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Effondrement régional soudain

The Course of Empire: Destruction [Oil painting by Thomas Cole, 1836]

Effondrement régional soudain

Lorsque le roi David est entré en scène à la fin du 11 e  siècle avant notre ère, Israël était dans un état pitoyable. Sous-développée et désunie, la nation était davantage une alliance hétérogène de tribus qu’un peuple intégré doté de frontières solides et d’une identité nationale établie, dirigé par un gouvernement central compétent.

Cependant, la nation naissante bénéficiait de quelques conditions favorables. L’une des plus importantes était la dynamique géopolitique de la région dans son ensemble. Pour une nation faible aspirant à la puissance, l’état de son voisinage peut être décisif. La concurrence et la guerre freinent la croissance. Lorsque des milliers de jeunes hommes sont sur le champ de bataille, l’agriculture, l’industrie et l’économie en pâtissent. La paix, en revanche, est propice à la croissance.

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Lorsque David est devenu roi, Israël avait des rivaux locaux, notamment les Philistins. Il est cependant remarquable qu’il n’y ait eu aucune concurrence ou menace de la part de l’une ou l’autre des grandes civilisations. Lorsque Salomon est devenu roi, même les menaces locales avaient été maîtrisées et toute la région était en paix.

Aujourd’hui encore, l’effondrement, à la fin de l’âge du bronze, de la quasi-totalité des grandes puissances du Proche-Orient déconcerte les historiens. Les experts ne connaissent pas la cause précise de l’effondrement de toute la région, qui a commencé approximativement entre 1200 et 1150 avant notre ère et s’est poursuivi pendant 100 à 150 ans. Était-ce une famine ? Une guerre ? Un changement climatique ? Ou peut-être une combinaison de ces facteurs ? À l’exception de quelques puissances locales, toutes les grandes civilisations—dont l’Égypte, Babylone et l’Assyrie—ont sombré exactement au même moment.

Cet « effondrement » est attesté par l’archéologie et les textes anciens de ces États, ainsi que par le texte biblique. 1 Rois 5 : 4, par exemple, rapporte le calme qui régnait à travers la région sous le règne de Salomon : « Il dominait sur tout le pays de l’autre côté du fleuve, depuis Thiphsasch jusqu’à Gaza, sur tous les rois de l’autre côté du fleuve. Et il avait la paix de tous les côtés alentour. »

Il est remarquable que ces nations se soient effondrées exactement au même moment.

Empires en déclin

Tout d’abord, l’Égypte a été une puissance régionale écrasante pendant la majeure partie du deuxième millénaire avant notre ère. Mais au moment précis où Israël émergeait, l’Égypte a largement perdu de son influence et n’a plus jamais atteint les mêmes sommets. La période du Nouvel Empire égyptien—qui marque l’apogée de la puissance historique du pays— connaît un déclin et s’achève vers le milieu du 11e siècle avant notre ère. À cette époque, l’Égypte entre dans la Troisième Période intermédiaire. Cette période, au cours de laquelle l’Égypte a été gouvernée par des pharaons non autochtones, est parfois qualifiée de « chaotique » et de « déclin », d’« instabilité » et de « division ». « À la fin du Nouvel Empire, l’Égypte était divisée », résume l’Encyclopedia Britannica. « Le nord a été hérité par la 21e dynastie tanite [...] [et] une grande partie du sud de la vallée du Nil est passée sous le contrôle des prêtres thébains… ».

« Après la disparition de l’Empire égyptien d’Asie, le royaume d’Israël s’est finalement développé sous les rois David et Salomon. Pendant le règne de David, la Philistie sert de tampon entre l’Égypte et Israël, mais après la mort de David, l’avant-dernier roi de la 21e dynastie, Siamon, envahit la Philistie et s’empare de Guézer. Si l’Égypte avait l’intention d’attaquer Israël, le pouvoir de Salomon a fait obstacle à Siamon, qui a offert Guézer à Israël comme dot dans le cadre du mariage diplomatique de sa fille avec Salomon. Cela témoigne du renversement du statut de l’Égypte dans les affaires étrangères depuis l’époque d’Amenhotep III, qui avait écrit au roi de Babylone : “De tout temps, une fille du roi d’Égypte n’a été donnée à personne” » (« La Troisième Période intermédiaire »).

Au nord et à l’ouest d’Israël, la civilisation grecque mycénienne s’est également effondrée au milieu et à la fin du 11e siècle avant notre ère, plongée dans ce que l’on appelle communément les « siècles obscurs ». « Une société, qui a régné sur l’âge de bronze récent en Grèce, a rapidement disparu de l’histoire et s’est lentement fondue dans la légende », a écrit l’auteur Van Bryan. « Nous ne saurons peut-être jamais ce qui a vraiment tué la civilisation mycénienne de manière aussi abrupte et définitive. Leur disparition soudaine a plongé la Grèce dans un âge sombre pendant des centaines d’années » (« The Rise, the Fall, and the Mystery of the Mycenaeans » ; L’ascension, la chute et le mystère des Mycéniens).

À l’est de la Grèce, le puissant Empire hittite (qui contrôlait la majeure partie de la Turquie) s’est effondré et a entièrement disparu. À sa place, des mini-royaumes connus sous le nom d’« États syro-hittites » ont vu le jour, chacun d’entre eux étant une puissance limitée et mineure. « La sécheresse n’était qu’un des nombreux problèmes auxquels les Hittites et d’autres étaient confrontés à l’époque », a écrit le professeur Eric Cline. « Il y a eu une cacophonie de catastrophes qui ont conduit non seulement à l’effondrement de l’Empire hittite, mais aussi à celui d’autres puissances. Il s’agit notamment du changement climatique, qui a entraîné la sécheresse, la famine et les migrations ; des tremblements de terre ; des invasions et des rébellions internes ; de l’effondrement des systèmes ; et très probablement, des maladies aussi. Tous ces facteurs ont probablement contribué à la “tempête parfaite” qui a mis fin à cette époque, surtout s’ils se sont succédé rapidement, entraînant des effets dominos et multiplicateurs et une défaillance catastrophique de l’ensemble du système en réseau » (« Tree Rings, Drought, and the Collapse of the Hittite Empire » ; Cernes des arbres, sécheresse et l’effondrement de l’Empire hittite).

Plus à l’est, l’histoire est la même. Le puissant Empire médio-assyrien touchait à sa fin. La période allant du milieu du 11e siècle à la fin du 10e siècle a été décrite comme une période de déclin catastrophique pour l’Assyrie, en raison d’une sorte de crise majeure mystérieuse et inconnue par ailleurs. (Chose intéressante, ce n’est seulement qu’à la toute fin de cette période—à la fin du 10e siècle avant notre ère—que l’Empire néo-assyrien voit le jour, catapultant l’Assyrie au rang de puissance inégalée et de l’un des plus grands empires que le monde ait jamais connus). Il en va de même pour les Babyloniens. En l’espace d’une centaine d’années, de la fin du 11e au 10e siècle, Babylone languissait dans ce qu’on appelle une période de chaos, parfois décrite comme « faible » et « anarchique ».

J. A. Brinkman décrit cette histoire de l’Assyrie et de la Babylonie dans son livre A Political History of Post-Kassite Babylonia (Une histoire politique de la Babylonie post-kassite), dans le contexte vague d’une montée des puissances levantines : « Les Araméens et leurs confrères semi-nomades allaient s’avérer un facteur majeur dans le déclin politique de la Babylonie et de l’Assyrie au cours des deux siècles suivants », avec « les graines du chaos implantées par l’influx des Araméens. »

« Sur le plan militaire, la Babylonie et l’Assyrie furent toutes deux bientôt sur le déclin [à la fin du deuxième millénaire] », a écrit Brinkman ; « et pendant environ le siècle suivant, elles s’occupèrent principalement d’empêcher les semi-nomades déchaînés d’envahir leurs territoires de plus en plus restreints » (ibid.).

Plus à l’est, l’Empire élamite—à l’apogée de sa puissance au 12e siècle—a brutalement pris fin vers 1100, suivant la mort de l’empereur Hutelutuš-Inšušinak. Il entra alors dans une période de 300 ans d’« obscurité », au cours de laquelle « le pouvoir élamite disparut de la scène politique pendant une longue période », écrit l’Encyclopædia Iranica. « Aucun document élamite de cette […] phase de 2 siècles et demi ne fournit d’informations historiques » (« The History of Elam » ; L’histoire d’Élam).

Le jeune royaume d’Israël, certainement au début du règne de David (vers 1011), n’était pas entièrement dépourvu de concurrence ou de menace. Les Philistins, situés au sud-ouest de Jérusalem dans la plaine côtière, constituaient une menace, tout comme certaines puissances de la Transjordanie. Mais comparées à l’Égypte, à l’Assyrie et à Babylone, ces puissances locales étaient relativement insignifiantes et certainement surmontables.

L’histoire a horreur du vide

Dans son ouvrage de référence de 2003, On the Reliability of the Old Testament (Sur la fiabilité de l’Ancien Testament), le professeur Kenneth A. Kitchen étudie la chronologie de la montée en puissance d’Israël. « La quasi-totalité des commentateurs de 2 Samuel 8 à 1 Rois 11 ignorent presque totalement que l’étendue et la nature du royaume de David et Salomon [...] appartiennent à une période spécifique de l’histoire, à savoir vers 1200-900—ni plus tôt, ni plus tard », écrit-il.

En d’autres termes, la dynamique de l’ensemble de la région offrait à Israël une opportunité. « Les limites sont fixées par la disparition des grands empires égyptien et hittite de la fin de l’âge du bronze vers 1200/1180, juste avant notre période (qui l’introduit), et par la montée et l’expansion initiale de l’Empire néo-assyrien vers 870-850 et au-delà, juste après notre période », écrit Kitchen.

On dit que la nature a horreur du vide. Il en va de même pour l’histoire : elle a horreur des vides de pouvoir. La période allant de la fin du 11e au 10e siècle est-elle mieux caractérisée par la croissance timide d’un jeune royaume levantin au sein d’un vide général de puissances régionales plus vastes ? Ou bien le récit biblique d’un superbe Empire israélite—qui s’inscrit parfaitement dans ce cadre temporel et cette situation géopolitique précise—pourrait-il expliquer ce vide de pouvoir ?

La présence d’un Empire israélite pourrait-elle expliquer pourquoi, lorsque les Grecs sont soudainement sortis de leur « siècles obscurs », ils utilisaient un alphabet entièrement nouveau, présentant des similitudes fascinantes avec celui utilisé par Israël ? Cela pourrait-il expliquer pourquoi c’est précisément au moment de l’effondrement de la monarchie unifiée d’Israël que l’Assyrie-Babylonie est immédiatement réapparue comme la puissance dominante du Proche-Orient ?

Cette explication est cohérente avec le texte biblique, qui décrit l’ascendant d’Israël sur ses voisins et même la projection de son pouvoir jusqu’en Mésopotamie. 1 Chroniques 18-19 résume la croissance et la consolidation de l’« empire » d’Israël. Ces chapitres décrivent la conquête par David des Philistins (1 Chroniques 18 : 1), de Moab (verset 2), des Syriens (versets 3-10), des Édomites, des Ammonites et des Amalécites (verset 11). 1 Chroniques 19 : 6 décrit même la période de chaos en Mésopotamie (ce qui correspond bien à la description ci-dessus des puissances assyrienne et babylonienne envahies par des « Araméens » et des « peuples semi-nomades »).

Cela soulève la question suivante : Israël du 11e au 10e siècle est-il devenu une entité relativement puissante uniquement en raison de l’effondrement des royaumes puissants qui l’entouraient ? Ou bien l’essor d’Israël a-t-il contribué à l’effondrement, par ailleurs « mystérieux », d’autres puissances environnantes ?

Ce que nous savons, c’est que pendant la période exacte au cours de laquelle la Bible décrit un fantastique royaume davidique et salomonique, nous assistons à l’effondrement complet de toutes les autres grandes puissances régionales—y compris celles qui sont spécifiquement décrites comme ayant été conquises par Israël dans le récit biblique—suivi de la montée en puissance soudaine d’États ennemis dans les années qui ont suivi l’effondrement de la monarchie unifiée d’Israël.

Les temples disparus de Canaan

Avant l’arrivée des Israélites, il était courant que chaque ancienne ville de Canaan possède son propre temple pour les pratiques cultuelles. Cependant, pour Israël, le culte du « temple » était réservé à un lieu sanctifié : au début, là où se trouvait le tabernacle, puis plus tard au temple à Jérusalem.

Pour les archéologues et les historiens qui étudient les colonies de Canaan, l’absence de temple en état de fonctionnement peut être utilisée comme un marqueur culturel pour montrer le contrôle israélite. Ce phénomène est évident dans les colonies des hautes terres de la période du fer i, où Israël a gardé le contrôle. Mais au cours de la période du fer iia, quelque chose d’intéressant s’est produit : les villes situées plus loin des hautes terres centrales n’avaient pas de temple.

Le professeur Avraham Faust de l’université Ben Gourion a attiré l’attention sur ce changement dans son article de 2021 du Jerusalem Journal of Archaeology, expliquant que pendant la période du fer iia, les temples des principales villes du nord—telles que Meguiddo, Hatsor, Beït-Shéan, ainsi que Tel Qasile près de la côte méditerranéenne—ont cessé de fonctionner (« The ‘United Monarchy’ on the Ground » ; La “monarchie unie” sur le terrain). À Meguiddo, une tradition millénaire de culte au temple s’est brusquement interrompue au cours de la période davidique.

Que s’est-il passé sur ces sites cultuels au cours de l’âge du fer iia ? Selon le professeur Faust, il est clair que les Israélites ont pris le dessus : « Il s’agit d’une transformation majeure, et il est important de souligner que non seulement elle a eu lieu en même temps que tant d’autres changements, mais qu’elle nous oriente également vers la seule société que nous connaissions qui n’avait pas de temples dans chaque village, la société israélite. »

Ces villes sans temple sont une preuve supplémentaire de l’étendue de la monarchie unifiée au 10e siècle avant notre ère. Elles montrent que l’emprise territoriale de David s’étendait bien au-delà de Jérusalem. Il ne s’est pas contenté de régner sur les hauts plateaux du sud en tant que petit chef de tribu ; au contraire, son royaume s’est étendu jusqu’à englober la plaine de Sharon et les vallées du nord, détruisant au passage les temples étrangers. Une génération plus tard, la Bible raconte que Salomon a consolidé son pouvoir dans ces villes grâce à son intense programme de construction (1 Rois 9 : 15).

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