre entier sur les exploits du patriarche. (Malheureusement, seuls deux ouvrages fragmentaires des nombreux écrits d’Hécatée ont survécu jusqu’à ce jour).
Vous vous souvenez de ce que Dieu a dit d’Abram—qu’il a « obéi à ma voix, et qu'il a observé mes ordres, mes commandements, mes statuts et mes lois » ? Considérez cela en même temps que les informations documentées par les historiens séculiers selon lesquelles Abraham était un dirigeant très instruit et influent à Babylone. N’est-il pas logique de croire qu’Abraham a partagé sa connaissance des lois bibliques ?
Il est possible que ces lois aient pu parvenir jusqu'au roi Hammurabi de Babylone
Transformation de la « ville du péché » ?
Dans la Bible, Babylone est synonyme de péché. Son fondateur, Nimrod, l’a construite en rébellion directe contre Dieu (Genèse 10 : 10 ; 11 : 1-9). Cependant, l’étude du code de Hammourabi révèle un formidable État babylonien qui, du moins pendant un certain temps, a observé des lois qui semblent similaires à celles créditées dans la Bible comme étant d’inspiration divine.
Dans le Deutéronome 4, Dieu dit qu’Il a donné à Israël Ses lois pour une raison précise : pour pointer ver Lui et Sa sagesse illimitée. « Vous les observerez et vous les mettrez en pratique [les lois de Dieu] : car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui entendront parler de toutes ces lois et qui diront : Cette grande nation est un peuple absolument sage et intelligent ! Quelle est, en effet, la grande nation qui ait des dieux aussi proches que l’Éternel, notre Dieu, l’est de nous toutes les fois que nous l’invoquons et quelle est la grande nation qui ait des lois et des ordonnances justes, comme toute cette loi que je vous présente aujourd’hui ? » (versets 6-8). Dieu voulait que le système juridique d’Israël soit un exemple pour les nations voisines et qu’en fin de compte, il dirige ces gens vers le Dieu d’Israël.
Genèse 26 : 5 montre qu’Abraham a respecté les lois de Dieu. Et les récits classiques nous apprennent qu’Abraham n’a manifestement pas caché son obéissance aux regards indiscrets ; en fait, il a partagé ses connaissances avec le peuple de Babylone. Bien qu’il n’ait en aucun cas « converti » le peuple de Babylone, se pourrait-il que l’exemple juste d’Abraham ait rapproché Babylone, de tous les endroits, de la norme biblique de Dieu ? A-t-il joué un rôle dans la composition du code d’Hammourabi ? Encore une fois, est-ce une simple coïncidence que des lois aussi similaires apparaissent à la même époque et au même endroit que le « puissant prince » et patriarche Abraham ?
Une dernière écriture à cette fin. La prophétie suivante, donnée à Abraham, prédit la conquête par les Israélites de certains peuples de Canaan—et que cette conquête serait retardée de plusieurs générations, à cause d’une tribu : ces mêmes peuples auxquels Abraham était « confédéré » et auxquels Hammourabi était associé.
Et l’Éternel dit à Abram : Sache que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux [l’Égypte] ; ils y seront asservis […] À la quatrième génération, ils reviendront ici ; car l’iniquité des Amoréens n’est pas encore à son comble » (Genèse 15 : 13, 16). Il s’agit principalement de Canaan. Mais souvenez-vous que Babylone aussi, à cette époque, était gouvernée par une dynastie amorrite (y compris Hammourabi).
Pourquoi l’« iniquité » des Amoréens n’était-elle « pas encore à son comble », comme pour les autres peuples environnants ? Serait-ce parce qu’ils adhéraient, sous une forme ou une autre, à un certain nombre de lois « justes »—ce fameux texte babylonien amorrite, le Code de Hammourabi ?