
LA TROMPETTE
Le pouvoir absolu
Lire le chaptire précédent : Relever les ruines : Avant-propos
« Ironiquement, la même structure gouvernementale autoritaire qui a créé l’environnement hérétique dans la place a été nécessaire pour la corriger. »
— Michael Feazell
La libération de l’Église universelle de Dieu
L’ Église universelle de Dieu n’a pas été transformée par la vérité, au cours des 20 années passées, comme l’a suggéré Joseph Tkach Jr, dans son livre de 1997. L’Église a été transformée—il n’y a aucun doute à ce sujet. Mais pas par la vérité ! Cela a plutôt été l’une des transformations les plus mensongères, les plus perfides et les plus abusives, dans l’histoire de la religion.
Pour évaluer la magnitude du tremblement de terre spirituel qui a ébranlé cette Église, considérez ce à quoi elle ressemblait auparavant.
Quand Herbert W. Armstrong est mort, le 16 janvier 1986, il a laissé une église avec 725 congrégations dans 57 pays1 autour du globe, et une œuvre puissante tournée vers le monde. Elle avait une assistance hebdomadaire mondiale de 120 000 personnes2, et 210 000 autres, en dehors de l’église, donnaient régulièrement de l’argent.3 Il y avait plus de 1 200 ministres à travers le monde pour servir ces nombreux membres, les membres potentiels et les donateurs.4
Les revenus annuels de l’Église étaient de 163,7 millions de dollars5, un budget plus important que ceux des organisations de Jerry Falwell et Billy Graham réunies.6 L’expert en matière de religion, Richard N. Ostling, a écrit un article pour Time, quelques semaines après la mort de M. Armstrong, dans lequel il analysait la popularité croissante des télévangélistes durant le milieu des années 1980. Aucun des prédicateurs sous les feux des projecteurs—pas même Jimmy Swaggart, Oral Roberts, Jim Bakker, Jerry Falwell ou Robert Schuller—n’a généré autant de revenus que Herbert W. Armstrong.7
En tête de liste des télévangélistes de R.N. Ostling, il y avait le spectacle télévisé hebdomadaire de Jimmy Swaggart, qui pouvait être vu dans 197 endroits, à partir du début de 1986. Son émission était suivie de celle de Oral Roberts diffusée dans 192 endroits. Celle de Jerry Falwell pouvait être vue dans 172 endroits, tandis que « L’heure du pouvoir » de Robert Schuller était diffusée dans 169 villes. Ces programmes étaient tous éclipsés par l’émission Le monde à venir de Herbert W. Armstrong, qui pouvait être vue sur 382 stations de télévision—dans beaucoup plus d’endroits que toute autre émission religieuse en Amérique 8—et entendue sur 36 postes de radio autour du monde.9
Herbert W. Armstrong était l’un des plus connus et l’un des plus éminents leaders religieux du 20 e siècle. En fait, quand vous considérez combien son œuvre était minuscule au début, en 1933, et comment l’immense influence de cette œuvre s’est fait sentir sur la Terre, à l’époque de sa mort en 1986, on pourrait légitimement dire que Herbert W. Armstrong était le théologien le plus important dans l’histoire de l’Amérique.
Vers 1985, le magazine phare de M. Armstrong, La pure vérité, était produit en sept langues, et le tirage total avait atteint 8,4 millions.10 Le tirage de Time, cette année-là, était de 5,9 millions.11 Avec une population mondiale alors à 4,9 milliards, cela voulait dire que 1 être humain sur 583 recevait La pure vérité. Aux États-Unis, le taux était meilleur encore—1 sur 48 ;12 au Canada, il était de 1 sur 27.
En plus de La pure vérité, magazine consacré aux événements courants et à l’accomplissement de la prophétie biblique, M. Armstrong produisait, également, La bonne nouvelle, un mensuel sur la vie chrétienne. Son tirage était de 828 000, quand M. Armstrong est mort.13 Cela signifie que le tirage combiné des deux magazines les plus populaires de M. Armstrong dépassait le tirage combiné des magazines d’information les plus populaires de l’Amérique, en 1985—Time et Newsweek.14
Pour les adolescents, M. Armstrong offrait Youth ‘85, un magazine distribué dans 138 pays et territoires juste avant sa mort. Il avait un tirage de 230 000.15 Pour ceux qui étaient intéressés par l’étude de la Bible en profondeur, il y avait, en 32 leçons, le Cours de Bible par correspondance de l’Ambassador College. En 30 années, entre 1954 et 1984, plus de 2 millions de personnes se sont inscrites à ce cours.16 À l’époque de la mort de M. Armstrong, le cours était produit en sept langues, et attirait plus de 200 000 candidats à l’inscription, chaque année.17 En 1985, l’Église distribuait plus de 1 million de leçons.18
Puis, il y a eu les nombreux livres et brochures—plus de 40 millions ont été distribués durant les 50 ans de ministère de M. Armstrong.19 Le livre le plus demandé était Les Anglo-Saxons selon la prophétie—expédié par la poste à 6 millions de personnes. La brochure la plus populaire était Les sept lois du succès, demandée par 3 millions de personnes.20
Entre 1980 et 1984, l’Église a distribué 361,6 millions de livres, de brochures, de magazines, de journaux, de leçons et de lettres. Selon le Pastor General Report, « toute cette littérature remplirait un train de 10 kilomètres de long ayant 624 wagons... »21
Ajoutez à ces wagons les nombres records, à partir de 1987, qui étaient, selon le Directeur du traitement du courrier de l’ÉUD, « le plus grand temps de moisson que l’Œuvre ait connu en cet âge. Les records étaient établis par d’immenses marges dans presque chaque catégorie de courrier et d’appels téléphoniques. »22 Cette année-là, l’Église a répondu à 1,5 million d’appels téléphoniques, a reçu 6,7 millions de lettres, et a ajouté 2,1 millions de nouveaux noms dans sa banque de données. L’Église a répondu à cet afflux de demandes en distribuant 85,9 millions de publications, ce qui représentait une croissance de 15,8 pour cent par rapport à 1984.23
Et sur les millions de demandes de 1985, un titre revenait sur les lèvres des nouveaux contacts, des abonnés et des membres de l’Église plus qu’aucun autre : Le Mystère des siècles. Écrit durant la dernière année de sa vie, M. Armstrong le considérait comme le « meilleur ouvrage de [ses] 93 ans... »24 De septembre 1985, quand le livre est arrivé de chez l’imprimeur, à décembre de la même année, 740 000 personnes ont écrit ou ont téléphoné pour Le Mystère des siècles, faisant de lui, et de loin, la publication la plus demandée que l’Église ait jamais produite.25
Tout cela, c’est ce que M. Armstrong a légué à son successeur.
La trahison
Avançons de 20 années. Les rangs des membres, à l’ÉUD, ont diminué de 70 pour cent. (En 1997, M. Tkach Jr disait que l’Église avait perdu environ 70 000 membres.26 Elle a, sans aucun doute, perdu beaucoup plus depuis lors.) Les revenus ont dégringolé d’environ 95 pour cent. L’émission Le monde à venir n’a plus été sur les antennes, en 1994. L’Ambassador College, qui a dispensé un enseignement général à quelque 15 000 étudiants pendant plus de cinq décennies, est maintenant fermé : le campus de Pasadena, en Californie, a fermé ses portes en 1990 ; celui de Big Sandy, au Texas, a suivi en 1997. La bonne nouvelle a été interrompue en 1990, tandis que La pure vérité survit à peine avec quelques milliers d’abonnés payants. C’est un désastre colossal, selon les critères du monde des affaires.
Ensuite, il y a Le mystère des siècles : le tkachisme a pris son contrôle en 1986, et le livre a disparu en 1988, alors même que plus de 1,2 million d’exemplaires avaient été distribués—un succès phénoménal, quels que soient les critères utilisés.
Toutes les doctrines uniques de l’Église universelle de Dieu ont été changées. Toute la littérature de M Armstrong a été retirée de la circulation. Toutes les méthodes de travail qu’il a établies ont été abandonnées, de manière drastique, ou supprimées, de manière graduelle, complètement. La plupart des ministres et des membres ont fui ou ont été excommuniés pour avoir résisté aux changements.
Et à travers tout cela, un petit groupe très resserré de fidèles de Tkach a survécu à la tempête spirituelle, et à la dévastation laissée par la suite, tout en amassant une petite fortune en vendant les biens et le domaine que M. Armstrong a autrefois utilisé pour l’Œuvre de Dieu.
Aujourd’hui, à l’ÉUD, il n’y a pas d’Œuvre—juste des gros camions remplis d’argent, obtenu par les ventes. Ils ont vendu presque tout ce qui avait une quelconque valeur monétaire—camps d’été, sites des fêtes d’automne, meubles, œuvres d’art, équipements d’affaires, livres—tout ! Ils ont même vendu aux enchères les dons personnels que les dirigeants mondiaux avaient faits à M. Armstrong. En 2000, ils ont vendu le campus de Big Sandy pour 8,5 millions de dollars.27 En 2004, ils sont passés à leur plus grosse vente : la propriété de leur siège central, à Pasadena, incluant l’auditorium Ambassador de renommée mondiale. Les représentants officiels de l’Église ont été très discrets sur la somme finale qu’ils ont collectée en vendant les joyaux de la couronne, mais c’était probablement au voisinage de 60 ou 70 millions de dollars.
Quel qu’eût été le prix final, il a été suffisant pour donner indéniablement le vertige à Bernie Schnippert. « Nous sommes dans une très bonne position financière », a dit le Directeur des finances de l’Église au Pasadena Star-News, en mai 2004. Selon Schnippert, l’Église avait maintenant assez d’argent pour faire face aux obligations financières, ou d’autres ordres.28
‘Cauchemar administratif’
Dans Transformée par la vérité, Joseph Tkach Jr est très critique vis-à-vis de la structure gouvernementale de M. Armstrong. « Il est dit que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument », a-t-il écrit. « Il se peut que M. Armstrong n’ait jamais exercé le pouvoir absolu dans notre église, mais de même, il n’y a pas eu beaucoup de gens à le défier sur une question. Il n’y a pas de doute que c’est l’une des raisons pour lesquelles il a acquis une réputation, ‘à l’extérieur’, comme étant un despote théologique. »29
Plus loin, il écrit que M. Armstrong « était très certainement, et absolument, responsable de notre église... Il était le fondateur, et il est venu sur la scène en tant que ce personnage transcendant que la plupart de nos membres voyaient comme possédant toute l’autorité et le pouvoir... »30
Dans un autre livre, écrit par le bras droit de Tkach Jr, J. Michael Feazell dit que M. Armstrong « semblait inconscient du cauchemar administratif que son style de direction ‘en solo’ créait ».31
Je n’arrive pas à comprendre comment une œuvre universelle qui a aidé des millions de vies—par des émissions à l’antenne, avec de la littérature gratuite, des projets humanitaires internationaux, des concerts fameux, des programmes pour la jeunesse, deux collèges et un établissement d’enseignement supérieur—pourrait jamais être traitée de cauchemardesque, cependant c’est de cette façon que les responsables de l’ÉUD présentent, aujourd’hui, cette histoire. En les écoutant, vous avez l’impression qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de rester dans cette église, comme si M. Armstrong les ligotait sur leur chaise, lors des assemblées de l’église.
« Comment l’Église a-t-elle pu me mentir pendant toutes ces années ? », demande M. Feazell, dans son livre. C’est une chose d’être en désaccord avec ce que M. Armstrong croyait et enseignait—beaucoup de personnes étaient dans ce cas—mais c’en est une autre de dire que l’Église mentait ! « Je me sentais, continue M. Feazell, tant du point de vue spirituel que du point de vue émotionnel, violé ! » (Les accentuations sont ajoutées, tout au long de ce livre.)
Violé ? Pourquoi a-t-il choisi de demeurer dans une église d’où il aurait pu s’en aller, à tout moment ? Il compare l’éducation reçue à l’Église à une femme ayant été violée par un pervers sexuel ! M. Feazell écrit :
Il semblait même que ma vie m’avait été volée. J’aurais pu aller dans un collège d’État, et avoir une véritable carrière, et peut-être même être un véritable chrétien. J’étais en colère. J’étais dans la confusion. J’étais déprimé. Et j’étais dégoûté de l’assaut séducteur sur le véritable Évangile donné par « l’unique et seule véritable église » de Herbert Armstrong.32
Je suis dégoûté, moi aussi, de ce qu’il compare la religion de M. Armstrong avec les faits méprisables d’un violeur.
Un long ‘processus’
Quand Tkach, M. Feazell et leurs associés ont eu en main les rênes détenues auparavant par un despote tyrannique qui forçait ses sujets à se soumettre, on se demande pourquoi le système de gouvernement que M. Armstrong a installé dans l’Église n’a pas été la première doctrine qu’ils ont changée.
M. Feazell insiste sur le fait que, pour M. Tkach Sr—juste après la mort de M. Armstrong—« l’un des premiers buts était de démanteler l’approche autoritaire quant au gouvernement de l’Église... »33 Cependant, selon M. Feazell, l’une des premières actions de Tkach Sr a été d’atténuer le langage autoritaire dans le Manuel du club des orateurs—ce n’est pas exactement un tremblement de terre de forte magnitude !
Plus bas dans son livre, M. Feazell admet que, lorsque Tkach Sr est mort, en 1995, il « a délégué la même autorité sans opposition à son fils Joseph Tkach Junior, faisant de lui le troisième pasteur général de l’Église. »34 Réfléchissez à cela—alors même que l’un de ses « premiers buts » en tant que pasteur général devait être, soi-disant, de « démanteler » le gouvernement autoritaire de l’Église, Joseph Tkach est mort avec la même « autorité sans opposition » qu’il avait héritée de M. Armstrong, presque dix ans plus tôt. Et comme M. Feazell l’a noté, le père a passé ces mêmes pouvoirs à son fils, qui, à 43 ans, est devenu le chef suprême de l’Église universelle de Dieu, en 1995.
Cependant, « le jeune Tkach a immédiatement adopté, de manière volontaire, un style consensuel de direction, et a commencé à agir seulement avec l’approbation du Conseil d’administration de l’Église », écrit M. Feazell.35 Mais a-t-il fait des révisions permanentes quant aux pouvoirs du pasteur général ? Selon M. Feazell, le jeune Tkach « a commencé le processus » de révision des lois de l’Église, en 1996. Cependant, quand il lui a été demandé, en juillet 2002—six ans plus tard, lors d’une déposition—s’il était vrai que Tkach Jr avait le même pouvoir absolu hérité en 1995, M. Feazell a dit que « il se pourrait bien que cela soit vrai. ».36 Cette admission a été faite six ans après que le jeune Tkach « a commencé le processus » de révision des lois—16 ans après que son père s’est proposé de « démanteler l’approche autoritaire quant au gouvernement de l’Église. »
La vérité émerge
Pourquoi a-t-il fallu à ces hommes tout ce temps pour faire ces changements ? Tout d’abord, M. Feazell écrit que la décision pour commencer, en fin de compte, le processus en 1996, « a été rendu plus facile par le fait que l’opposition doctrinale rigide, dans l’administration, n’existait plus »37.
Quelle révélation scandaleuse et honteuse !
Écrivant en tant que bras droit de Tkach Jr, M. Feazell a admis que l’une des raisons pour lesquelles le tkachisme a été si lent à adoucir la position rigide de l’Église sur le pouvoir absolu a été la forte opposition à l’intérieur de l’Église contre la réforme doctrinale ! Ce ne fut qu’après que cette opposition a été supprimée que les Tkach pouvaient alors, en fin de compte, considérer la perspective de renoncer à leur contrôle total.
Tkach Jr dit essentiellement la même chose dans son livre. Écrivant en 1997, il reconnaît que l’Église travaillait même alors pour changer la façon dont opérait son gouvernement. « Nous ne croyons pas qu’une forme de gouvernement de l’Église est plus biblique qu’une autre », écrit M. Tkach, « et nous prenons des dispositions pour décentraliser notre structure ecclésiale. »38
Plus bas dans le livre, il écrit : « Il n’est pas question que les structures administrative et organisationnelle [de M. Armstrong] permettent qu’un enseignement non biblique soit cru et perpétué. » Il blâme donc l’autorité de M. Armstrong comme la raison par laquelle des enseignements « non bibliques » ont été crus et perpétués. Tkach écrit ensuite : « Dans Sa miséricorde Dieu a changé nos doctrines d’abord, et nous travaillons maintenant à changer nos structure et politique gouvernementales. »39
Autrement dit, une fois que les changements ont été faits, et l’opposition supprimée, il était temps de considérer la restructuration du gouvernement.
Mais comment peut-il condamner le gouvernement hiérarchique de M. Armstrong, prétendument utilisé pour perpétuer ses croyances, et, dans le même paragraphe, considérer cette même forme hiérarchique comme divinement inspirée parce qu’elle était utilisée pour démanteler tout ce que M. Armstrong représentait ? Pourquoi l’approche de M. Armstrong était-elle comparée à un viol, alors que celle de J. Tkach est un signe de l’amour et de la miséricorde de Dieu ?
Parce que c’est Joseph Tkach qui le dit—voilà pourquoi ! Il sait que c’est cela ! Peu importe le legs de M. Armstrong—le fait qu’il ait laissé une église unifiée et financièrement solvable, avec des membres engagés et dévoués pour soutenir une œuvre universelle. Peu importe le legs de destruction du tkachisme—fait d’excommunication de gens par milliers ; fait de division de familles, de destruction de mariages ; fait de fermeture de collèges, de programmes pour la jeunesse et de fondations ; et fait de gaspillage de centaines de millions de dollars !
Peu importe tout cela—il faut juste croire ce que dit Tkach.
En tant que membres de l’Église, pris en otages par le tkachisme, c’était notre seul choix, ou autrement on nous forçait à partir.
Je répète : On nous forçait à partir ! C’était le tkachisme, et certainement pas M. Armstrong, qui exerçait sa volonté sur les membres de l’Église universelle de Dieu.
Le legs de l'abus
Selon un document produit en 2002, M. Feazell a dit que M. Armstrong « avait une autorité complète, tant du point de vue doctrinal que du point de vue administratif. La déloyauté parmi les ministres était traitée par l’exclusion et l’expulsion hors de l’Église. »40 La même chose peut être dite des Tkach, comme M. Feazell l’a admis plus tard lors d’une déposition au tribunal : Il est exigé d’un ministre qu’il enseigne les doctrines de l’Église... »41 Et si quelqu’un « enseigne contrairement aux doctrines de l’Église [à l’ÉUD], alors il est sujet à être expulsé. »42 Et beaucoup l’ont été. Dans quelle proportion ? C’est une question ouverte, mais il n’est pas exagéré de dire que les Tkach ont été responsables du départ de plus de personnes que ne l’a jamais été M. Armstrong—et de loin. Selon M. Feazell, depuis que les Tkach ont pris la direction, plus de la moitié des membres de l’Église et du ministère a soit quitté soit s’est vue montrer la direction de la porte.43
Laissant de côté les chiffres, garder à l’esprit le tableau d’ensemble. Pensez à la façon dont le tkachisme a préservé la loyauté vis-à-vis de son administration. Sous M. Armstrong, les membres et les ministres avaient au moins l’avantage de savoir où ils mettaient les pieds. Un membre potentiel, par exemple, pouvait avoir vu M. Armstrong à la télévision, demandé de la littérature et puis arrangé une visite avec un ministre de l’ÉUD. S’il franchissait le pas, cet individu pouvait alors étudier en vue du baptême, et finalement devenir membre de l’Église. À chaque étape, le membre pouvait savoir exactement dans quoi il s’engageait.
C’était également vrai pour les ministres de l’ÉUD, sous M. Armstrong. La plupart ont été probablement formés à l’école que M. Armstrong a établie pour soutenir l’œuvre de l’Église—l’Ambassador College. Tous avaient une compréhension approfondie des doctrines de l’Église. Si un ministre, avec le temps, n’était plus d’accord avec les enseignements de M. Armstrong, et commençait à créer des divisions, il s’en allait ou était exclu. Comme M. Feazell l’a reconnu, il était exigé de tout ministre qu’il enseigne les doctrines de son église. Mais, encore une fois, ce ministre savait, au moins, où il mettait les pieds, dès le commencement. M. Armstrong était le fondateur—ce qu’il enseignait, c’est ce que l’Église croyait. Si le ministre a été autrefois d’accord avec les enseignements de M. Armstrong et, subséquemment, a changé, pourquoi rester dans l’église de M. Armstrong ? En quoi est-ce exercer votre volonté sur cet individu quand vous lui dites : Si vous ne prêchez pas les doctrines de cette église, vous ne lui appartenez pas ?
Avec le tkachisme, cependant, l’élément force était nettement en vigueur. Au moment de la mort de M. Armstrong, il y avait 120 000 personnes, dans l’Église universelle de Dieu, qui à un degré ou à un autre, étaient d’accord avec les enseignements de Herbert W. Armstrong. Mais au sommet de la pyramide gouvernementale de cette église, entourant Tkach Sr, se trouvait un groupe d’hommes qui n’a jamais été d’accord avec ces enseignements mais, cependant, demeurait dans l’Église. Et après la mort du fondateur, ces hommes, avec la bénédiction de Tkach, étaient bien décidés à changer le cœur des croyances d’une église qui existait depuis plus de 50 ans.
Et puisque ces changements ont été faits à partir du sommet, par des hommes ayant une autorité sans opposition, les ministres tout comme les membres n’avaient qu’une seule option : ils devaient abandonner les vérités fondamentales qu’ils avaient démontrées, enseignées, et auxquelles ils avaient crues, pendant des années, tandis qu’ils étaient dans l’Église universelle de Dieu, et accepter les nouveaux enseignements de Tkach—ou alors on les forçait à partir par excommunication.
À mon point de vue, c’est cette façon de faire qui correspond à l’utilisation de l’autorité par la force, et ce, de manière abusive.
Sans pouvoir
M. Feazell a expliqué dans son livre : « Ironiquement, la même structure gouvernementale autoritaire qui a créé l’environnement hérétique dans la place a été nécessaire pour la corriger. » Ils étaient justifiés d’utiliser le pouvoir absolu, dit M. Feazell. « Tkach n’aurait pas pu réaliser la transformation doctrinale massive qui a caractérisé les dernières années de son administration sans l’autorité hiérarchique, sans entrave, qui lui avait été déléguée par M. Armstrong. »44
Réalisez à quel point cet aveu est étonnamment brutal ! Il sait—il admet—que, sans le pouvoir total, leur transformation n’aurait jamais eu lieu. Les membres de l’Église ne l’auraient tout simplement pas permis ! Mais grâce à la « miséricorde » de Dieu, ils ont pu utiliser le pouvoir absolu pour nous faire avaler de force cette transformation—ou nous montrer le chemin de la porte.
M. Feazell a admis que « le changement d’une telle magnitude »—comme ce qui s’est passé à l’ÉUD—demande, « pratiquement, une forme hiérarchique et autoritaire de gouvernement de l’Église… »45 Il écrit encore que « sans cette autorité totale, les changements dans la doctrine et dans la direction n’auraient jamais eu lieu. »46 Il ne dit pas auraient pu avoir lieu, ou auraient peut-être eu lieu ou encore auraient possiblement eu lieu. Sans le pouvoir absolu, la transformation de Tkach n’aurait jamais eu lieu.
C’est cela, l’abus de pouvoir.
M. Feazell parle de sept dynamiques qui accompagnent une organisation au milieu d’un changement de grande ampleur. Sous le sixième point, il écrit : « Les membres de l’ÉUD étaient frustrés par leur sentiment d’impuissance. Non seulement ils n’avaient aucune voix dans la décision menant à changer les doctrines qu’ils chérissaient le plus, mais dans une culture d’église qui tenait à sa capacité de comprendre et d’expliquer ses croyances, ils craignaient de ne pouvoir comprendre adéquatement les nouvelles doctrines. »47 Tous les membres de l’Église, dit-il, chérissaient leurs anciens enseignements—ils ne pouvaient comprendre les nouveaux—et étaient impuissants à empêcher les changements.
C’est cela, l’abus de pouvoir.
Le septième point de M. Feazell est le suivant : « Si vous enlevez de la pression, les gens retourneront à leur ancienne conduite. Les gens ont tendance à espérer que la crise finira par passer. Si nous devions arrêter d’enseigner les changements, maintenant, et si nous devions inviter les membres à revenir aux anciennes doctrines, je suis persuadé qu’un certain pourcentage le ferait. »48
Ces hommes pensent que M. Armstrong a utilisé sa fonction pour forcer les gens à croire d’une certaine manière !
C’est mieux que rien !
Lors d’une déposition en 2002, nous avons interrogé M. Tkach Jr sur les changements dans le gouvernement de l’Église que, de longue date, il avait juré de faire. « Ces changements ont-ils été effectués vers la fin de 1997 ou le début de 1998 ? » avons-nous demandé, faisant référence à ce qu’il indiquait dans son livre.
La réponse a été : « Non ! »
Et qu’avaient-ils fait, en cinq ans, depuis que Tkach a fait paraître son livre ? « Nous avons eu des discussions », a dit Tkach. « Nous avons produit un manuel, et nous ne ferons pas ces changements jusqu’à ce que nous concluions la vente de notre propriété, à Pasadena. »49
Il s’est agi d’un véritable coup d’État grâce auquel on a imposé de nouvelles doctrines à l’Église, et au cours duquel on n’a donné aux membres « aucune voix » concernant les décisions relatives à l’Église ; au cours duquel on a supprimé les œuvres de l’Église—l’émission de télévision, la majorité de la littérature, les collèges, l’établissement d’enseignement supérieur, la fondation culturelle et ainsi de suite. On a excommunié les ministres « déloyaux » ; on a chassé les membres « qui entraînent la division » par dizaines de milliers ; on a supprimé toute résistance ; au cours duquel on a, ensuite, vendu tous les biens de l’Église—y compris des biens fonciers valant des millions dollars, dans le sud de la Californie et au Texas.
ENSUITE, et seulement ensuite—PEUT-ÊTRE—envisager de changer la façon dont le gouvernement de l’église est administré.
Le nouveau modèle financier
Dans le même numéro du Worldwide News (le journal interne de l’Église) dans lequel l’ÉUD a rapporté la vente de l’auditorium Ambassador et de la propriété de Pasadena, le responsable de la gestion de l’Église, Ronald Kelly, a annoncé des plans pour un nouveau modèle financier. « Suite au succès de la vente du campus de l’est et de la vente d’une portion du campus de l’ouest », écrit Kelly, « nous commençons maintenant des plans pour réaliser notre modèle financier décentralisé, longtemps désiré. »50
Gardez ceci à l’esprit : ils ont abandonné l’œuvre axé sur le siège central au milieu des années 1990. La mission de l’Église, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres dénominations chrétiennes, était de développer des congrégations d’adoration, au niveau local. À nouveau, le tkachisme avait complètement supprimé le concept d’une « œuvre universelle » que M. Armstrong avait utilisé. Il n’y avait pas d’œuvre, excepté au niveau local. Les congrégations travaillaient à développer leur propre identité.
Mais l’argent— par dizaine de millions—continuait à couler à flots au « siège central » de Pasadena, encore en 2004. Réfléchissez à cela. Vers 1995, pratiquement tout dans l’Église avait été décentralisé—tout, sauf le gouvernement autoritaire et le modèle financier !
Dans son article, M. Kelly a mentionné que le processus de décentralisation du modèle financier avait commencé en 2003. Cette année-là, Pasadena a collecté 18,6 millions de dollars de revenus. De cela, ils ont retourné 1,5 million aux congrégations—un maigre 8 pour cent.
En juin 2004—avec la propriété de Pasadena rapportant, selon les estimations, 70 millions de dollars au tkachisme—l’administration de l’Église était finalement prête, à ce moment-là, à décentraliser le modèle financier afin que les dîmes et les offrandes des membres puissent, de fait, être destinées à l’œuvre que l’Église faisait au niveau local.
Maintenant, avec son autorité absolue, et sans opposition, encore intacte, Joseph Tkach pouvait partager la fortune acquise par la vente de la propriété payée par les dîmes et les offrandes des membres qui avaient soutenu l’œuvre faite par M. Armstrong.
Une fois les profits dispersés, peut-être, alors, sera-t-il prêt à décentraliser le modèle de gouvernement de l’Église.
Ou, peut-être pas !
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