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Espace : la dernière frontière militaire
S tar Wars. Star Trek. Guardians of the Galaxy. La guerre dans l’espace est le terrain standard pour des films de science-fiction. Ce n’est pas quelque chose que nous attendons pour faire une différence dans notre vie de tous les jours.
Mais nous vivons déjà dans un monde de « science-fiction ».
En ce moment même, des robots-tueurs sans pilote planent dans le ciel, au-dessus du Moyen-Orient, prêts à faire pleuvoir la mort d’en haut sur les ennemis de l’Amérique. Ils sont guidés par des pilotes assis à des centaines de kilomètres au loin, répercutant leurs instructions issues de satellites. Des bombes intelligentes sont guidées au centimètre près sur leurs cibles utilisant le système gps de navigation par satellite de l’Amérique. Quand les forces spéciales de l’Amérique trouvent une cible de haute valeur, leurs commandants et même le président, à la Maison-Blanche, peuvent observer et répondre en temps réel, grâce à la communication par satellite. Les commandants américains voient le champ de bataille et leurs soldats s’y mouvoir en utilisant la surveillance et les satellites de positionnement américains. Ils comptent sur cette information pour coordonner des attaques et éviter de tirer sur leur propre camp. Des satellites américains avertissant contre les missiles observent l’atmosphère de la planète entière contre toute attaque de missile possible sur les États-Unis ou leurs alliés.
Une bonne partie de la domination militaire de l’Amérique sur terre repose sur sa puissance, à partir du ciel—et l’Amérique domine l’espace. Personne d’autre n’a ses capacités. Même l’excellente armée française, après avoir combattu à côté de l’Amérique en Afghanistan, a dû désapprendre sa dépendance aux systèmes basés dans l’espace.
Ce serait un fantasme de supposer que d’autres nations ne défieraient pas la domination américaine dans ce théâtre crucial de guerre.
Particulièrement vulnérable
Au cours des derniers mois, la Chine a développé la capacité de menacer toute l’infrastructure basée dans l’espace de l’Amérique. L’Europe et la Russie ont presque certainement la même capacité.
« Le point d’ignition militaire le plus inquiétant du monde n’est probablement pas dans le détroit de Taiwan, dans la péninsule coréenne, en Iran, en Israël, au Cachemire ou en Ukraine. En fait, il ne peut être localisé sur un globe », a écrit Scientific American, en octobre. « Le territoire contesté ? Le no man’s land de l’orbite terrestre, où un conflit se déroule qui a tout d’une course aux armements sauf le nom. »
La domination de l’Amérique dans l’espace a rendu l’armée des États-Unis particulièrement vulnérable dans cette arène. Les États-Unis sont « de plus en plus dépendants de leurs systèmes basés dans l’espace—dont un pourcentage significatif est fortement vulnérable et en grande partie indéfendable », a écrit Stratfor (11 novembre 2015). Frapper un de ceux-ci délivrerait « un coup critique avant toute frappe physique ». Ôtez ces systèmes spatiaux, et des commandants américains deviennent aveugles, sourds et muets.
La plupart des autres pays n’ont pas la même technologie satellitaire. Par conséquent, comme Stratfor l’explique : « Les États-Unis ne peuvent pas utiliser la menace de mettre hors de service l’infrastructure de communications basée dans l’espace d’autres pays pour prévenir des attaques parce que les autres pays ne se reposent pas aussi lourdement sur la technologie ». Le type de destruction mutuellement assurée qui a jusqu’ici empêché l’utilisation des armes nucléaires ne s’applique pas à l’espace.
Si une autre nation détruit tous les satellites de l’Amérique, cette dernière ne pourra pas exercer de représailles. Des bombes intelligentes et des champs de bataille guidés par gps aident l’Amérique à éviter des dommages collatéraux et lui donnent de la marge. Mais cela crée, également, une dépendance unique. Coupez une autre nation de l’accès à l’espace, et c’est un inconvénient mineur. Mais refusez à l’Amérique l’utilisation de l’espace, et ses méthodes normales de conduire la guerre sont inutiles.
Stratfor continue : « Voici une forte motivation pour poursuivre la technologie antisatellite dans l’espoir qu’elle puisse neutraliser ou perturber un des plus grands avantages qu’ont les États-Unis… »
La Russie et la Chine
La Russie et la Chine développent en particulier la capacité de détruire l’infrastructure spatiale de l’Amérique. Pour gagner, elles n’ont pas besoin de copier toute la technologie de l’Amérique. Elles n’ont tout juste qu’à créer des systèmes pour le détruire. Quiconque a joué avec des cubes en bois sait qu’il est beaucoup plus facile (et meilleur marché) de détruire quelque chose que de le créer.
« Maintenant, comme la Chine et la Russie cherchent agressivement à défier notre supériorité dans l’espace avec une défense ambitieuse et leurs propres programmes d’exploration, cette lutte de pouvoir risque de susciter un conflit qui pourrait endommager l’infrastructure basée dans l’espace de toute la planète », a écrit Scientific American. « Et quoiqu’il puisse commencer en haut, un tel conflit pourrait facilement déclencher une guerre généralisée à la surface de la Terre » (op. cit.).
La Chine a fait les grands titres, en 2007, quand elle a abattu un de ses propres satellites alors qu’il orbitait à 850 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre. L’action de la Chine était certainement à noter—elle démontrait que les satellites d’orbite basse de l’Amérique sont vulnérables. Ce n’était, pourtant, pas un grand accomplissement technique. Le professeur Desmond Ball, de l’Australian National University, a dit, à l’époque, qu’abattre le satellite « a impliqué un système assez primitif ».
« C’est le genre de capacité disponible d’un pays avec un dépôt de missiles [balistiques de moyenne portée/intercontinentaux] ou des véhicules de lancement de satellite, et un système de radar de longue portée comme le Japon, l’Inde, l’Iran et même la Corée du Nord », a-t-il dit.
Maintenant, la Chine a poussé beaucoup plus loin son potentiel. Elle a effectué un test, en 2013, qui a démontré qu’elle pourrait maintenant abattre des satellites situés à 30 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre.
Si la Terre était un ballon de basket-ball, un satellite à 850 kilomètres serait, alors, à moins de 3 cm de la surface du ballon. Mais avec cette dernière innovation, la Chine a démontré que, à cette même échelle, elle peut abattre un satellite situé à presque 60 centimètres du ballon. Cela signifie simplement qu’à peu près tous les satellites américains de communication, les satellites-espions et les satellites de navigation sont à portée de tir.
Le lieutenant général John « Jay » Raymond, de l’armée de l’air, commandant de la Joint Functional Component Command for Space [Commandement commun de la composante fonctionnelle pour l’espace], l’a confirmé en mars dernier, en disant à la Chambre des députés américains : « Nous nous approchons rapidement du point où chaque satellite, sur chaque orbite peut être menacé ».
Si la Chine peut faire cela, les puissances spatiales plus avancées comme la Russie et l’Europe possèdent probablement la même capacité. Il n’est pas étonnant que la rand Corporation ait publié un rapport, en septembre, disant que « le risque pour la plupart des fonctions spatiales américaines semble grandir plus rapidement que la capacité ou les efforts américains pour les atténuer » (The U.S.-China Military Scorecard » [Tableau de comparaison des armées Amérique-Chine]).
Détruire un satellite est un acte flagrant d’agression, mais le Scientific American décrit d’autres façons plus subtiles de saboter les fonctions d’un satellite : « Un vaisseau spatial pourrait simplement s’approcher d’un satellite et pulvériser de la peinture sur son optique, casser manuellement ses antennes de communication, ou déstabiliser son orbite. Les lasers, aussi, pourraient être utilisés pour inhiber temporairement ou endommager de manière permanente les composants d’un satellite, particulièrement ses détecteurs délicats. Et des ondes ou des microondes pourraient bloquer ou récupérer la transmission vers ou en provenance des contrôleurs au sol » (op. cit.).
La Russie, la Chine et les États-Unis ont tous démontré ces sortes de capacités : des satellites qui peuvent manœuvrer suffisamment près d’autres satellites et, ensuite les détruire ou les déstabiliser. Brian Weeden, analyste auprès de la Secure World Foundation, et qui a l’habitude de travailler au U.S Strategic Command’s Joint Space Operation Center [Centre d’opérations spatiales commun du commandement stratégique américain], a noté que ces capacités « présentent un défi significatif pour la sécurité et la stabilité spatiale future ». En octobre, il a écrit un rapport se concentrant sur les activités de l’Amérique, de la Russie et de la Chine dans ce secteur, mais il a noté que « d’autres pays clients de l’espace, comme le Canada, le Japon et l’Europe possèdent déjà maintes de ces mêmes capacités ».
Le talon d’Achille de l’Amérique
En juin 1999, le rédacteur général de la Trompette, Gerald Flurry cite Intelligence Digest qui disait : « La guerre du Golfe a montré quel rôle crucial la technologie joue, maintenant, dans la guerre. Mais le cours d’une bataille serait très différent si des mesures efficaces de sabotage de technologie peuvent être instituées contre une force supérieure… La dépendance informatique est le talon d’Achille du monde occidental, et dans quelques années, cette faiblesse pourrait être testée à fond ».
La majeure partie de l’article de M. Flurry s’est concentrée sur la cyberguerre et sur le danger d’une cyberattaque, qu’il a identifiée comme le talon d’Achille de l’Amérique. Mais plusieurs des points qu’il a évoqués, également, s’appliquent à la dépendance de l’Amérique sur la technologie des satellites d’observation, de navigation et de communication.
L’armée des États-Unis devient plus consciente de sa vulnérabilité sur ce point. Par exemple, le personnel naval américain est, maintenant, formé pour naviguer en utilisant les étoiles. Mais ces sortes d’efforts n’amélioreraient qu’une partie du problème. Ils empêcheraient un destroyer de s’échouer, par exemple, mais ils ne pourraient guider les missiles de croisière du bateau.
L’Amérique suppose que son armée est absolument prédominante, mais elle n’a pas mené de guerre contre une puissance majeure depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il n’y a eu aucun test sur la résistance que la marge technologique de l’Amérique démontrerait dans un tel conflit.
Dans leur roman Ghost Fleet [La flotte fantôme], les experts militaires P. W. Singer et August Cole imaginent comment la Troisième Guerre mondiale pourrait être menée. Elle commence par une cyberattaque et la destruction des satellites de l’Amérique. Privée de sa marge technologique, l’Amérique est presque inhibée.
C’est un scénario fictif. Mais la technologie n’est plus de la fiction. L’Amérique est plus vulnérable que notre vie confortable ne nous le laisserait penser. ▪