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Le grand désir de vivre
La souffrance tue sa femme, et John est noué de chagrin à cause de cela.
«Une des plus grandes difficultés de tout être humain, je pense, c’est de regarder souffrir un autre qu’il aime», dit-il.
Sa femme n’est pas malade. John est celui qui a le cancer. C’est celui qui a la gêne respiratoire, le sommeil erratique, la diarrhée, la nausée, l’épuisement. C’est celui qui souffre. Une douleur continuelle, presque incompréhensible. Il prend juste assez de médication pour gérer les souffrances sans embrouiller son esprit ou engendrer une résistance au traitement plus que nécessaire.
Mais tout ce temps, sa femme est là, l’attendant, le nourrissant, le nettoyant, priant avec lui, pleurant avec lui. Aussi forte et aussi fidèle soit-elle, John voit la souffrance consumer sa vie et la sienne propre.
«Sous certains aspects cela déchire absolument et met en pièces l’harmonie même de votre mariage», dit John. «Le mariage est une équipe. Quand on est malade, on a plus d’épreuves—et seulement la moitié de l’équipe. Cela vous dévaste.»
Les questions et les épreuves entourant la mort sont parmi les plus atroces auxquelles font face les êtres humains. Tant pour les victimes que pour leur famille.
«Personne ne veut mourir. Et personne ne veut mourir mal», dit Judith Nelson.
J. Nelson a combattu la mort de première main, comme peu de personnes. Elle est spécialiste en soins de fin de vie. Médecin dans le service des soins intensifs d’un des hôpitaux les plus appréciés d’Amérique, elle sert régulièrement les gens en fin de vie, se débattant avec l’au-delà inconnu.
J. Nelson a récemment apparu dans un épisode émouvant de Frontline, appelé «Face à la mort», consacré aux médecins et aux familles, au Mount Sinai Medical Center de New York City, se battant avec des décisions brutes et pénibles impliquées dans le traitement des patients en phase terminale.
Combien avez-vous pensé à ce sujet? Il y a quelque chose de remarquable, même de noble, dans cette qualité presque universelle chez les gens et toutes les créatures vivantes. On veut préserver l’étincelle de vie qu’on posséde.
Habitant des corps périssables, vivant dans un monde éphémère, nous feignons de croire que la vie est permanente. Puis, s’impose la réalité brutale. Notre corps vieillit et faiblit. Nos amis décèdent. Notre famille souffre de la perte. Mais nous répugnons quand même à y faire face. Même dans le service des soins intensifs, où cela est en suspens dans l’air, les mots mourir, mourant et mort ne sont presque jamais prononcés.
La profession du Dr Nelson colporte l’espoir. Aux patients frappés par un état fatal, cette profession offre un menu toujours croissant de traitements. Une chance d’échapper à l’inéluctable.
En même temps, cela crée aussi quelques énigmes effroyables, et soulève des questions suffisamment importantes pour que chacun d’entre nous y réfléchisse.
«Une fiction» dans la médecine moderne
L’innovation médicinale et thérapeutique développe la capacité décisionnelle et la responsabilité pour les gens faisant face à la mort. «Il y a presque toujours quelque chose d’autre que nous pouvons faire pour remettre l’inévitable à plus tard—une autre chimiothérapie, un peu plus de radiation», dit David Muller, doyen de l’éducation médicale au Mount Sinai School of Medecine. «Et si nous faisions encore un scanner? Et si nous explorions l’abdomen de cette personne encore une fois? Il y a toujours une inquiétude persistante dans votre esprit: ‘N’ai-je vraiment négligé aucun détail?’»
En plus des traitements disponibles, les machines rendent possible le fait de garder opérantes les fonctions vitales d’un corps—les battements cardiaques, la circulation sanguine, la respiration—presque indéfiniment.
Le désir irrésistible de vouloir utiliser tous les moyens nécessaires pour préserver la vie est compréhensible—certains diraient même héroïque. Mais ces avancées ont aussi un inconvénient. Pendant qu’elle fait des promesses aux patients malades, la gamme de traitements possibles crée également un ensemble formidable d’attentes que la médecine moderne doit respecter. Et dans la plupart des cas, elle n’est tout simplement pas à la hauteur.
«La disponibilité des thérapies a créé cette fiction selon laquelle nous pouvons orchestrer cela d’une façon ou d’une autre, quand la vérité est que, pour toute cette technologie magnifique, la maladie sous-jacente et la condition médicale du patient sont de loin les facteurs les plus importants dans la détermination du résultat», dit le Dr Nelson. «Mais cela donne le sentiment, quand vous avez la technologie à disposition, que votre décision à l’utiliser ou non ressemble à la décision de permettre ou non la vie. Et ce n’est pas une position dans laquelle n’importe lequel d’entre nous veut être.»
Ce dilemme moral est un résultat frappant de la santé publique contemporaine. Personne ne veut mourir. La mort est un ennemi intimidant; elle n’a jamais été facile à affronter. Mais accepter la réalité d’un corps succombant à une maladie fatale devient plus difficile quand elle est accompagnée par la notion—pourtant fausse—que c’était un choix. Je choisis la mort. Ne pas réanimer.
Étant donné le choix, de moins en moins de gens le prennent. Par personne, les Américains dépensent plus d’argent pour les soins de santé que n’importe quel autre peuple à travers le monde entier; la facture s’est élevée à 2,5 milliards de milliards de dollars en 2009. Davantage d’Américains meurent maintenant dans les hôpitaux que n’importe où ailleurs, souvent après une intervention médicale importante. Selon le Dr Nelson, il y a environ 100 000 patients à un stade critique sous assistance respiratoire à n’importe quel moment en Amérique. Leurs traitements entraînent une facture de 20 à 25 milliards de dollars par an. Mais il y a un autre coût plus intangible.
«Ce sont les survivants brisés des services de soins intensifs», dit J. Nelson. «Plus les soins intensifs deviennent meilleurs, plus nous avons de ces survivants brisés.»
«Nous avons son corps»
Un de ces survivants brisés est Ryan. Il a 21 ans, et il est dans un «coma yeux ouverts» depuis plus d’un an, après un passage à tabac horrible. Il doit être nourri par sonde gastrique. Il a eu neuf interventions chirurgicales, et son cœur s’est arrêté de battre au moins deux fois. Les médecins estiment qu’il a une chance de réveil de 10 à 20 pour cent, probablement dans un état de «conscience fondamentale, plus proche de celui d’un bébé que de celui d’un adulte». Une année de soins médicaux de Ryan coûte un demi-million de dollars.
Ryan est soigné jour et nuit par son père. Ken a quitté son travail afin de pouvoir rester avec son fils, lui brossant les dents, le lavant, lui administrant ses médications (50!), lui changeant son cathéter, lui étirant les membres.
La famille inquiète et les amis ont formé un groupe de prière pour Ryan. Mais Ken ne croit plus dans la prière. «Quel Dieu permettrait à cela d’arriver?» demande-t-il. «Quel Dieu ne corrigerait pas cela?»
Un article du Washington Post, au sujet de ces deux vies brisées, cite Ken témoignant lors d’une audience en cour de justice concernant Austin, le garçon de 19 ans qui a donné un coup de pied à son fils à la tête, au cours d’une bataille dans un parking, et qui, maintenant, est soumis à des attaques sévères. «Mon rêve, c’est d’avoir deux minutes dans une pièce fermée avec une batte de base-ball», dit Ken menaçant. Austin, promet-il, «ne sortira pas dans une plus mauvaise condition que mon fils.»
Alors, il relate un fait amer: il est dit que perdre un enfant est la plus mauvaise expérience de la vie, c’est pire. «Nous avons son corps, dit-il, mais nous n’avons pas son esprit» (2 décembre 2010).
Ken et sa famille se demandent s’il aurait été mieux pour Ryan de mourir la nuit où il a été battu. Il se peut que vous pensez connaître la réponse. Mais s’il avait été votre fils et que l’on vous avait donné l’espoir—pourtant mince—qu’avec le bon traitement, il pourrait encore avoir un avenir, auriez-vous décidé différemment?
Remettre à plus tard les grandes questions
Au cœur de la question se trouve un paradoxe pénible.
Les médecins ont recours au maximum de leurs pouvoirs intellectuels et créatifs pour poursuivre le but fondamentalement bienveillant de faire aux individus un cadeau de valeur, bien que fugace: plus d’années d’une vie précieuse. Davantage d’années pour approfondir les relations, pour créer des souvenirs, pour partager la sagesse, pour oser des exploits, pour réaliser des rêves.
En même temps, ils reconnaissent qu’il est impossible de défier indéfiniment la mortalité humaine. Ils n’ont pas le pouvoir de guérir. Et dans bien des cas, leurs traitements, à vrai dire, font du mal aux patients, en diminuant la qualité de la vie et en accélérant la mort. Ainsi, avec les patients et leurs familles, ils sont confrontés à des choix très douloureux concernant la quantité de thérapie à administrer, foulant un terrain incertain, guidés par les probabilités et les sentiments.
«Il ne fait aucun doute que la technologie ait sauvé, d’une façon significative, des centaines de milliers, sinon des millions, de vies», dit le Dr Muller. Par «vies», évidemment, il fait allusion aux années, puisque le traitement le plus réussi ne peut que remettre à plus tard la date de la mort. Il continue: «Mais avec ces avancées et tout ce progrès viennent des compromis ultimes. Et le bilan est quelquefois désastreux pour les patients eux-mêmes, pour leur famille, pour leurs bien-aimés et pour le système de santé publique.»
Trois Américains sur quatre disent croire en une vie après la mort. Mais ce qu’elle pourrait bien être reste enveloppé de mystère pour la plupart des gens. Ils n’ont simplement jamais examiné le sujet de près. Peut-être en ont-ils peur.
Les avancées médicales modernes ont clairement donné des années—à des degrés variables de qualité—à beaucoup de personnes. En même temps, ces avancées nous ont fait remettre à plus tard les questions fondamentales que soulève notre mortalité. Avec la mort imminente, nous nous préoccupons d’affaires essentiellement matérielles—les options, les traitements, les programmes, les avantages. Pour beaucoup, les derniers jours de vie ne sont pas passés dans la paix, mais dans la guerre, armés seulement avec la foi dans les armes fragiles de la science. Nous versons ce peu de vie que nous avons en combattant l’ennemi qui y mettra fin. Et finalement, cette «rage contre la mort de la lumière» finit toujours en défaite.
La médecine moderne promet une sorte d’immortalité. Elle suggère que notre énergie serait mieux utilisée à employer tous les moyens pour allonger l’existence physique aussi longtemps que possible. Si nous ne sommes pas prudents, cette «fiction», comme le Dr Nelson l’a appelée, peut devancer les importantes questions spirituelles qui devraient dominer notre réflexion, même nos prises de décisions, alors que nous considérons l’inévitabilité de la mort.
En paix avec la mort
Harry a une tumeur à son poumon gauche. Il y a neuf mois, les médecins ont dit qu’il vivrait encore de six mois à un an. Il s’adapte progressivement aux nouveaux désagréments et aux gênes: douleurs qui le forcent à dormir seulement sur le côté droit; deux heures par jour d’oxygénothérapie à partir d’une machine; estomac dérangé; engourdissement et non réactivité de son pied gauche.
Les médecins lui ont proposé de la radiothérapie et de la chimiothérapie, mais il a refusé. «J’ai 80 ans et je n’ai pas voulu passer tout ce temps à l’hôpital», dit-il avec un sourire. Il a plutôt choisi de répondre à son état par un régime restreint, quelques traitements naturels simples—et la foi.
«J’ai placé cela dans les mains de Dieu. Que je vive ou que je meurs, Il peut contrôler cela, dit Harry. «Je veux faire tout que je peux qui soit logique et ait du sens pour m’aider moi-même, et Lui laisser le reste.»
Harry veut vivre. Mais il est franc, lucide et sans peur de la mort. «Si Dieu dit que c’est le temps pour aller, bien. J’estime vraiment que j’apprends quelques leçons de cette épreuve qui sont bonnes pour moi—et j’en suis reconnaissant.» Il est moins concentré sur sa santé physique que sur sa santé spirituelle.
John a eu la même approche, mais l’état avancé de son cancer rend cela plus difficile. «J’aurais voulu savoir à quel point ce serait fatigant, dit-il, je me serais ainsi davantage préparé spirituellement.»
Même avec la foi en Dieu, faire face à la mort peut être extrêmement difficile, particulièrement quand on a des douleurs. «Cela vous conduit au-delà de ce que vous pensez possible de tenir, à tout point de vue—mentalement, physiquement, spirituellement, émotionnellement, financièrement», dit John. «Ces choses perturbent vos émotions, votre motivation, votre désir de vivre.»
Même Jésus-Christ, qui était parfait dans la foi, s’est battu puissamment alors qu’Il faisait face à Sa propre mort, priant avec une émotion pénétrante afin qu’Il puisse éviter la souffrance à laquelle Il faisait face (lisez Matthieu 26:36-44 et Luc 22:41-44).
Encore, cependant, qu’il y ait une sérénité à dire, comme Jésus: «Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne.»
Et il y a une paix gigantesque à reconnaître et à comprendre la valeur du spirituel sur le physique et, au-dessus, du physique. Après tout, quel est le but réel de la vie? Utiliser tous les moyens pour l’allonger de quelques années ne fait rien pour répondre à cette question fondamentale.
Et qu’arrive-t-il après la mort?
L’espoir réel
«Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes», écrit l’apôtre Paul.
C’était un homme qui a fait face à la mort avec confiance. «Car pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche, a-t-il écrit… J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m’est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement.»
Paul avait très envie de vivre, tout comme nous tous. Mais ce dont il fait allusion, ce n’est pas l’espoir vide de prolonger sa vie physique—mais le véritable espoir exposé dans les Écritures.
C’est un espoir fondé sur la compréhension du magnifique dessein de Dieu, qui repose sur la création de l’homme mortel, nous soumettant aux épreuves de la chair—une expérience par laquelle, pour réaliser ce dessein, Il a même fait traverser Son seul Fils engendré (Cf. Hébreux 2:9).
Beaucoup de gens croient que l’homme possède une âme immortelle, et que lorsqu’il meurt, selon les choix qu’il a faits au cours de sa vie, il va au ciel ou en enfer. La Bible est pourtant nette, sur ce point, l’âme n’est pas immortelle—elle peut mourir (Cf. Matthieu 10:28; Ézéchiel 18:4, 20; Romains 6:23). Les Écritures disent que, lorsque l’on meurt, nos «pensées périssent» et que «les morts ne savent rien» (Psaume 146:3-4; Ecclésiaste 9:5; voir aussi les Psaumes 6:5; 115:17). Jésus-Christ, Lui-même, a dit que «personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel» (Jean 3:13).
Le réel espoir des Écritures n’a pas trait à une «âme immortelle» ou à «des miracles» d’intervention médicale. C’est la promesse de la résurrection. C’est la promesse que, «comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ»—et que, de manière ultime, «le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort» (1 Corinthiens 15:22, 26). La mort humaine ne signifie rien d’autre pour Dieu qu’un sommeil temporaire (versets 51-55), parce que Dieu peut ressusciter les humains!
Il y a une raison—une raison magnifique et pleine d’inspiration—pour laquelle quelque chose en nous se cramponne à la vie. Une raison dont nous avons soif en permanence, alors même que notre existence physique passe comme une ombre. Nous avons, en fait, été créés pour hériter l’éternité.
Combien avez-vous pensé à ce sujet? ▪