Julia Goddard/LA TROMPETTE
La fête et la chute
Travaux publics énormes. Institutions bureaucratiques. Dysfonctionnement du gouvernement. Corruption rampante. Budgets gonflés. Déficits commerciaux. Inflation galopante. Lourdes charges fiscales. Inégalités économiques. Violence politique.
Ces phrases décrivent les derniers jours de l’Empire Romain aussi bien que l’Amérique d’aujourd’hui. Il est donc impératif que chaque citoyen se réveille et y jette un œil. Les fondateurs de l’Amérique ont été largement inspirés par l’ancienne République romaine. Après avoir étudié les écrits de Tite-Live, Plutarque, Polybe, Salluste, Tacite, Thucydide et, surtout, Cicéron, ils ont mis en place une économie basée sur le libre-échange, le droit à la propriété et l’entreprise privée. Mais, tout comme les américains ont essayé de reproduire le succès de Rome, ils sont également en train de reproduire l’échec de Rome.
Alexander Hamilton, le premier Secrétaire au Trésor américain, s’est probablement inspiré des taux de change fixes de Rome entre l’aureus d’or, le denier d’argent et le sesterce de bronze lorsqu’il a établi un étalon bimétallique pour le dollar américain. Et Pierre Charles L’Enfant, l’architecte qui a conçu Washington, D.C., s’est incontestablement inspiré des infrastructures romaines lorsqu’il a dessiné les plans du nouveau capitole américain.
Cependant, plus que par des taux de change ou des infrastructures, les fondateurs de l’Amérique ont été inspirés par la vertu civique romaine. À l’époque de la grandeur de Rome, les Romains se considéraient eux-mêmes la principale source de leurs revenus. Ils travaillaient dur pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches, car ils savaient que les unités familiales autosuffisantes étaient les fondations de base de toute société stable. Les Romains ont atteint la grandeur lorsqu’ils subvenaient à leurs propres besoins, et ont sombré dans la ruine lorsqu’ils ont abandonné leur responsabilité personnelle et ont commencé à compter sur l’aide du gouvernement.
L’une des leçons les plus importantes de l’histoire est qu’un peuple qui a perdu son caractère ne peut conserver ses libertés. Rome a appris cette leçon à ses dépens, et il en sera de même pour l’Amérique si elle ne tire pas les leçons de la chute de Rome !
La dépendance aux subventions
À l’époque de la République romaine, le gouvernement intervenait sporadiquement pour distribuer des céréales subventionnées aux citoyens les plus démunis de Rome. Pendant les guerres récurrentes de la République, de nombreuses familles d’agriculteurs sont devenues pauvres pendant que le pourvoyeur de la famille était en campagne militaire, alors elles vendaient leurs terres à de riches et puissants propriétaires terriens du Sénat. Tout le monde savait qu’il y avait un problème, mais le Sénat ne voulait pas voter contre ses propres intérêts. Ils ont continué à acheter des fermes et à distribuer des céréales pour garder les pauvres de leur côté.
Cette distribution de céréales s’est institutionnalisée lorsqu’un démagogue du nom de Publius Clodius Pulcher est devenu tribun de la plèbe en 59 avant J.-C. Il a soudoyé l’électorat de Rome en promettant des céréales gratuites aux frais du contribuable et a obtenu le pouvoir. Les habitants des campagnes environnantes affluaient à Rome pour recevoir du grain gratuit, et les politiciens essayaient de se surpasser les uns les autres en dépensant d’énormes sommes d’argent pour obtenir la faveur du public. Au moment où Jules César est devenu dictateur, environ un tiers de la population de la ville de Rome recevait des céréales gratuites, selon le Cato Institute.
César Auguste a réduit le nombre de bénéficiaires d’allocations de 320 000 à 200 000 en instaurant un contrôle des ressources avant de distribuer les céréales, mais la pratique de la distribution gratuite de nourriture s’est poursuivie jusqu’à l’effondrement de l’Empire romain 500 ans plus tard. De nombreux empereurs ont fondé leur pouvoir sur les énormes largesses qu’ils accordaient au peuple, qui en est devenu dépendant. Henry Haskell a décrit ce changement tragique des idées dans son livre très pertinent The New Deal in Old Rome : How Government in the Ancient World Tried to Deal With Modern Problems (Le nouvel accord dans la Rome antique : comment le gouvernement dans l’ancien monde a essayé de gérer les problèmes modernes). « Moins d’un siècle après la disparition de la république au profit de l’autocratie impériale, le peuple avait perdu tout goût pour des institutions démocratiques », écrit-il. « A la mort d’un empereur, le Sénat débattait de la question du rétablissement de la république. Mais le peuple préférait le règne d’un despote extravagant qui continuerait à leur verser des allocations et leur fournirait des spectacles gratuits. La foule, dehors, réclamait un ‘seul maître’ du monde. »
L’empereur Aurélien, qui a régné au cours d’une période de crises prolongées au troisième siècle, a renforcé sa popularité en donnant aux gens du pain cuit par le gouvernement au lieu de leur donner du grain pour faire leur propre pain. Il déclara que les allocations gouvernementales étaient un droit héréditaire et distribua gratuitement du sel et du porc aux masses.
D’autres villes suivirent l’exemple de Rome, et les citoyens d’Alexandrie, d’Antioche et de Constantinople sont devenus également dépendants des largesses du gouvernement. Les gens ont été éduqués à s’attendre à quelque chose pour rien, ils ont donc fui le travail et ont recherché les loisirs. C’est l’abandon des anciennes vertus romaines d’autonomie et d’initiative qui a fait que la République romaine a cédé la place à l’Empire romain. Et c’est l’absence de ces mêmes vieilles vertus romaines qui a finalement fait tomber l’Empire romain en décadence et en ruine.
Comme l’a dit le feu théologien Herbert W. Armstrong, « Quand une nation commence à attendre de son gouvernement qu’il fournisse tout sans cesse, cette nation est sur la pente glissante de la décadence et l’oubli. Cela a provoqué la chute de Rome. Cela a provoqué la chute de la fière Babylone bien avant. Et cela provoquera la chute de l’Amérique aujourd’hui » (Plain Truth, Février 1956).
Inflation galopante
Au début de l’Empire Romain, un denier valait environ une journée de salaire pour un ouvrier ou un artisan qualifié. Ces pièces étaient d’une grande pureté, contenant environ 4,5 grammes d’argent. Mais lorsque les empereurs romains ont commencé à dépenser davantage pour les guerres, les aides gouvernementales et les jeux de gladiateurs, ils ont constaté qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour financer tous leurs projets fantaisistes. Mais ils ont rapidement trouvé le moyen de contourner ce problème.
Plutôt que d’augmenter les impôts, l’empereur Néron a réduit la quantité d’argent contenue dans un denier à 3,4 grammes afin de pouvoir frapper davantage de pièces avec moins d’argent. Bien entendu, chaque denier perdait ainsi de sa valeur et les marchands n’ont pas tardé à réclamer davantage de deniers pour les mêmes biens et services. Ce cycle s’est poursuivi sous les successeurs de Néron.
L’empereur Trajan (98-117) a réduit la teneur en argent du denier à 85 pour cent. Puis, l’empereur Marc-Aurèle (161-180) l’a réduite à 75 pour cent. Septime Sévère (193-211) l’a réduite à 50 pour cent, et ses successeurs, bien plus encore. À l’époque de Gallien (253-268), la nouvellement dénommée antoninanianus était une pièce de bronze recouverte d’un mince placage d’argent qui s’usait rapidement pour révéler, en-dessous, la mauvaise qualité de la pièce.
Les mercenaires barbares étaient payés en or parce qu’ils n’acceptaient pas la monnaie romaine sans valeur, mais les soldats romains autochtones devaient faire face à l’hyperinflation. D’anciennes archives indiquent que le salaire annuel des soldats est passé de 223 deniers à l’époque de César Auguste à 675 antoninanianus à l’époque de Gallien. Pourtant, la teneur en argent d’un antoninanianus avait chuté de 98 pour cent à 5 pour cent au cours de cette même période.
Comme l’explique Mikhaïl Rostovtzeff dans A History of the Ancient World: Rome [Une histoire du monde antique : Rome], « Pour parer à toutes ces calamités, les empereurs, dans leur besoin d’argent, ont émis une vaste quantité de pièces. Ne possédant pas assez de métaux précieux pour ces émissions, ils alliaient l’or avec l’argent, l’argent avec le cuivre, et le cuivre avec le plomb, avilissant ainsi la monnaie et ruinant, à la fin, des hommes qui étaient auparavant riches. Cette mesure tua à la racine le commerce et l’industrie. Au troisième siècle, l’hôtel des monnaies de l’État devint une vaste manufacture de pièces de monnaies de basse qualité. […] Il n’est pas étonnant qu’une crise sociale et économique d’une extrême gravité ait été provoquée par ces conditions. »
La survie de l’empire étant en jeu, Dioclétien (284-305 apr. J.-C.) a tenté d’enrayer l’inflation galopante en contrôlant les prix. Mais son plan s’est retourné contre lui. Plutôt que d’enrayer l’inflation, ses édits ont poussé les marchands à avoir peur de vendre de la marchandise au risque de subir des pertes financières colossales. Par conséquent, la demande de marchandises s’est envolée, tout comme les prix. Le décret de Dioclétien relatif à la fixation des prix a été rapidement abandonné, tandis que l’empereur cherchait un moyen de rétablir l’ordre sans restaurer la vertu civique et la politique fiscale saine qui avaient fait la grandeur de la République romaine.
Impôts lourds
Après la crise du troisième siècle, les empereurs n’étaient plus en mesure d’obtenir des ressources suffisantes en dévaluant la monnaie pour augmenter les recettes. Pourtant, Dioclétien avait déjà mis en place une série de hausses d’impôts si rigides et inflexibles que beaucoup ont été poussés à la famine et à la faillite. Puisque l’argent n’avait plus aucune valeur, le nouveau système percevait les impôts sous forme de biens et de services. Après avoir calculé la quantité de tissu, de céréales, d’huile, d’armes et d’autres biens nécessaires à la subsistance d’un soldat romain, les bureaucrates ont déterminé combien chaque famille devait à l’empire.
Au cours des 50 années qui ont suivi les réformes de Dioclétien, la charge fiscale romaine a pratiquement doublé. Nombreux sont ceux qui ont abandonné leurs terres afin d’éviter les impôts et recevoir plutôt des allocations publiques. Cela a créé une situation où, selon l’anthropologue et historien Joseph Tainter, « ceux qui vivaient du Trésor public étaient plus nombreux que ceux qui y contribuaient. »
Les émeutes dues à la charge fiscale et les rébellions parmi les quelques personnes qui continuaient à travailler pour gagner leur vie devenaient monnaie courante, mais cela n’a pas empêcher Valentinien III (425-455) d’imposer une taxe de vente supplémentaire de 4 pour cent. Dans ces circonstances accablantes, nombreux étaient ceux qui se lamentaient, souhaitant que des barbares germaniques les délivrent de l’épouvantable fardeau des impôts. Un écrivain de la fin du cinquième siècle, Zosime, a plaisanté en disant qu’« en raison de l’imposition de ces taxes, les villes et les campagnes étaient pleines de lamentations et de plaintes, et tous […] cherchaient l’aide des barbares ».
C’est pourquoi Edward Gibbon, auteur du livre The Decline and Fall of the Roman Empire [Le déclin et la chute de l’Empire romain], a invoqué l’augmentation de la fiscalité comme l’une des cinq causes principales ayant contribué à la chute de l’Empire Romain, aux côtés de l’éclatement de la cellule familiale, de la soif insatiable de plaisirs mondains, d’une accumulation non viable d’armements et de la décadence de la religion.
« L’oppression économique de l’empire subséquent a de plus en plus rongé l’esprit, la loyauté et la fierté des citoyens, de tous les échelons de la société, et a favorisé une série d’autres maux », peut-on lire dans la brochure The Modern Romans [Les Romains modernes], publiée par l’Ambassador College Press [Presse du Collège Ambassadeur] en 1971. « Cela a détruit l’esprit communautaire et national. Les coûts de fonctionnement de ce gigantesque empire étaient énormes. Ils causaient une incessante lutte administrative pour maintenir une économie stable. La bureaucratie gouvernementale, ne cessant d’augmenter, était devenue excessivement coûteuse […] Il fallait une véritable armée de fonctionnaires pour gérer à la fois les offres et demandes complexes des services gouvernementaux et de l’armée. Cela a donc nécessité l’imposition d’un fardeau fiscal encore plus lourd à des gens qui étaient déjà trop lourdement chargés. »
Le prophète Amos a prédit que des impôts lourds seraient une des raisons principales de l’effondrement de l’Amérique du temps de la fin (Amos 5 : 11), mais le peuple Américain n’y prête pas attention. Des impôts écrasants ont ravagé l’économie privée de Rome, en perte de vitesse, et ont fait d’elle une proie facile pour le chef germanique Odoacre en 476, lorsque, finalement, l’empire s’est complètement effondré.
Les fondateurs de l’Amérique ont cru pouvoir créer une société stable en s’inspirant de ce que Rome a fait de bien, il est donc impératif que les Américains tirent également des leçons de ce que Rome a fait de mal.