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L’Europe doit reconquérir la Méditerranée

João Silas/unsplash.com

L’Europe doit reconquérir la Méditerranée

Empêcher l’islam radical de prendre pied en Afrique du Nord et au Moyen-Orient est une question de survie. 

Dans le monde de la géopolitique, la carte est un instrument prophétique.

Considérez les bouleversements politiques en Égypte, et l’inévitable émergence des Frères musulmans dans le nouveau gouvernement du Caire. De façon plus générale, considérez la présence et l’influence, toutes les deux croissantes, de l’islam radical dans des endroits comme l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Éthiopie, l’Érythrée, la Somalie, le Yémen, l’Irak, le Liban et le Pakistan. Au fur et à mesure que les forces extrémistes islamiques prendront pied dans ces pays, vont-elles provoquer des transformations au-delà du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord? Si oui, où?

Pour avoir les réponses, nous n’avons qu’à étudier une carte du monde. Ce qui devient rapidement évident, c’est l’ascension de l’islam radical en tant que force de contrôle puissante en Méditerranée du sud et de l’est. Et quelle région, en dehors de ce théâtre, cette tendance menace-t-elle plus que tout autre? Dans pratiquement tous les domaines concevables—politiquement, économiquement, stratégiquement, démographiquement, culturellement—elle menace l’Europe!

Une menace stratégique

Lorsque l’Égypte a explosé en février, Timothy Garton Ash du Guardian—dans un article intitulé à juste titre «Si cela est le 1989 des jeunes Arabes, l’Europe doit être prête avec une réponse audacieuse»—a averti que si les violentes forces islamiques anti-occidentales prennent le dessus en Égypte et en Afrique du Nord», produisant autant de nouveaux Iran», alors «que le ciel nous aide tous» (2 février). Les enjeux dans la Méditerranée ne pourraient être plus élevés pour l’Europe, a déclaré T.G. Ash: «Si cela ne correspond pas à un intérêt européen vital, je ne sais pas ce que c’est».

De manière honteuse, peu d’autres commentateurs ont analysé la montée de l’islam radical dans le monde arabe dans ce contexte. Quelques-uns des dirigeants de l’Europe, cependant, savent précisément ce qui est en jeu. Le 4 février, par exemple, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, dans un article qui mérite plus d’attention qu’il n’en a reçu, a averti qu’il était temps pour l’Europe de penser «géopolitiquement, et pas seulement financièrement, quant à la Méditerranée».

Dans un aperçu de la façon dont les élites européennes digèrent les événements en Égypte, M. Fischer a dit que «ce à quoi l’Union européenne fait face dans la région méditerranéenne n’est pas essentiellement un problème monétaire; d’abord et avant tout, c’est un problème stratégique—qui nécessite de trouver des solutions de toute urgence».

Pour comprendre l’alarme de J. Fischer, considérez une carte de la Méditerranée (pages 2-3). Ce qui devient rapidement évident, c’est que l’islam radical, sous la direction de l’Iran, est en train de prendre le contrôle de biens stratégiques vitaux pour l’Europe!

Contrôler la Méditerranée

L’un des atouts stratégiques les plus importants de l’Europe, c’est le détroit de Gibraltar. Situé sur la pointe sud de l’Espagne, séparant l’Europe de l’Afrique, ce couloir de navigation maritime est la porte d’entrée dans la mer Méditerranée. Chaque année, plus de 80 000 navires—beaucoup transportant des marchandises vers, ou depuis, les rives des plus grandes économies de l’Europe, en particulier l’Espagne, l’Italie et la Grèce—passent la porte maritime. Le port en eau profonde de Gibraltar est l’un des plus fréquentés et des plus importants en Europe.

De Gibraltar, on peut regarder de l’autre côté de moins de 24 kilomètres d’océan et voir le Maroc, une nation animée de 31 millions d’habitants dont 98 pour cent sont musulmans. Le gouvernement et la population du Maroc sont relativement stables, mais les experts disent que des organisations terroristes islamiques, ces dernières années, ont pris racine dans le pays. Certaines ont uni leurs forces avec les cartels de la drogue faisant entrer en contrebande leurs marchandises en Europe. D’autres travaillent activement à renverser le gouvernement marocain.

Plus inquiétant encore pour l’Europe, l’islam radical gagne du pouvoir dans l’Algérie voisine, à la fois en tant que force terroriste et à travers différentes entités politiques. Après les manifestations en Tunisie et en Égypte, les manifestants sont descendus dans les rues en Algérie demandant le retrait de l’homme fort, le président Abdelaziz Bouteflika, qui depuis 1999 a gouverné sous le règne de l’État d’urgence. Et le pays a émergé comme une Mecque terroriste. Selon l’ancien responsable de la cia et expert antiterroriste, Charles Allen, Al-Qaida utilise l’Algérie comme un terreau fertile.

Al-Qaida «fonctionne comme un organisme qui chapeaute un ensemble disparate d’éléments terroristes musulmans sunnites déterminés à attaquer ce qu’ils regardent comme des régimes apostats en Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie et Maroc», a dit C. Allen. Un autre expert a dit que la région est en train de devenir le prochain Afghanistan d’Al-Qaida.

Pour l’Europe, la domination croissante de l’islam radical dans un territoire adjacent à sa plus cruciale voie maritime équivaut à une menace stratégique majeure!

Un millier de kilomètres à l’est de Gibraltar, il y a la Tunisie. Apparemment, ce pays, après l’éviction récente de son président autoritaire, se dirige vers l’élection démocratique d’un nouveau gouvernement. Personne ne sait à quoi il va ressembler, mais les experts s’attendent à ce que des partis politiques islamistes émergent avec une influence considérable, en particulier Ennahdha, le principal parti islamiste connu pour ses racines extrémistes anti-occidentales.

De la Tunisie, les rivages de la Sicile sont à un peu plus de 250 kilomètres. Cette région a historiquement été un point d’escale pour les armées cherchant à envahir l’Europe par la péninsule italienne. Pour l’Europe, l’émergence d’un gouvernement en Tunisie, qui s’identifie à l’islam radical et permette à la nation à devenir un tremplin pour l’islam radical en Europe serait une menace stratégique!

Ensuite, il y a le canal de Suez, qui divise l’Égypte, reliant la Méditerranée à la mer Rouge et à l’océan Indien. Chaque jour, 2 à 3 millions de barils de produits pétroliers et de carburant passent par le canal et les pipelines d’énergie qui courent dans le désert de Suez qui est contrôlé par l’Égypte. Environ les deux tiers de cette énergie se retrouvent en Europe, où elle représente 5 à 7 pour cent de la consommation en pétrole du continent. Si l’islam radical, par l’intermédiaire des Frères musulmans, gagne en puissance au Caire, il pourrait fermer le canal de Suez.

Pour l’Europe, le transfert du canal de Suez entre les mains de l’islam radical serait une catastrophe financière et stratégique!

Mais ce n’est pas seulement le canal de Suez qui constitue une vulnérabilité potentielle pour l’Europe. L’islam radical a également établi une présence, dans la plupart des cas de façon décisive, en Érythrée, en Éthiopie, en Somalie et au Yémen. Sauf pour l’Éthiopie, chacun de ces pays est adjacent à la mer Rouge ou au golfe d’Aden, les voies maritimes vitales reliant la mer d’Arabie et la Méditerranée—reliant l’Asie à l’Europe. En plus de leur rôle comme routes maritimes, la mer Rouge et le golfe d’Aden ont des ports vitaux à partir desquels le pétrole du Moyen Orient est expédié dans le monde.

Pour l’Europe, la seule pensée que toute la région de la mer Rouge tombe sous le contrôle de l’islam radical est un cauchemar stratégique et économique!

Un autre petit morceau de territoire crucial pour l’Europe, c’est le détroit des Dardanelles et la mer de Marmara, qui relient la mer Noire à la Méditerranée. Historiquement, ceux-là ont généralement tracé la ligne entre l’Europe et le Moyen-Orient. Aujourd’hui, ces voies maritimes vitales sont contrôlées par la Turquie. Depuis la Première Guerre mondiale, cette nation a été un État laïc entretenant des relations chaleureuses avec l’Occident, en particulier avec Europe. Tant que la Turquie reste un État laïc, pro-occidental, l’Europe n’a pas à s’inquiéter des voies maritimes.

Ces dernières années, cependant, la Turquie a suscité des inquiétudes en Europe. Les forces islamistes dures ont acquis une plus grande influence religieuse et politique. Plus inquiétant encore, Istanbul semble se désintéresser de ses relations avec l’Occident, y compris l’Europe, et à la place donne priorité à ses relations avec ses voisins musulmans, en particulier l’Iran. En février, après que l’Iran et la Turquie ont mené des discussions et conclu des marchés renforçant davantage les liens, le porte-parole du parlement iranien, Ali Larijani, s’est réjoui de ce que «la coopération stratégique entre les deux pays contribue à la paix et la stabilité régionale et mondiale».

L’Europe ne croit pas cela. Pour l’Europe, la seule pensée que les mollahs iraniens exploitent les relations avec la Turquie pour s’ingérer dans les Dardanelles et la mer Noire est profondément alarmante!

En outre, dans la mesure où la Turquie continue à être attirée par l’Iran, attendez-vous à ce que les tensions entre l’Europe et la Turquie pour le contrôle de Chypre s’intensifient. La nation insulaire est membre de l’Union européenne, mais plus d’un tiers de celle-ci est contrôlé par la Turquie, et se considère comme une république turque séparée.

L’Europe reconnaît la position stratégique de Chypre—au carrefour de la mer Égée et de la Méditerranée, et adjacent à un Moyen-Orient instable—et son rôle crucial au cours des entreprises européennes passées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

À mesure que la Turquie glisse vers l’Iran, attendez-vous à ce que l’Europe redouble d’efforts pour récupérer toute l’île de Chypre!

Autres provocations

Deux autres tendances dans le camp islamiste radical inquiètent également profondément les dirigeants européens. Premièrement, l’Europe, et notamment le Vatican, sont alarmés par la guerre de l’islam radical contre le christianisme—en particulier contre les catholiques.

Ces derniers mois, l’islam radical a intensifié ses attaques contre les chrétiens dans le monde entier, en particulier dans les nations musulmanes. La plupart des gens, à l’Ouest n’ont que récemment pris conscience de cette guerre, et en grande partie suite au brutal attentat à la bombe contre des chrétiens coptes à Alexandrie, en Égypte, lors de la Saint-Sylvestre. Mais dans les derniers mois, des centaines de catholiques ont été tués ou blessés par des terroristes islamistes radicaux, de la Russie aux Philippines, du Nigeria au Pakistan. Cela atteint un point où le pape Benoît xvi et l’Europe catholique doivent répondre avec force à ces attaques!

Deuxièmement, la croissance à l’intérieur de l’Europe des communautés musulmanes, dont beaucoup abritent de petits, mais dangereux camps islamistes radicaux, pousse les Européens à chercher des moyens pour préserver la culture et les institutions européennes. Les derniers mois ont connu une hausse sensible des attitudes anti-musulmanes à travers le continent. En février, plusieurs dirigeants européens, y compris le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, ont déclaré publiquement que le multiculturalisme en Europe a échoué. Après avoir visité l’Europe en février, Daniel Pipes, un expert en affaires islamiques, a signalé que, «peut-être tout seul dans la coterie focalisée sur la menace islamiste en Europe, je suis joyeux ces jours-ci. C’est parce que je vois la réaction anti-islamiste croître encore plus vite que la menace islamiste elle-même».

Le moment est venu

Vraiment, quand l’on regarde la carte et que l’on considère la montée de l’islam radical, il est difficile d’exagérer combien de choses sont en cause pour l’Europe en Méditerranée. Historiquement, la mer Méditerranée appartient à l’Europe. Stratégiquement, le détroit de Gibraltar, la côte de la Tunisie, le canal de Suez et la mer Rouge, le détroit des Dardanelles et Chypre sont vitaux pour la sécurité de l’Europe.

Depuis le début de cette année, il est devenu évident que l’islam radical—une force vigoureusement anti-occidentale, violente, agressive et intransigeante—fait campagne pour prendre le contrôle du flanc sud de l’Europe. L’Iran est à l’avant-garde de cette révolte.

À mesure que la réalité se renforce, l’Europe prend conscience: l’inaction n’est pas une option!

Cela explique pourquoi Joschka Fischer implore l’Europe à s’engager sérieusement avec les gouvernements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient qui ne sont pas encore sous l’influence de l’islam radical. «Les responsables européens, à Bruxelles, et les principaux gouvernements de l’Union européenne ne devraient pas se contenter de demi-mesures politiques et économiques quand il s’agit de pays méditerranéens, écrit-il. L’UE sera certaine, avant peu, de suivre le conseil de J. Fischer. Elle a trop à perdre à ne pas le faire!

Plus important encore, la montée de l’islam radical en Méditerranée—la région que Winston Churchill appelait le ventre mou de l’Europe—servira de force d’impulsion puissante pour que l’Europe continue de se transformer en un super-État rationnalisé et dominant sur le plan politique, économique et militaire. Soyez-en sûr, les événements en Égypte montrent à l’Europe que si elle veut survivre en tant que puissance unifiée—si elle veut un accès continu à l’énergie et aux ressources de l’Afrique et du Moyen-Orient, si elle veut arrêter la guerre de l’islam radical contre les chrétiens, si elle veut purger du continent les extrémistes islamiques—alors il faut qu’elle mobilise la volonté et la puissance politique et militaire pour faire face à l’Iran et à ses mandataires islamistes radicaux.

Surveillez l’Europe de près. Elle sait maintenant que la possibilité de s’attaquer aux armées croissantes de l’islam radical est proche. Elle est sur le point de reconquérir la Méditerranée! 

LA TROMPETTE EN BREF

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