Reuters/Jim Urquhart
Hors-la-loi
Je peux imaginer combien je serais furieux si le gouvernement fédéral me forçait à quitter la terre que je savais m’appartenir. D’autant plus si c’était la terre que mon père avait exploitée et son père avant lui ; la terre où j’ai élevé mes enfants ; la terre contenant le sang, la sueur et les larmes que ma famille, durant des générations, avait versés pour la maintenir et l’améliorer.
Je serais furieux que cette terre me soit enlevée, particulièrement dans le but présumé de protéger une tortue que la plupart des habitants de la ville ne verront jamais ou ne se soucieront plus dès que le cycle des médias aura tourné — une tortue qui a été suffisamment mise en danger pour que me soit confisquée ma terre, mais pas tellement en danger pour que le gouvernement approuve la construction d’une centrale solaire à proximité ; une tortue pour laquelle il n’y a pas de preuve scientifique que l’élevage du bétail est
incompatible.
Cliven Bundy ne doit pas imaginer tout cela ; il le vit. Cette situation l’a rendu assez furieux pour défier le gouvernement — une équipe des swat, des hélicoptères, des tueurs à gages, des tireurs embusqués et autres.
Qui possède la terre ?
C. Bundy est le propriétaire d’un ranch au Nevada qui lutte contre le Bureau fédéral pour la gestion de la terre (bgt) afin de garder son bétail que sa famille fait paître, depuis 1877, sur cette terre publique. Son cas a soulevé des questions sur les objectifs trop ambitieux du gouvernement et sur les droits des États — ou sur l’absence d’objectifs ou de droits. Le Nevada est-il même vraiment un État si le gouvernement fédéral « possède » 85 pour cent de la terre à l’intérieur de ses frontières ? demande C. Bundy.
C. Bundy pose une question intéressante : Pourquoi les gens du Nevada auraient-ils moins de droits sur leurs terres que ceux de New York ou de l’Illinois ? Il ne s’agit pas d’argent, dit-il. Il s’agit de savoir à qui appartiennent les terres, qui selon lui sont à l’État du Nevada, pas aux fédéraux.
C. Bundy et sa famille élèvent du bétail dans la Gold Butte [la Butte d’or] du Nevada depuis presque 70 ans avant même que le bgt n’existe. Les Bundy, comme beaucoup d’autres éleveurs, ont été incités à s’installer dans la région avec la promesse d’une terre de libre pâturage sans honoraires ou restrictions. Cela a fait partie du plan du gouvernement pour développer l’Ouest — et les Bundy ont fait ce qu’il fallait. C’était une situation mutuellement avantageuse.
Puis, selon les Bundy, le gouvernement a changé les termes de l’accord.
C. Bundy dit qu’il y avait 51 propriétaires de ranch dans la Gold Butte ; à présent, il est le dernier. Pourquoi ? Sa réponse : Les fédéraux les ont exclus de l’accord.
Cependant, il y a deux versions pour chaque histoire.
La terre sur laquelle les Bundy ont leur bétail est une possession fédérale. Le lien émotionnel que C. Bundy a à son égard ne fait pas d’elle la sienne. Deux cours ont rejeté les revendications de C. Bundy. Le dernier juge n’a trouvé aucune valeur à son argumentation : à savoir que la terre en question appartient réellement à l’État, et donc que le bgt n’a pas de juridiction sur elle. C. Bundy se serait défendu lui-même au tribunal parce qu’aucun avocat ne
pouvait s’occuper de ce procès.
Les problèmes de C. Bundy ont commencé en 1993, après que la tortue du désert a été mise sur la liste des espèces en danger, et que le bgt a ordonné à C. Bundy de déplacer la plus grande partie de son bétail. Il a refusé. Le bgt a répondu en infligeant des amendes. C. Bundy a alors décidé d’arrêter de payer ses honoraires de permis de pâturage, en disant que cela n’avait pas de sens de payer des honoraires de gestion à une agence qui essayait de l’expulser de sa terre. Arrivé à ce point, il a renoncé à ses droits, disent les avocats, et a commencé à voler le bien public.
Mais le problème couvait. Vingt ans d’amendes se sont accumulés. Le bgt dit que son ardoise s’élève à plus de 1 million de dollars. C. Bundy n’a pas payé un centime. Pendant ce temps, son bétail continue à pâturer sur la terre publique gratuitement. Les détracteurs de C. Bundy disent qu’il n’est autre qu’un « profiteur » volant les gens. Selon la lettre de la loi, ils
pourraient avoir raison.
Finalement, des groupes écologiques ont repris l’histoire de C. Bundy, et ont forcé le bgt de prendre des mesures. Un juge a ordonné la saisie du bétail de
C. Bundy.
Et une bataille rangée, comme aucune autre dans l’histoire américaine, a éclaté.
C’est là que cette histoire change, allant d’un propriétaire de ranch entêté refusant de se conformer à une loi, qu’il trouve injuste, à un gouvernement de plus en plus militarisé et à des politiciens qui appliquent sélectivement la loi. Cela devient une histoire sur les milices et les gens disposés à traverser tout le pays pour mettre leur vie en jeu pour défendre un propriétaire de ranch qu’ils n’ont jamais rencontré — et une nation prête à entrer en éruption à cause de violence raciale.
Une armée contre des vaches
Le 27 mars, environ 200 employés du bgt et des parties contractantes ont fondu sur le comté de Clark, dans le Nevada — avec des hélicoptères, des véhicules tout-terrain, des avions et autres. Ils ont clôturé une énorme surface de 155 000 hectares de terre publique pour capturer 500 têtes de bétail introduites illégalement. À partir de ce moment-là, ces bureaucrates fédéraux représentaient la loi dans la ville.
Mais personne n’admettait que l’armée du bgt soit la loi. Les gens demandaient : Pourquoi le bgt a-t-il envoyé une armée pour confisquer des vaches ? Pourquoi les gendarmes à cheval avaient-ils besoin de chiens d’attaque ? Encore plus important, pourquoi des bureaucrates non élus, nommés par le gouvernement, ont-ils leur propre police privée militarisée, qui remplace l’autorité de la police locale ? Pourquoi le bgt n’a-t-il pas résolu ce problème par l’intermédiaire de canaux réguliers de la mise en application de la loi ?
Ensuite, le bgt a commencé à dresser des clôtures délimitant « des zones de protestation » et des « zones répondant au premier Amendement » où protester serait « permis ». Selon le bgt, le reste des 3 108 kilomètres carrés de terre publique, y compris des autoroutes publiques, était maintenant interdit d’accès à tous. Il a même décrété une zone de non-survol de 30 jours.
Cela n’est pas allé bien non plus.
Le gouverneur du Nevada, Brian Sandoval, a dit que les zones de protestation pareilles à un corral étaient « choquantes », et qu’elles piétinaient les droits fondamentaux des « habitants du Nevada soumis à la Constitution américaine ».
De toute façon, les gens ont ignoré le premier Amendement des corrals. Des confrontations en ont résulté. À l’âge des téléphones-appareils photo, cela n’a sans aucun doute pas fait regarder le bureau d’un bon œil. Les vidéos de YouTube montrent des officiers du bgt utilisant des tasers, attaquant physiquement, pointant des fusils et excitant un chien d’attaque sur les manifestants. Une femme de 50 ans a été taclée par-derrière comme au football quand elle a refusé de bouger face à un camion. Quelques manifestants n’ont pas agi plus poliment non plus.
À peu près à ce moment-là, des milices de toute la région ont commencé à arriver.
Au bord d’une autre guerre révolutionnaire
Les membres de la milice des Oath Keepers [Gardiens du Serment] (l’organisation composée de militaires et de membres partisans du respect de la loi qui ont juré fidélité à la Constitution, mais non au gouvernement), les Patriotes du III Pour cent (qui tirent leur nom de la revendication selon laquelle 3 pour cent des Américains ont combattu lors de la Révolution américaine), la milice de l’État de l’Arizona et plusieurs autres étaient présents.
Scott Shaw, le co-fondateur de la Milice volontaire d’Oklahoma, qui se vante d’avoir 50 000 membres, a dit qu’ils étaient armés d’AK-47, d’AR-15, de fusils à tirs de précision et d’autres matériels de surplus militaires. Il a dit à Breitbart News qu’ils étaient disposés à avoir recours à la force si nécessaire.
Comme à un signal donné, les histoires ont commencé à surgir sur la façon dont le bgt essayait également de saisir 45 000 hectares de terre privée le long de la frontière du Texas et de l’Oklahoma. Et la façon dont le bgt avait été une fois auparavant condamné pour avoir fait partie d’« une conspiration, littéralement d’une conspiration intentionnelle, pour déposséder [une autre famille], non seulement de ses droits de permis de pâturage…, mais également de ses droits de propriété acquis », comme cela a été raconté par le juge principal, Robert C. Jones, du tribunal fédéral de grande instance du Nevada.
Avec la guerre prête à éclater, Reuters a publié des photos de manifestants sur un pont donnant sur une zone de protestation. Un homme avec un gilet pare-balles de type militaire était montré braquant son fusil de chasse sur ce qui semblait être des gendarmes à cheval du bgt. Un autre homme était cité comme disant que les organisateurs de la manifestation mettaient stratégiquement des femmes et des enfants en première ligne pour le cas où des coups de feu éclateraient. Le Huffington Post a dit qu’il y avait 1 000 membres de la milice sur le site.
Comme le nombre de protestataires grandissait, la tension a augmenté et les officiers du bgt ont finalement menacé d’ouvrir le feu sur les manifestants, dont beaucoup à cheval étaient armés de six-coups et autres. Cela semblait tout droit sorti de l’Ouest sauvage.
Heureusement, le bon sens a prévalu, et les agents fédéraux ont reculé. La violence a été évitée, et C. Bundy a récupéré un peu de son bétail.
Les partisans de C. Bundy ont appelé cela une grande victoire pour la liberté.
Cependant, personne n’a vu cela comme une victoire pour l’Amérique. Le sénateur du Nevada, Harry Reid, a dit : « Ces gens qui se croient patriotes ne le sont pas. Ce ne sont rien d’autre que des terroristes de l’intérieur… Je répète : Ce qui s’y est passé, c’est du terrorisme de l’intérieur ».
Les commentaires de H. Reid étaient très virulents. C’est devenu un cri de ralliement pour le droit. Les protestataires raisonnaient : Nous sommes donc des terroristes de l’intérieur pour avoir protesté contre un gouvernement maladroit qui enlève des libertés constitutionnelles — mais quand le commandant Nidal Hasan, dans les faits, assassine 13 personnes à la base militaire de fort Hood, ce n’est que de « la violence sur un lieu de travail » ? Pour beaucoup de protestataires, les commentaires de H. Reid semblaient confirmer leurs pires soupçons.
H. Reid a poursuivi : « Nous ne pouvons avoir des gens qui violent la loi, et ensuite s’en sortent sans aucune sanction. »
« Ce n’est pas fini », a-t-il dit.
Anarchie
De manière ironique, les partisans de C. Bundy accusent le gouvernement précisément d’anarchie. Comme l’a écrit un commentateur : « Est-il un syndicat qui peut demander à l’administration Obama une dérogation pour une année supplémentaire ? Est-il une personne à faible revenu qui peut demander que le mandat (pour enlever ses vaches) soit retardé une autre année ? Est-il d’un autre pays et demande-t-il de ne pas être expulsé, du fait de son histoire particulièrement triste ?
« Parce que cette administration a tourné la loi en dérision par son application de manière sélective, il est difficile de voir pourquoi il est nécessaire d’enlever quelques vaches et de détruire les moyens d’existence de cette famille, mais qu’il n’est pas nécessaire de faire le reste de ces choses.
« Nous sommes à un moment dangereux avec l’application de manière sélective de la loi par cette administration. Il n’en faut pas beaucoup pour que les gens demandent : « Pourquoi la loi vaut pour moi, mais pas pour toi ? » (Powerline, le 14 avril).
L’Amérique est dans un moment très dangereux et très instable.
Et la plupart des politiciens, en sécurité dans leurs luxueuses maisons citadines, n’ont pas une idée de ce qui se passe. Ils ne voient pas comment leurs actions, et la perception qu’en a le public, mènent les gens, également, à choisir, de manière sélective, à quelles lois ils vont obéir.
Un cocktail dangereux
« Je crois que le Nevada est un État souverain, a dit C. Bundy, et je respecte toutes les lois de l’État du Nevada. Mais je ne reconnais pas l’existence du gouvernement des États-Unis. »
De tels sentiments sont partagés par plus d’une milice. Selon votre définition de la milice, il y a entre 270 000 et 680 000 personnes qui appartiennent à ces groupes. Probablement, des millions de gens leur témoignent de la sympathie.
Jamais auparavant, à notre époque, il n’y a eu de milices à se rassembler pour offrir une résistance armée contre le gouvernement comme elles l’ont fait au ranch Bundy, ont dit des experts en matière de milice, à Reuters. On doit remonter à la guerre civile.
Peu de choses agacent plus les gens que les droits sur la propriété : sur la terre et sur qui la possède. Ajoutez un gouvernement vu comme intrusif et injuste — qui n’applique les lois que de manière sélective — et des centaines de gens, appartenant ou non à des milices, sont prêts à traverser le pays pour défendre un fermier peu connu qu’ils n’ont jamais rencontré.
Mettez-y de la tension raciale ; des milices armées, certaines avec des vues radicales ; un gouvernement militarisé dont on se méfie ; plus des médias affamés d’indices d’écoute — et l’Amérique fait face à un avenir de frictions et de flammes.
Au cours des quelques années passées, la Trompette a mis en garde contre l’esprit radical d’anarchie qu’il y a à Washington, et la direction que cela prenait. L’administration a pris de nombreuses décisions pour éviter que le Congrès n’impose un programme partisan. Le Congrès est devenu un lieu conflictuel, et l’administration a répondu par des mesures encore plus énergiques. Mais il y a une dimension plus profonde derrière ce qui se passe.
« Êtes-vous conscient de la dangerosité de cette tendance vers l’anarchie ? » demande le rédacteur général de La trompette, Gerald Flurry. « Très peu de gens le sont. Mais cela donne un profond aperçu de la nature réelle de la menace qui fait face à l’Amérique aujourd’hui… Cette tendance vers l’anarchie est mortelle ! Et je garantis, basé sur la prophétie biblique, qu’elle va devenir bien pire » (L’Amérique sous attaque).
Dans l’édition d’août 2013 de cette revue, M. Flurry écrit : « Beaucoup de gens essaient de faire comme s’il n’y avait pas de réel problème, et pensent que ceux qui sont inquiets réagissent de façon excessive. Mais cela devrait profondément troubler tous les Américains ! Il y a un incomparable esprit d’anarchie derrière tous ces scandales ! Et cela mène à un résultat bien pire que la plupart des gens ne le croient ».
Une des grandes leçons de l’histoire, c’est que la loi doit être la même pour tous — et même l’État doit y être soumis. « Si des exceptions sont faites, a écrit l’historien Paul Johnson, le règne de la loi commence à s’effondrer » — et, finalement, la société ne peut survivre.
Quelqu’un qui ne croit pas que cela soit un réel problème doit reconsidérer les choses. Pendant plus de 200 ans, l’Amérique a prospéré comme aucune autre nation dans l’histoire. Pourtant, maintenant, des troubles sociaux éclatent, et il y a un vent de tension qui souffle à travers la nation. Qu’est-ce qui a changé ?
Quelque chose de dangereux a saisi l’Amérique — de beaucoup plus mortel que les gens veulent bien le croire. La Bible dit qu’il y a une dimension spirituelle à cette tendance, et on ne peut comprendre ces événements à moins de la reconnaître. Finalement, il ne s’agit pas d’un homme ou d’un gouvernement : il s’agit d’un esprit méchant qui œuvre à détruire cette nation, et la raison pour laquelle Dieu permet que cela arrive. ▪