EMMA MOORE/LA TROMPETTE
L’empire du pape, le Reich d’Hitler
Un État européen contrôle environ 50 hectares de territoire, a un taux de natalité de zéro, une économie d’exportation composée de la vente de billets pour des attractions touristiques, et une armée composée d’une poignée de gardes suisses armés de piques. Pourtant, il s’agit d’une superpuissance mondiale qui fait et défait les ordres mondiaux depuis des siècles.
Ce pays, c’est bien sûr la Cité du Vatican, siège central de l’Église catholique romaine. Bien qu’il ne dispose pas d’un empire physique officiel, le pape a eu depuis des siècles une place de choix parmi les dirigeants des grandes puissances européennes—y compris lors de la dernière guerre mondiale.
La plupart des histoires dépeignent l’Église catholique comme un spectateur qui tente de donner un sens aux événements de la guerre plutôt que comme un participant. Certains historiens examineront la complicité de la branche allemande du catholicisme dans l’ascension d’Adolf Hitler. Le refus du pape Pie XII de condamner l’Holocauste et l’aide apportée par le clergé à l’envoi clandestin de nazis en Amérique du Sud sont également des sujets de recherche importants. Mais rares sont ceux qui se sont penchés sur le rôle de l’Église lors de la Seconde Guerre mondiale en tant qu’institution pan-européenne.
« Malgré toute l’attention » portée à chaque détail de la guerre, écrit le rédacteur en chef de la Trompette, Brad Macdonald, dans The Holy Roman Empire in Prophecy (Le Saint Empire romain dans la prophétie, disponible en anglais seulement), « il existe un angle mort commun à de nombreux historiens contemporains lorsqu’il s’agit de la Seconde Guerre mondiale. […] Le Vatican a-t-il toléré et soutenu Adolf Hitler et l’Allemagne nazie pendant la guerre ? »
Hitler savait que, même sans territoire officiel, la papauté était l’une des institutions les plus puissantes d’Europe. Et Pie XII avait certainement reconnu que l’Empire allemand était en train de remodeler l’ordre européen. Quelles étaient les relations de l’Église avec le Troisième Reich ? Quelles étaient ses relations avec les régimes fantoches d’Hitler, souvent créés sur des territoires traditionnellement catholiques ? Hitler a-t-il tiré parti du rôle de « ciment civilisationnel » joué par le catholicisme en Europe ?
‘Accord avec Bélial’
Hitler n’était pas le premier dictateur fasciste avec lequel l’Église catholique collaborait. Les accords du Latran de 1929 entre le dictateur italien Benito Mussolini et le pape Pie XI a donné à l’Église catholique la souveraineté sur la Cité du Vatican, son premier territoire souverain depuis 1870. Mais ce traité ne s’est pas contenté de légitimer le régime de Mussolini. Son premier article consacre également « la religion catholique apostolique romaine [comme] la seule religion d’État » de l’Italie.
L’Église catholique a également joué un rôle déterminant dans l’ascension d’Hitler. Alors qu’il était incarcéré à la prison de Landsberg en Bavière pour le putsch de la Brasserie de 1923, Hitler a commencé à écrire ce qui allait devenir Mein Kampf. Bernhard Stempfle, un prêtre catholique, a été l’un des rédacteurs du livre et en a peut-être même été le coauteur. Ce fut le Zentrum, un parti aux intérêts catholiques, qui a convaincu le Président allemand Paul von Hindenburg de nommer Hitler au poste de chancelier. Le Zentrum a agi de la sorte après que Pie XI et le cardinal Eugenio Pacelli (le futur Pie XII) eurent encouragé la coopération avec les nazis. Le catholicisme ne fut jamais la religion d’État de l’Allemagne ; ce qui se rapprochait le plus d’une foi nationale prônée par Hitler était le néopaganisme. Mais le 20 juillet 1933, quelques mois après que la loi d’habilitation ait accordé à Hitler des pouvoirs dictatoriaux, le Vatican a signé un concordat avec l’Allemagne nazie, légitimant une nouvelle fois une dictature fasciste. Ce concordat fut le premier traité d’Hitler avec un partenaire international.
De 1936 à 1939, l’Espagne connaissait une guerre civile entre les Républicains, affiliés aux communistes, et les Nationalistes, dirigés par Francisco Franco. Les nationalistes étaient soutenus par l’Église catholique. Bien que les républicains aient commis leur part d’atrocités, les nationalistes se sont identifiés à Hitler et à Mussolini et ont reçu leur soutien. Malgré ces associations peu recommandables, l’Église catholique est allée jusqu’à qualifier la guerre de Franco de « croisade ». La guerre s’est achevée en 1939. Cette année-là, Pie XII, nouvellement élu, a félicité Franco pour sa « victoire catholique »—une victoire soutenue par les nazis après la mort d’un demi-million de personnes. Jusqu’en 2019, la dépouille de Franco reposait dans la basilique catholique de la Sainte-Croix de la vallée des morts, près de Madrid.
Ainsi, même avant la Seconde Guerre mondiale, l’Église catholique légitimait intentionnellement et systématiquement la propagation du fascisme.
‘Un ange de lumière’
Après le début de la Seconde Guerre mondiale en 1939, l’Allemagne a rapidement conquis de nouveaux territoires. Certaines terres ont été conquises et placées sous administration militaire—mais d’autres—y compris les régions catholiques, ont été laissées à des régimes pro-nazis qui fonctionnaient comme des États clients.
À partir de 1940, les nazis ont occupé le nord de la France, mais ont laissé le sud de la France se gouverner lui-même sous la direction de Philippe Pétain, héros de la Première Guerre mondiale. L’État croupion de Pétain, également connu sous le nom du régime de Vichy, s’est engagé dans la guerre contre le Royaume-Uni et a finalement déporté des Juifs vers l’Est pour qu’ils y soient assassinés.
Le régime de Vichy a également reçu l’aval du Vatican. Peu après l’instauration du nouveau régime, Pie a rencontré l’ambassadeur de France au Vatican. Selon le résumé de la rencontre de l’historien David Kertzer, Pie « lui a dit à quel point il était impressionné par le maréchal Pétain. Ayant craint par le passé que les communistes ne s’emparent de la France, le pape se réjouissait de l’apparition d’un dirigeant fort, capable d’écarter définitivement ce danger. » En 1941, l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France demanda à ses fidèles de « pratiquer une loyauté sincère et complète envers le pouvoir établi ».
Pétain, quant à lui, proclama une « Révolution nationale » traditionaliste. Il restitua les biens ecclésiastiques confisqués par la précédente république au nom de la laïcité, réintroduisit l’enseignement catholique dans les écoles publiques, et exalta les racines catholiques de la France.
« Le principal attrait [pour l’Église] était un changement de ton, une nouvelle vision du monde, dans laquelle le nouveau régime prenait l’empreinte d’un ordre moral et exprimait publiquement sa déférence envers l’Église », écrivaient Michael Marrus et Robert Paxton dans Vichy France and the Jews (La France de Vichy et les Juifs). « Aucune cérémonie publique de Vichy n’était complète sans une certaine forme d’observance religieuse. [...] [À] la fin de 1940, les Français semblaient unis par un nouvel engagement chrétien intense, encouragé par des ecclésiastiques aux convictions et aux croyances politiques les plus variées. »
Cette combinaison entre l’Église et l’État a favorisé la persécution des Juifs. Lorsque le gouvernement a commencé à exclure les Juifs de la vie publique, certains membres du clergé ont protesté. L’ambassadeur de Vichy au Vatican, Léon Bérand, entama alors des négociations avec le pape Pie. La principale préoccupation du Vatican fut que les lois ne portent pas atteinte aux Juifs convertis au catholicisme. Néanmoins, Bérand a pu dire à Pétain : « Une source autorisée au Vatican m’a dit [qu’]ils n’ont pas l’intention d’entrer en conflit au sujet de la [loi sur les Juifs]. »
Les nazis et le régime de Vichy ont assassiné environ 80 000 Juifs français. Les hommes de Pétain ne voulaient pas aller de l’avant sans consulter au préalable le Vatican. Et le Vatican leur a donné le feu vert.
‘Esclaves et âmes d'hommes’
Après la crise des Sudètes et le démembrement de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne, Hitler a permis à la Slovaquie de déclarer son indépendance en tant qu’État client de l’Allemagne en 1938. L’homme choisi pour diriger la nouvelle Slovaquie était Jozef Tiso. Il a transformé la nation en un État à parti unique, a aidé Hitler à envahir la Pologne en 1939 et a nourri un culte de la personnalité où ses partisans lui faisaient le « salut nazi » en tant que vodca (analogue au führer allemand).
Tiso était également un prêtre catholique. Ordonné en 1910, le dictateur fasciste et génocidaire de Slovaquie était un ecclésiastique catholique et n’a jamais été défroqué par ses supérieurs du Vatican.
Tiso a fusionné le fascisme et le catholicisme. Dans une interview donnée en 1939, il a déclaré qu’il était à l’origine d’une « grande renaissance catholique », dont les objectifs étaient de « renforcer la vie catholique et d’en approfondir les racines ». Ceci consistait à rendre l’éducation religieuse obligatoire dans les écoles et dans l’armée, et à introduire des restrictions sur les achats le dimanche. Tiso encourageait sa Garde Hlinka, une milice fasciste semblable aux chemises brunes allemandes, à recevoir une éducation religieuse et à assister à la messe chaque dimanche. « La presse, le cinéma, la radio, les arts et les lettres, l’érudition : nous sommes en passe de les christianiser tous » a-t-il déclaré.
Le pape Pie a effectivement conseillé Tiso de ne pas prendre le contrôle total de la Slovaquie. Il ne s’agissait pas d’une opposition au nouvel État, mais d’une crainte de voir les nazis s’emparer des affaires ecclésiastiques. Tiso n’a pas tenu compte de l’avertissement du pape, mais a continué à diriger la Slovaquie comme un gouvernement hybride catholique-nazi.
Il a également participé à la « solution finale » d’Hitler à la « question juive ». À partir de 1942, les forces de Tiso ont interné des dizaines de milliers de Juifs slovaques dans des camps de concentration situés sur le territoire slovaque. De là, ils ont envoyé les Juifs directement aux Allemands pour les faire entrer dans des camps d'extermination. On estime que les Allemands ont assassiné plus de 60 000 Juifs slovaques.
Les dirigeants du Vatican, y compris son plus haut diplomate en Slovaquie, Giuseppe Burzio, ont menacé Tiso de suspension religieuse en raison de ce qu’ils savaient de son rôle dans l’Holocauste, mais ils n’ont jamais donné suite à cette menace. Ils ne l’ont même jamais retiré du clergé, même lorsque le gouvernement tchécoslovaque d’après-guerre l’a jugé pour crimes de guerre en 1944 !
En 1943, Angelo Roncalli, diplomate du Vatican à Istanbul qui allait plus tard devenir le pape Jean XXIII, avait des contacts avec la communauté juive restée en Slovaquie et elle lui demanda de demander au pape Pie s’il pouvait accorder à 1 000 enfants juifs une protection diplomatique pour émigrer vers la Palestine sous mandat britannique. Le pape refusa de l’aider. Comme l’indique une note de son personnel, il souhaitait « empêcher la création de la suprématie juive redoutée en Palestine ».
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale et la perte du contrôle de la Terre sainte par l’Empire ottoman, le Vatican voulait empêcher la création d’un État juif susceptible de prendre le contrôle des lieux saints. Lorsque Roncalli a envoyé une nouvelle requête, le Vatican a répondu qu’« il semble plus opportun pour le Saint-Siège d’insister pour que les Juifs slovaques restent en Slovaquie et ne soient pas transférés en Palestine ».
Pie savait qu’un génocide était en cours. Tout ce qu’on lui demandait, c’était des documents diplomatiques pour permettre à un millier d’enfants de fuir pour se mettre en sécurité. Pourtant, Pie aurait préféré qu’ils restent en Slovaquie pour faire face aux chambres à gaz plutôt que de « souiller » la Palestine catholique.
‘Meurtrier dès le commencement’
L’Église catholique a été encore plus impliquée dans l’Holocauste en Croatie.
Après avoir envahi la Yougoslavie en 1941, l’Allemagne a mis en place un État fantoche en Croatie et en Bosnie occidentale sous la direction d’Ante Pavelić et de son mouvement, les Oustachis. L’État indépendant de Croatie était un régime totalitaire qui s’efforçait de « nettoyer » la Croatie des minorités religieuses non catholiques. « Même les spectateurs nazis ont été consternés par les massacres désordonnés au cours desquels les Oustachis ont massacré, selon des estimations conservatrices, environ 500 000 Serbes, 200 000 Croates, 90 000 musulmans de Bosnie, 60 000 Juifs, 50 000 Monténégrins et 30 000 Slovènes », écrit l’historien Robert Paxton dans The Anatomy of Fascism (L’anatomie du fascisme).
Les Croates sont traditionnellement catholiques, tandis que les Serbes sont traditionnellement orthodoxes. « Il ne suffisait pas de tuer ou de convertir les Serbes », a écrit Robert McCormick dans Croatia Under Ante Pavelić (La Croatie sous Ante Pavelić). « Les cathédrales orthodoxes devaient être rasées, la foi serbe devait être éradiquée et la Croatie rendue pure. [...] La campagne [du régime] contre les Serbes était en partie une croisade religieuse, qui n’était pas sans rappeler les croisades de la période médiévale. En associant la nationalité à l’identité religieuse, les Oustachis ont manipulé l’identité catholique pour atteindre leurs objectifs politiques. Pour les Oustachis, les Serbes n’étaient pas simplement une nationalité différente ; ils menaçaient l’existence du catholicisme et étaient donc à la fois des ennemis religieux et nationaux. Ces deux facteurs se sont combinés pour engendrer un massacre d’une ampleur rarement vue. »
L’objectif de Pavelić pour les Serbes, comme l’a déclaré son adjoint Mile Budak, était de « convertir un tiers, d’expulser un tiers et de tuer un tiers ».
À Jasenovac, ce sont des Croates, et non des Allemands, qui ont géré un camp de concentration et de la mort de 1941 à 1945. Une conférence organisée en 2021 à l’université d’Uppsala, en Suède, a estimé que les Croates de Jasenovac ont tué entre 90 000 et 130 000 personnes. Les méthodes de torture et d’exécution étaient brutales. Les Oustachis jetaient certaines personnes vivantes dans les fours crématoires, leur arrachaient les globes oculaires, leur coupaient des parties du corps et en tuaient d’autres à l’aide de scies, de marteaux ou d’autres outils manuels.
Le plus choquant dans ce génocide à l’échelle industrielle, ce sont ses auteurs. « Certains prêtres catholiques se sont aventurés bien au-delà de la simple conversion des Serbes orthodoxes et sont devenus des meurtriers jubilants », a écrit McCormick. « L’ordre franciscain était bien représenté en Croatie et comptait de nombreux membres qui croyaient avec ferveur que Dieu exigeait que l’orthodoxie soit écrasée et que Rome soit reconnue par tous. »
Siegfried Kasche, diplomate allemand en Croatie après la guerre, a déclaré que « les massacres de Serbes en Bosnie-Herzégovine étaient fréquemment initiés et dirigés par des moines franciscains ». Le commandant de Jasenovac était Miroslav Filipović, un prêtre franciscain surnommé « Frère Satan ».
Les Oustachis ont créé le camp de Jasenovac en août 1941, près de six mois avant que les nazis ne commencent à planifier Auschwitz, Treblinka et d’autres camps de la mort en Pologne. Une demi-année avant que la SS, l’organisation de sécurité nazie, n’exploite ses centres de mise à mort les plus célèbres à l’est de l’Allemagne, des prêtres catholiques faisaient la même chose en Croatie.
Les dirigeants du Vatican ont approuvé le mouvement de Pavelić. L’archevêque de Sarajevo, Ivan Saric, a contribué au recrutement des Oustachis dans les années 1930 et a défendu Pavelić jusqu’à sa mort en 1960. L’archevêque de Zagreb, Alojzije Stepinac, a donné sa bénédiction au régime et a dit aux fidèles, du haut de la chaire, de collaborer. Des rumeurs suggèrent que des agents communistes ont empoisonné le cardinal Stepinac en 1960. En 1998, le pape Jean-Paul II a déclaré Stepinac martyr et l’a canonisé comme saint. Il est aujourd’hui l’un des saints patrons de la Croatie.
‘Conquérir, et vaincre’
Un dernier exemple mérite notre attention. L’Église catholique avait une influence considérable dans certaines parties de l’Empire russe. Lorsque l’empire s’est transformé en Union soviétique antireligieuse, l’Église catholique a été persécutée comme les autres religions. Les autorités soviétiques ont fermé les églises, emprisonné le clergé et fait pression sur les masses pour qu’elles deviennent athées. Mais l’opération Barbarossa d’Hitler a marqué un tournant dans la vie de l’Église catholique.
Dans les régions traditionnellement catholiques de l’Union soviétique, comme la Lituanie et certaines parties de l’Ukraine, les gens ont vu les Allemands arriver non pas comme des envahisseurs, mais comme des libérateurs. En 1941, André Cheptytsky, le chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne (une Église autonome placée sous l’autorité du pape), a accueilli « l’armée allemande victorieuse » dans une lettre pastorale « comme le libérateur de l’ennemi ». Il a ensuite béni la création d’une division SS ukrainienne. L’archevêque de Lituanie, Juozapas Skvireckas, a également salué les soldats d’Hitler comme des libérateurs.
Les Allemands savaient que le fait de jouer le rôle de « libérateurs religieux » contribuerait à consolider leur position et ont agi en conséquence. « Au cours des premiers mois de l’occupation allemande, la vie religieuse, qui avait été supprimée à l’époque soviétique, a connu un renouveau certain » a écrit Yitzhak Arad dans The Holocaust and the Christian World (L’Holocauste et le monde chrétien). « De nombreuses églises ont été rouvertes et le nombre de personnes assistant aux offices a augmenté. La plupart d’entre eux étaient des paysans et des femmes, mais même dans les villes, il y a eu un regain de religiosité. »
Certains religieux soviétiques ont perdu leurs illusions envers les nazis après avoir constaté la barbarie de l’Holocauste. Mais beaucoup sont restés silencieux de peur que le fait de parler n'anéantisse la liberté retrouvée de l'Église.
Certains ecclésiastiques soviétiques ont perdu leurs illusions envers les nazis après avoir constaté la barbarie de l'Holocauste. Mais beaucoup sont restés silencieux de peur que la liberté retrouvée de l'Église ne s'éteigne.
Certains sont même allés plus loin. « Bien que certains prêtres aient aidé des Juifs, écrit Daniel Jonah Goldhagen dans A Moral Reckoning (Un bilan moral), l’Église lituanienne dans son ensemble a collaboré avec les Allemands jusqu’à ce que la guerre se retourne contre l’Allemagne (un plus grand nombre d’entre eux ont alors commencé à aider les Juifs, en particulier les enfants juifs), certains prêtres participant aux institutions allemandes et lituaniennes chargées de la mise à mort et prêtant leur autorité à ces institutions.
‘Pas de roi, mais César’
Il est vrai que tous les catholiques de haut rang n’étaient pas d’accord pour soutenir Hitler. Certains prêtres et évêques ont fait de grands sacrifices en s’opposant à l’occupation allemande et en protégeant les Juifs, souvent au péril de leur vie. Les nazis ont persécuté des éléments de l’Église catholique dans des pays comme la Pologne. De nombreux Allemands se sont également opposés à Hitler et ont protégé les Juifs.
Cependant, leurs actions n’excusent ni ne disculpent les actions du reste du pays ou de ses dirigeants. Le même principe s’applique à l’Église catholique. Les actions individuelles de certains membres du clergé n’atténuent pas la complicité du pape dans la naissance du monstre fasciste en premier lieu. Elles ne diminuent pas le fait que le Vatican a profité des guerres d’Hitler pour construire des nations sur les décombres des pays conquis. Elles ne modifient certainement pas les faits relatifs à la manière dont l’Église catholique, en tant qu’institution, a fermé les yeux sur l’Holocauste ou l’a activement soutenu.
Le fait que les dirigeants catholiques aient fait tout cela alors que les nazis leur causaient des problèmes dans des pays comme la Pologne montre qu’ils étaient prêts à vendre les leurs en collaboration avec les nazis.
Le pape Pie XII n’est généralement pas considéré comme un dirigeant mondial majeur de son époque. Mais sans lui et sans l’Église qu’il dirigeait, de nombreuses atrocités commises par l’Axe n’auraient probablement pas pu avoir lieu. Certains régimes de l’Axe n’auraient peut-être pas pu voir le jour.
L’Église catholique s’est efforcée de se dissocier de ce sombre héritage. Aujourd’hui, elle défend des causes telles que l’accueil des réfugiés et la médiation des conflits. Pour beaucoup, l’influence internationale de l’Église catholique n’a pas consisté à aider les fascistes et les meurtriers de masse pendant la Seconde Guerre mondiale, mais à contribuer à l’effondrement de l’Empire soviétique pendant la guerre froide. Entre ces deux conflits, le Vatican aurait donc redresser les choses plus que n’importe qui d’autre, n’est-ce pas ?
Faux. Les dirigeants catholiques n’ont jamais révélé la complicité du Vatican avec l’empire nazi. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
Une prophétie d’Apocalypse 17 décrit symboliquement un empire sous la forme d’une « bête ». Avec Daniel 7 et Apocalypse 13, cette bête peut être clairement identifiée comme étant l’Empire romain. (Demandez un exemplaire gratuit de Qui est, ou qu’est-ce que, la bête prophétique ? par Herbert W. Armstrong).
Cette bête a sept têtes et dix cornes. Elle est notamment chevauchée par une femme (Apocalypse 17 : 3). La Bible utilise une femme pour symboliser une Église (2 Corinthiens 11 : 1-3 ; Éphésiens 5 : 22-32). La Rome antique n’a jamais été freinée ou encouragée par une église. Mais après la chute de l’Empire romain en 476, des dirigeants forts et des dynasties se sont levés à plusieurs reprises pour le ressusciter. Et ils l’ont fait en coopérant avec l’Église catholique romaine.
Apocalypse 17 : 9-10 précise que les sept têtes représentent sept souverains de cet empire qui apparaîtront consécutivement, l’un après l’autre. L’histoire montre qu’il s’agit d’hommes comme Justinien, Charlemagne et Napoléon Bonaparte. Le dernier homme fort à avoir régné sur un empire européen est Adolf Hitler. Mais était-ce une résurrection du « Saint » Empire romain prophétisé dans la Bible ? Cette incarnation de la bête, comme celles qui l’ont précédée, était-elle chevauchée par la femme ?
Comparé à d’autres dirigeants européens, Hitler n’a peut-être pas porté la religion sur ses épaules de manière trop visible. Mais il n’en avait pas besoin. Hitler s’est servi de l’Église catholique pour construire son empire. Peu de temps après sa prise de pouvoir, il s’est tourné vers l’Église pour obtenir une légitimité en tant que dirigeant. Hitler et Pie XII étaient du même côté lors de la guerre civile espagnole.
Mais Pie et le Vatican ont également utilisé Hitler et les régimes fascistes à leurs fins. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’influence catholique dans le monde était en déclin. La France, bastion catholique traditionnel, était résolument laïque. L’empire catholique des Habsbourg, qui contrôlait une grande partie de l’Europe centrale et orientale, s’était dissous pendant la Première Guerre mondiale. Les puissances mondiales comme la Grande Bretagne et les États-Unis étaient en majeure partie protestantes. L’Allemagne elle-même était majoritairement protestante. L’Union soviétique était agressivement athée. L’ère des papes et des cardinaux présidant à la montée et à la chute des régimes, ou même contrôlant de minuscules États pontificaux, semblait révolue.
Puis Mussolini est arrivé et a donné au pape la souveraineté sur la Cité du Vatican. Et la Luftwaffe d’Hitler a donné à l’Église un champion à Madrid sous la forme de Francisco Franco. Lorsque la France s’est effondrée en 1940, la laïcité a perdu sa légitimité et Hitler a laissé l’Église catholique recoller les morceaux. Même si ses relations avec Hitler étaient compliquées, le Vatican a permis à un prêtre de régner en tant que prince en Slovaquie. Et les Franciscains de Croatie ont été libérés pour nettoyer les Balkans des hérétiques orthodoxes.
Sous Hitler, la politique catholique s’est épanouie en Europe d’une manière autrement impossible. Et grâce à l’Église catholique, l’empire hitlérien a acquis une légitimité difficile à obtenir autrement.
Le pape Pie a fait quelques déclarations et efforts en faveur des Juifs. Mais de nombreux historiens se demandent pourquoi il n’a pas fait beaucoup, beaucoup plus. A-t-il gardé le silence sur les atrocités de l’Holocauste parce que, même là, il partageait un certain terrain d’entente avec les nazis ?
Et lorsque les forces alliées se sont déversées en Europe, ont vaincu l’empire hitlérien et ont commencé à juger les criminels de guerre capturés, pourquoi les dirigeants catholiques ont-ils continué à aider d’autres criminels de guerre à échapper à la capture ? Le Vatican devait avoir une cause commune forte pour contrecarrer la justice et sauver les meurtriers de masse.
Apocalypse 17 dit que la femme—l’Église—a contrôlé l’empire. Elle ne s’est pas contentée de sympathiser avec l’empire ou de se laisser intimider par lui. Elle ne s’est pas contentée d’aider à nettoyer le désordre après que l’empire ait fait son sale boulot. Elle a suivi le mouvement. Elle a guidé l’empire, lui a indiqué la voie à suivre. Elle a vu où la bête allait et l’a appréciée. Elle faisait partie intégrante de l’empire au même titre que les dirigeants séculiers eux-mêmes.
Revenons maintenant à la question de M. Macdonald : « Le Vatican a-t-il toléré et soutenu Adolf Hitler et l’Allemagne nazie pendant la guerre ? »
La réponse : Elle a fait bien plus que « tolérer et soutenir » l’empire hitlérien. En un sens, elle lui a donné naissance. Elle était la force qui guidait les marionnettes d’Hitler. Elle a participé au génocide même.
En réalité, le Reich d’Hitler était l’empire du pape.