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L'Amérique pousse l'Allemagne à devenir ‘la principale puissance militaire en Europe’
Le secrétaire de la Défense des États-Unis, James Mattis, a posé un ultimatum direct aux nations européennes mercredi lors d'une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN : Dépensez plus, ou perdez le soutien des États-Unis.
« Le contribuable américain ne peut plus supporter un partage disproportionné de la défense des valeurs occidentales », a-t-il dit. « Les Américains ne peuvent se soucier plus de la sécurité future de vos enfants que vous le faites. »
« L’Amérique assumera ses responsabilités, mais si vos nations ne veulent pas voir l'Amérique modérer son engagement envers cette alliance, chacune de vos capitales doivent démontrer un soutien pour notre défense commune », a-t-il averti.
Ses déclarations font écho aux avertissements que le président américain Donald Trump a faits tout au long de sa campagne. Mais pour les capitales européennes, entendre ces avertissements de Mattis est significatif. Elles avaient espéré que M. Mattis—un ardent défenseur de l'OTAN—ferait changer l’idée de M. Trump.
Mattis a déclaré que les ministres doivent établir des dates fermes pour les nations européennes afin d’atteindre le niveau cible de l'OTAN pour les dépenses envers la défense—2 pour cent de la production économique. Jusqu'à présent, cet objectif a été un vague engagement que presque tous les membres européens de l'OTAN n'ont pas réussi à atteindre.
Ces appels à l'OTAN pour en faire plus, cependant, se résument à une chose : l'Allemagne doit augmenter ses dépenses. Fabrice Pothier a expliqué cela dans un article publié par Politico mercredi intitulé « La survie de l'OTAN dépendra de l’Allemagne ».
Avec le plus grand PIB [produit intérieur brut] de et de loin sa plus forte économie, l'Allemagne est l'état clé dans la défense européenne. Si Berlin s'engage à consacrer 2 pour cent du PIB à la défense, cela ajouterait 30 milliards de dollars en dépenses militaires en Europe—une part importante de l'excédent de 100 milliards de dollars qui serait généré si tous les membres européens et le Canada atteignaient leurs objectifs. Cette décision renforcerait considérablement la défense européenne.
Pothier explique que d'autres nations auront beaucoup de mal à en faire plus :
D'autres acteurs européens importants—tels que l'Italie, l'Espagne et les Pays-Bas—sont soit trop petits ou trop faibles économiquement pour avoir un effet important sur l'équilibre de la défense européenne. Dans ce scénario, les 30 milliards de dollars allemands pourraient faire toute la différence entre une Europe plus forte ou une plus faible.
Ainsi, tout dépend de l'Allemagne—la seule puissance de l'OTAN en Europe qui pourrait transformer la puissance militaire du continent. Cependant, cela soulève un problème important.
« La question, cependant, est de savoir si l'Allemagne peut—ou en fait devrait— devenir la principale puissance militaire en Europe », écrit Pothier (emphase ajouté tout au long).
C'est exact : l'Allemagne, devenant la principale puissance militaire en Europe, est la conséquence automatique et inévitable d'une hausse des dépenses militaires européennes.
Mais cela signifie de grands changements pour l'Allemagne. Comme le souligne Pothier, « le ministère de la Défense allemande a obtenu des augmentations durement gagnées » à son budget, et la chancelière ainsi que le ministre des Finances ont tous les deux accepté ces hausses. Mais c’est encore bien loin de ce que M. Trump veut.
Au-delà de l'argent, M. Trump pousse l'Allemagne à se transformer radicalement. Comme l'écrit Pothier :
Amener l’Allemagne à user de son poids que lui confère sa taille ne sera pas facile. La prochaine coalition de Berlin au Bundestag devra rompre avec deux dogmes puissants de l’Allemagne de l'après Seconde guerre mondiale : un budget équilibré et une mentalité pacifiste.
Les deux idées sont profondément enracinées dans la culture politique et les institutions de l’Allemagne.
Mais le changement n'est pas impossible :
Mais si [la chancelière allemande Angela] Merkel était réélue et s'engageaient à augmenter les dépenses militaires, ce ne serait pas la première fois que la chancelière pragmatique instiguât un changement radical avec des étapes progressives. Il suffit de regarder sa politique concernant les réfugiés ou sa position ferme contre la Russie, qui s’oppose aux principaux intérêts industriels allemands et aux partenaires de la coalition.
Les doctrines d'après-guerre allemandes ne sont pas aussi insolubles qu'elles le paraissent. L'un des prédécesseurs de Merkel, Konrad Adenauer, a déjà partiellement rompu avec l'une d'elles lorsqu'il a décidé de réarmer l’Allemagne de l'Ouest contre l’avis de beaucoup de son propre parti au début des années 1950.
Les commentaires de Mattis surviennent alors que des dirigeants de la défense et des experts du monde entier se rassemblent pour la Conférence de sécurité de Munich, qui commence vendredi. Le document publié avant la conférence de Munich sur la sécurité montre que les dirigeants européens sont désireux d’en faire davantage pour leur défense :
L'Europe est confrontée à un large éventail de menaces qui, selon la plupart des experts, peuvent être abordées par le biais de réponses européennes communes. Les défis comprennent non seulement la crise actuelle avec la Russie à l'Est, des guerres prolongées vers le Sud, ou des attaques terroristes islamistes au cœur des villes européennes, mais aussi l'incertitude sur le partenariat transatlantique en matière de sécurité et l'engagement des États-Unis envers la sécurité européenne.
Au cours des derniers mois, cela a amené de plus en plus d'Européens à reconnaître la nécessité d'une Union européenne forte. Particulièrement quand il s’agit du rôle de l'UE dans le monde, une nette majorité de citoyens de l'UE réclament désormais un engagement accru. Si l'UE veut prouver à elle-même et aux sceptiques à l’intérieur et à l’extérieur de l'Europe qu'elle est capable d'être une « superpuissance qui croit au multilatéralisme et à la coopération », comme l'a récemment déclaré Federica Mogherini, [Chef de la politique étrangères de l’UE], « une stratégie politique soutenue par une puissance militaire suffisante est largement considérée comme une nécessité stratégique. Dans plusieurs capitales européennes, cela a déjà déclenché un renversement de tendance dans les dépenses envers la défense. »
Le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que cette année sera « la troisième année consécutive d'augmentation des dépenses envers la défense en Europe ». Cependant, leur rapport se concentre davantage sur les efforts de l'UE pour travailler ensemble, en écrivant :
Afin d'améliorer une élaboration commune de la politique étrangère et de la sécurité, l'UE a non seulement présenté une nouvelle stratégie mondiale, mais a également pris un ensemble de mesures concrètes pour renforcer la coopération européenne en matière de sécurité et de défense comme faisant partie d’un Ensemble de sécurité et de défense de l'UE. D'autres idées incluent un semestre européen sur la défense, un « Schengen de la Défense », ainsi que la notion très controversée d'une Armée européenne.
La question à savoir si le nouvel élan se traduira véritablement par un nouveau niveau de coopération de l'UE dépendra principalement des États membres eux-mêmes. ... Mais quand, sinon maintenant, le poids de Bruxelles dans le monde serait-il un jour une question prioritaire ?
À court terme, travailler ensemble est probablement beaucoup plus facile, politiquement, que de dépenser plus. Mais l'Amérique continuera évidemment à pousser l'Europe à avoir un budget militaire plus important.
Les responsables américains semblent bien conscients que pousser l'Europe à faire plus signifie faire de l'Allemagne « la principale puissance militaire en Europe ».
« Ne vous cachez pas derrière votre histoire », a exhorté l'ancien président Barack Obama à l'Allemagne.
Der Tagesspiegel a enregistré M. Obama disant : « Le monde d'aujourd'hui ne craint pas une Allemagne forte. C'est plutôt désappointant quand l'Allemagne est trop réservée », a-t-il dit.
L'Amérique, a déclaré Herbert W. Armstrong, « ne peut voir qu'un ennemi à la fois, et je veux vous dire que les États-Unis ont plus d'un ennemi. » Elle s'inquiète de l'islam radical et de la Russie, mais est aveugle au danger d'encourager une puissance militaire forte et unie en Europe, dirigée par l'Allemagne.
Il n’y a pas seulement Herbert W. Armstrong qui a mis en garde contre une Europe puissante, militairement unie. Le célèbre penseur géopolitique Nicholas Spykman a écrit « qu’une Europe fédérale constituerait une agglomération de force qui changerait complètement notre signification en tant que puissance atlantique et affaiblirait considérablement notre position dans l'hémisphère occidental ». Les experts américains de la politique étrangère des générations précédentes ont vu la folie dans ce que fait l'Amérique. Mais les deux administrations de Trump et d’Obama ont encouragé l'Allemagne à faire plus et à dépenser plus.
La Trompette et la Pure Vérité avant nous, ont constamment averti à propos de l'amitié de l'Amérique avec l'Allemagne. ▪