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Est-ce le mur de Néhémie ?

Julia Goddard/LA TROMPETTE

Est-ce le mur de Néhémie ?

L’archéologie confirme le célèbre récit biblique d’une tentative désespérée de fortifier la Ville sainte.

Il devait s’agir d’une simple opération de sauvetage visant à réparer une tour hasmonéenne en ruine. Mais lorsque l’archéologue Dre Eilat Mazar, aujourd’hui décédée, et son équipe, ont commencé à creuser, ils se sont vite rendu compte que ce projet allait aller beaucoup plus loin. Une fois les travaux terminés, ils avaient fait une découverte sensationnelle.

Située dans la Cité de David, à l’extrémité nord de la structure en pierre à degrés, la tour nord était une structure fortifiée mal construite. Elle comportait les vestiges d’un mikvé (bain de purification rituel) à son sommet. La tour nord a été en grande partie mise au jour dans les années 1920. Jusqu’en 2007, les archéologues, dont Dre Mazar, pensaient généralement que la tour datait de la période hasmonéenne (deuxième siècle avant notre ère).

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En 2007, la tour nord était en péril et risquait de s’effondrer. La structure avait manifestement été construite rapidement dans l’Antiquité, ses pierres étant vaguement assemblées. Plus important encore, près d’un siècle de fouilles archéologiques à proximité avait compromis son intégrité structurelle. Sans intervention immédiate, la tour allait s’effondrer. Au début de l’année, l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI) a tenté d’effectuer des travaux de restauration, mais la solidité de la tour a continué à se détériorer. L’AAI a donc autorisé la Dre Mazar à diriger des fouilles de sauvetage pour réparer la tour.

Le processus de réparation était théoriquement simple : Mme Mazar et son équipe démonteraient la tour, en numérotant soigneusement chaque pierre et en notant son emplacement dans le mur. Ensuite, ils la reconstruiraient avec du mortier moderne. Cependant, avec un édifice aussi ancien, les choses sont rarement simples. Ce qui s’est passé, c’est une fouille inattendue et intensive de six semaines qui a abouti à une redéfinition radicale de la tour nord—et à la reconstitution d’une histoire biblique extraordinaire.

Empreintes persanes

Le démantèlement de la tour nord par la Dre Mazar a commencé de manière simple. Cependant, à mesure que l’équipe s’approchait de la base, il est devenu évident que les fondations n’étaient pas suffisamment stables pour supporter la reconstruction de la tour. Après avoir consulté les autorités et ses collègues, la Dre Mazar a commencé à creuser les strates sous la tour afin de trouver une couche solide sur laquelle reconstruire. Les matériaux découverts dans ces strates ont permis une datation sûre de la tour nord—et une surprise attendait tout le monde.

Au cours des fouilles, il est également apparu que la tour nord avait été construite en même temps qu’une section droite de mur au sommet de la structure en pierre à degrés et que la tour et cette section de mur faisaient partie du même édifice.

Parmi les objets mis au jour directement sous la tour nord se trouvait une découverte surprenante : deux chiens enterrés. En étudiant la « fermeture épiphysaire » des os, ainsi que l’usure liée à l’âge, les scientifiques ont déterminé que les chiens étaient morts de vieillesse. En comparant ces découvertes avec d’autres fouilles effectuées en Israël, Mme Mazar a fait remarquer que ce type d’enterrement de chien est caractéristique d’un contexte historique spécifique : la période perse. (La plus grande sépulture de chiens a été trouvée à Ashkelon ; des milliers de chiens y ont été enterrés, avec un nombre record durant la période perse. Il semble que la foi perse conférait aux chiens un statut sacré et les associait à la santé et à la médecine). Le mode d’inhumation et son emplacement directement sous la tour indiquent que les chiens ont été enterrés juste avant la construction du mur.

Un grand nombre de fragments de poterie ont également été découverts sous les chiens. Ces tessons dataient sans équivoque de la période perse et confirmaient la datation des chiens à la fin du sixième et au début du cinquième siècle avant notre ère.

Enfin, l’absence de certains matériaux a permis à la Dre Mazar de dater la tour et le mur associé. Les empreintes de sceaux de Yehud sont très fréquentes pendant la période perse de Juda. Yehud était le nom donné à Juda sous domination perse. Lors des fouilles menées par Yigal Shiloh dans la Cité de David dans les années 1980, de nombreuses sceaux de Yehud ont été trouvées, tous datés de la seconde moitié du 5e siècle avant notre ère ou plus tard. Mais ici, dans cette couche persane de près de 1,5 mètre d’épaisseur sous la tour nord, la Dre Mazar n’en a pas trouvé une seule. Cela signifie que ce matériau a dû être mis en place avant le milieu du cinquième siècle avant notre ère.

En se basant sur la typologie des poteries et sur les sépultures de chiens, la Dre Mazar a conclu que la tour nord et le mur d’enceinte ont été construits vers 450 avant notre ère.

L’histoire biblique

Bien que la découverte de la muraille et de la tour perse était inattendue, si l’on considère les sources historiques, cela n’est absolument pas surprenant. La Bible parle justement d’un tel mur, longuement et avec beaucoup de détails.

Le récit biblique du « mur de Néhémie » est bien connu. Néhémie était un Juif en captivité en Perse. Il était l’échanson du roi perse Artaxerxès. En 444 avant Jésus Christ, Néhémie a obtenu la permission de retourner en Juda et de reconstruire les murs et les portes délabrés de Jérusalem, qui avaient été détruits lors des invasions babyloniennes au début du sixième siècle.

Le livre de Néhémie montre qu’à l’époque, Juda était entouré d’ennemis et sous la menace constante d’une attaque. Néhémie et son équipe ont travaillé avec une grande urgence et une rapidité étonnante. Néhémie 6 : 15 dit que le mur a été construit en seulement « cinquante-deux jours ».

En étudiant le récit de Néhémie, la Dre Mazar a remarqué que la construction de la tour nord et du mur associé, qu’elle avait scientifiquement datée à environ 450 avant Jésus Christ, correspondait exactement au récit biblique. Non seulement les dates correspondaient, mais aussi la qualité de la construction. La tour et le mur n’étaient pas des chefs-d’œuvre d’ingénierie. La qualité de leur construction montrait qu’elles avaient été bâties à la hâte—comme l’avait rapporté Néhémie.

Néhémie 3 décrit en détail la construction de la muraille. Il précise les différentes longueurs de murs, de tours et de portes reconstruits, ainsi que les noms des ouvriers. En comparant le tronçon de mur découvert par la Dre Mazar avec la description biblique, on peut même spéculer sur la personne qui l’a construit : Néhémie, fils d’Azbuk (versets 15-16 ; il s’agit d’un Néhémie différent du personnage principal du livre).

Il y a un autre élément intéressant concernant le mur. Au verset 35 (Néhémie 4 : 3 dans Louis Segond), Tobija l’Ammonite, l’un des adversaires de Néhémie, se moque des bâtisseurs. Il leur dit : « Qu’ils bâtissent seulement ! Si un renard s’élance, il renversera leur muraille de pierres ! » En d’autres termes, même un renard pourrait faire tomber votre mur ! Peut-être est-ce une justice poétique que, juste en dessous de la section excavée du mur de Néhémie, se trouvent justement les carcasses écrasées de deux canidés morts ?

Par ailleurs, la Bible rapporte que Néhémie avait trois ennemis principaux : Sanballat le Horonite, Tobija l’Ammonite et Guéschem l’Arabe. Deux de ces personnages—Sanballat et Guéschem—ont été identifiés grâce à des découvertes archéologiques. Tobija ne l’a pas été, mais l’archéologie a prouvé que son nom était courant dans cette période.

Découvertes connexes

Sous la couche de 1,5 mètre de matériau du début de la période perse, la Dre Mazar a découvert une couche babylonienne. Celle-ci se rapporte clairement à la période babylonienne antérieure, entre 586 et 539 avant Jésus-Christ. Un certain nombre de découvertes importantes ont été faites dans cette strate.

Parmi elles se trouvait un sceau en pierre noire et brillante portant le nom biblique hébreu Schelomith. L’image au-dessus du nom est assyrienne/babylonienne. Elle représente deux adorateurs, un autel et le symbole lunaire du dieu babylonien Sîn. Mme Mazar a émis l’hypothèse que le sceau a été fabriqué à Babylone et que le nom hébreu a été gravé plus tard. Elle a également fait référence à 1 Chroniques 3 : 19, qui mentionne une certaine Schelomith, fille de Zorobabel, qui était sur la scène immédiatement après cette période babylonienne.

Directement sous la strate babylonienne se trouvait l’épaisse couche de destruction correspondant à la chute de Jérusalem. Cette couche contenait plusieurs petites découvertes, dont de nombreuses pointes de flèches en bronze et en fer. Cette couche comprenait le sceau du prince biblique Guedalia, fils de Paschhur (Jérémie 38 : 1).

La section préservée du mur de Néhémie mise au jour par la Dre Mazar s’amenuise au sommet de la structure en pierre à degrés. Cependant, en continuant vers le sud le long de la même ligne, une section connexe du mur apparaît (voir la carte à la page suivante). Bien qu’aucun matériau stratifié n’ait été présent pour permettre de dater ce prolongement méridional du mur, la Dre Mazar pensait que, d’après sa liaison avec le mur et la tour du nord, il date lui aussi de la période perse et constitue une autre partie du mur de Néhémie.

Ce prolongement méridional du mur est adossé à la tour sud. Comme la tour nord, cette grande tour était à l’origine supposée être hasmonéenne. Malheureusement, les fouilles effectuées dans les années 1920 ont enlevé les couches de terre attenantes à la tour. Il semble qu’à moins que la tour elle-même ne soit excavée, elle ne puisse pas être datée correctement. Cependant, étant donné la nature de la tour et son lien avec le mur qui s’étend au sud de la structure en pierre à degrés, la Dre Mazar a estimé qu’elle devait également faire partie du mur de Néhémie. Le fait que la tour sud ait été construite sur des maisons détruites par les Babyloniens (vers 586 avant Jésus Christ) et qu’elle date donc d’une période postérieure à la destruction du 6e siècle avant Jésus Christ renforce cette identification.

La conclusion la plus logique est que les trois édifices—la tour sud, la tour nord et le mur qui les relie au-dessus de la structure en pierre à degrés—font partie du mur de Néhémie.

Une dernière remarque : Néhémie 3 : 16 indique que les tombeaux des rois de Juda sont situées à côté d’une structure massive à degrés, à l’extrémité de la section de mur construite par Néhémie, fils d’Azbuk. Ces tombeaux n’ont pas encore été retrouvés, mais ils doivent certainement se trouver à proximité de la partie du mur de Néhémie qui a été découverte.

Entrée en scène des critiques

Avant les fouilles de sauvetage menées par la Dre Mazar, il n’existait aucune découverte relative à la reconstruction du mur de Jérusalem par Néhémie dans cette zone. Les sceptiques de la Bible regardaient le livre de Néhémie et à sa description détaillée de la muraille et se demandaient pourquoi aucun vestige n’avait jamais été découvert. Depuis 2007, ils ne peuvent plus poser cette question. Mais les sceptiques n’ont pas pris leur retraite.

L’archéologue et minimaliste biblique Israël Finkelstein rejette cette découverte, affirmant que, comme nous ne disposons que de matériaux du fondement datant de la période perse, la structure elle-même aurait pu être construite à n’importe quelle période ultérieure. « Le mur aurait pu être construit, théoriquement, pendant la période ottomane [vers 1300-1900 après Jésus Christ] » a-t-il déclaré.

Cet argument est fallacieux. N’oublions pas que la tour était surmontée d’un mikvé hasmonéen, ce qui signifie que la structure a été achevée au plus tard au premier siècle avant notre ère, c’est-à-dire à la fin de la période hasmonéenne.

Il faut également tenir compte de ce qui suit : si la structure a été construite si tard, plus de 300 ans après la période perse, pourquoi n’y avait-il pas de vestiges hasmonéens sous la tour ? Après tout, de nombreux vestiges hasmonéens ont été dispersés dans les strates terrestres environnantes.

Il est clair que la tour a dû être construite à la même époque que le matériau du fondement datant du début de la période perse, la protégeant ainsi de l’intrusion de tessons de poterie plus tardifs—y compris de matériel (comme les sceaux de Yehud) datant de la fin de la période perse.

D’autres ont critiqué la Dre Mazar pour avoir utilisé la Bible. Ces critiques disent qu’on ne peut pas faire confiance à Mazar parce qu’elle a un parti pris pour la Bible. Le fait est qu’avant ces fouilles, Mazar—comme beaucoup d’autres—croyait que la tour nord était hasmonéenne. Elle n’était pas à la recherche de cette découverte, ni de preuves de la véracité de la Bible. Lorsque la science a indiqué que cette découverte était le mur de Néhémie, elle a été aussi surprise que les autres.

La Dre Mazar ne s’est pas précipitée pour conclure qu’elle avait découvert le mur de Néhémie. Au contraire, elle a traité avec diligence et responsabilité les données scientifiques et les a comparées objectivement à l’histoire biblique. Après avoir minutieusement documenté les preuves, Mme Mazar a résumé sa découverte du mur de Néhémie dans le rapport scientifique documentant les fouilles, The Summit of the City of David Excavations 2005-2008, Final Reports Vol. 1 (Le sommet de la Cité de David, Fouilles 2005-2008, rapports finaux, vol. 1).

Elle a écrit : « En résumé, les vestiges découverts [...] corroborent le récit biblique. [...] En tenant compte des preuves archéologiques solides d’une part et du récit biblique détaillé d’autre part, nous proposons d’identifier la tour nord, et probablement aussi la tour sud, ainsi que le segment du mur de la ville (W27), comme faisant tous partie des fortifications de Néhémie. »

Cette conclusion n’est-elle pas logique ? Il n’est pas nécessaire de croire en la Bible pour constater que la découverte de la Dre Mazar correspond bien au récit biblique.

Une arme dans une main, une bêche dans l’autre

En observant le débat sur les fouilles de la tour nord, il est difficile de ne pas faire le parallèle avec les événements décrits dans le livre de Néhémie. Autrefois, Néhémie et ses assistants étaient confrontés à une résistance si forte qu’ils avaient besoin d’une protection militaire. « Ceux qui bâtissaient la muraille, et ceux qui portaient ou chargeaient les fardeaux, travaillaient d’une main, et tenaient une arme de l’autre » (Néhémie 4 : 17). La Dre Mazar a également dû faire face à une opposition farouche, quoique plus académique. Les Sanballat et les Tobija des temps modernes ne manquent pas.

Un an avant de découvrir le mur, la Dre Mazar, telle un Néhémie moderne, décrivait son approche de l’archéologie : « Je travaille avec la Bible dans une main et les outils de fouille dans l’autre, et j’essaie de tout prendre en compte. » Il est peut-être approprié que ses fouilles et l’identification du mur aient pris autant de temps que Néhémie pour le construire.

Malgré l’opposition, comme l’a dit la Dre Mazar, à la fin, les pierres parlent d’elles-mêmes. Néhémie n’aurait pas pu mieux le dire lui-même.

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