Photo by T. Rogovski; Drawing by A. Yardeni | Fourth expedition to Lachish
L'empreinte de sceau d'Éliakim, fils de Hilkija, a-t-elle été découverte ?
Les fouilles menées à Tel Lakis ont mis au jour deux sceaux identiques qui, selon les spécialistes, pourraient appartenir à l’intendant principal du roi Ézéchias de Juda. Cet intendant, Éliakim, fils de Hilkija, est mentionné à la fois dans 2 Rois et dans le livre d’Ésaïe. Au total, il est mentionné neuf fois dans les Écritures. Dans Ésaïe 22, Éliakim est décrit comme détenant la « clé » de la maison royale de David. Cet éminent fonctionnaire a joué un rôle essentiel dans la transmission des messages entre le roi Ézéchias et les représentants de l’empereur assyrien Sanchérib lors de la campagne ratée de ce dernier visant à prendre Jérusalem à la fin du huitième siècle avant J.-C.
Les empreintes de sceau magnifiquement travaillées appartenant à Éliakim ont été mises au jour en 2014 lors de nouvelles fouilles à Lakis, dirigées par Yosef Garfinkel de l’Université hébraïque, Michael G. Hasel et Martin G. Klingbeil de l’Université adventiste du Sud. Un rapport rédigé par les archéologues (ainsi que par Nestor H. Petruk) a été publié dans le numéro de mai 2019 du Bulletin of the American Schools of Oriental Research (Bulletin des académies américaines de recherches orientales) mais il a été largement ignoré dans la presse populaire.
La première de ces empreintes identiques (connues sous le nom de sceaux) a été découverte à l’intérieur d’une petite cruche dans une couche de destruction laissée par l’assaut de Sanchérib sur Lakis. Un deuxième sceau identique a été identifiée des mois plus tard, après que la terre entourant la cruche a été envoyée à Jérusalem pour être tamisée.
La destruction de la ville fortifiée de Lakis, dans le sud de la Judée, est bien attestée dans les archives archéologiques du site (Lakis niveau iii). La chute de Lakis est également documentée sur les reliefs muraux de Ninive, où Sanchérib a représenté de manière pictographique sa conquête de la ville. En outre, la Bible relate la chute de Lakis dans 2 Rois, 2 Chroniques et Ésaïe. Les deux empreintes de sceau ont donc été trouvées dans le contexte adéquat pour les relier à l’événement biblique.
L’inscription sur le sceau est la suivante : « L’lyqm yhwzrh » ou « Appartenant à Éliakim, Yehozarah ». Selon le rapport scientifique, la relation entre les deux noms Éliakim et Yehozarah est probablement clarifiée par l’insertion de « fils de ». Si les empreintes de sceaux contiennent souvent un ben (signifiant « fils de »), il existe plusieurs exemples où le ben est absent mais sous-entendu. Par exemple, l’empreinte du sceau du roi Ézéchias lui-même, découverte lors des fouilles de l’Ophel par Eilat Mazar en 2009-2010, se lit comme suit : « Ézéchias—Achaz. » Ici, le terme « fils de » est clairement sous-entendu. Ainsi, le sceau de Lakis est—ou devrait être—interprété comme disant : « Appartenant à Éliakim, [fils de] Yehozarah ».
Mais Ésaïe 22 : 20 identifie clairement Éliakim comme le fils de Hilkija. Cette empreinte de sceau identifie Éliakim comme le fils de Yehozarah. Comment pourrait-elle donc appartenir à Éliakim, fils de Hilkija, un associé d’Ésaïe et du roi Ézéchias ?
Dans leur rapport, les fouilleurs notent que le nom de Yehozarah n’apparaît nulle part dans la Bible. Pourtant, il apparaît en effet sur une empreinte de sceau qui a fait surface sur le marché des antiquités en 1974 (aujourd’hui exposée au musée d’Israël). Bien qu’elle n’ait pas été découverte lors de fouilles archéologiques contrôlées, l’empreinte de Yehozarah est considérée comme authentique. Elle a également été datée de manière épigraphique de l’époque d’Ézéchias. Sur ce sceau, on peut lire « Appartenant à Yehozarah, fils de Hilkija, serviteur d’Ézéchias ».
Yehozarah n’apparaît qu’une poignée de fois dans les archives archéologiques. Les deux bulles de Lakis identifient Yehozarah comme le père d’Éliakim. Le sceau du marché des antiquités présente Yehozarah comme le fils de Hilkija (qui était également un serviteur du roi Ézéchias).
La combinaison des deux empreintes de sceau nous présente trois générations : Éliakim, fils de Yehozarah, fils de Hilkija. Hilkija était donc le grand-père d’Éliakim, et non son père immédiat. La terminologie biblique hébraïque permet de sauter une génération, surtout si le grand-père était plus connu que le père lui-même. Le mot biblique pour « fils » est utilisé de la même manière pour « petit-fils ». Les chercheurs soulignent de nombreux exemples bibliques de cette pratique, notamment Laban et les enfants de Léa et Rachel, Saül et Merib Baal, Nimschi et Jéhu, Iddo et Zacharie (entre autres).
La manière dont le nom de Hilkija est utilisé témoigne également de son statut particulier. Éliakim est presque toujours mentionné avec cette appellation de « fils de Hilkija ». Il n’en va pas de même pour Schebna et Joach, individus mentionnés aux côtés d’Éliakim. « Éliakim, fils de Hilkija, Schebna et Joach, dirent à Rabschaké... » (2 Rois 18 : 26). En fait, le père de Schebna n’est jamais mentionné dans le texte biblique, alors que le père de Joach, Asaph, l’est parfois.
La Bible attire l’attention sur l’importance du « père » d’Éliakim à trois reprises dans ce seul chapitre. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’une énumération habituelle d’un « nom du père ». L’histoire souligne clairement le rôle unique et particulier de Hilkija.
Garfinkel, Hasel, Klingbeil et Petruk ont conclu leur discussion de la manière suivante : « Il est donc possible que les sceaux de Lakis présentés ici proviennent du sceau personnel d’Éliakim, l’intendant royal à l’époque d’Ézéchias (selon 2 Rois 18 : 18), fils de Yehozarah (non mentionné dans la Bible mais sur le sceau du musée d’Israël) et petit-fils d’Hilkija (également mentionné dans 2 Rois 18 : 18). »
Les chercheurs ont également attiré l’attention sur l’imagerie (iconographie) des sceaux. Sur le registre central de chaque empreinte de sceau figurent deux biches en train de brouter, l’une face à l’autre. Cette imagerie est cohérente avec d’autres empreintes de sceaux découvertes à Lakis (et ailleurs en Judée) à la même époque. Le motif de la biche en train de brouter se retrouve principalement en Juda, par opposition aux tribus du nord d’Israël.
Le motif d’une biche broutant, censé symboliser la prospérité, a été identifié sur l’empreinte du sceau d’Ésaïe le prophète, découvert par la Dre Eilat Mazar à Jérusalem. Le prophète Ésaïe était un contemporain d’Éliakim et d’Hilkija, et ce type d’image se retrouve dans tout le livre d’Ésaïe (Ésaïe 11 : 6 ; 13 : 14 et 35 : 6).
Il existe de nombreux sceaux sans provenance connue, datant probablement de la même époque, qui représentent la biche en train de brouter. Deux d’entre elles peuvent être directement reliées au règne du roi Achaz, le père d’Ézéchias. Il est possible que l’image ait été associée à ceux qui étaient au service de la monarchie de Judée pendant le long service du prophète Ésaïe au huitième siècle. « On peut se demander si ce motif persistant [...] n’est un indicateur d’une stratégie royale intentionnelle visant à préserver une identité nationale religieuse et politique » (ibid). Cela correspondrait bien à la période de réforme religieuse menée par le prophète Ésaïe et soutenue par le roi Ézéchias.
L’inscription et l’iconographie du sceau s’inscrivent parfaitement dans le contexte du récit biblique de l’époque d’Ésaïe et du roi Ézéchias. Bien qu’il soit impossible d’être certain à 100 pour cent que l’empreinte du sceau ait appartenu à Éliakim, l’intendant royal d’Ézéchias, tout porte à croire que c’est le cas.
Cette découverte fait donc revivre l’une des personnalités historiques les plus importantes liées au roi Ézéchias. Comme le raconte Ésaïe 22, Éliakim n’a pas toujours occupé une position aussi élevée. Il a remplacé Schebna, en disgrâce, et détenait les clés de la maison royale de David.
Ésaïe 22 : 20-22 déclare : « En ce jour-là, j’appellerai mon serviteur Éliakim, fils de Hilkija ; je le revêtirai de ta tunique [celle de Schebna], je le ceindrai de ta ceinture, et je remettrai ton pouvoir entre ses mains ; il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda. Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David : quand il ouvrira, nul ne fermera ; quand il fermera, nul n’ouvrira. »