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Garfinkle, Archeology

Menahem Kahana/AFP via Getty Images

De nouvelles preuves pour le royaume du roi David : une interview avec le professeur Yosef Garfinkel

L’archéologue de l’Université hébraïque, le professeur Yosef Garfinkel, a récemment publié un article présentant des preuves que le royaume de Juda a été établi par un gouvernement centralisé à l’époque du roi David. En juin, le professeur Garfinkel s’est entretenu avec le directeur adjoint de la rédaction de Let the Stones Speak, Brent Nagtegaal, au sujet de son article et du débat en cours sur le roi David et la Judée du 10 e siècle avant J.-C. L’interview qui suit a été modifiée dans un souci de clarté.

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Brent Nagtegaal (BN) : Professeur Garfinkel, bienvenue dans l’émission Let the Stones Speak. Votre dernier article académique a été publié dans le Jerusalem Journal of Archaeology et s’intitule « Early City Planning in the Kingdom of Judah : Khirbet Qeiyafa, Beth Shemesh 4, Tell en-Nasbeh, Khirbet ed-Dawwara and Lachish V » (« Urbanisme précoce dans le royaume de Juda : Khirbet Qeiyafa, Bet Shemesh 4, Tell en-Nasbeh, Khirbet ed-Dawwara et Lakish V »). Il s’agit d’un titre plutôt académique, mais les preuves que vous présentez ont des implications significatives sur notre compréhension de la période des rois David, Salomon et Roboam. Dans l’article, vous expliquez comment certains érudits prétendent que l’expansion de Juda—contrairement à ce que disent les archives bibliques—a commencé au neuvième siècle, ou même aussi tard que le huitième siècle avant J.-C. Mais comme vous l’avez expliqué, les données que vous avez découvertes présentent une image différente.

Prof. Yosef Garfinkel (YG) : La grande question est de savoir comment élaborer des théories et les prouver en archéologie. De nombreux chercheurs aiment croire aux théories selon lesquelles le roi David n’a jamais existé, ou qu’il n’y avait pas de royaume à l’époque de David. Ces théories sont inutiles et ne reposent sur aucune preuve. En tant qu’archéologue, mon travail consiste à aller sur le terrain et à recueillir des données sur des sites archéologiques importants, des données qui éclaireront ce qui s’est réellement passé au 10e siècle avant J.-C.

Jusqu’à présent, j’ai fouillé trois sites datant du 10e siècle avant J.-C. Les deux premiers sites sont Khirbet Qeiyafa et Khirbet al-Ra’i [voir la carte]. Nos fouilles à Khirbet Qeiyafa montrent qu’il s’agissait d’une grande ville fortifiée. Nous avons découvert des inscriptions, des bâtiments publics, des objets métalliques et d’autres matériaux qui prouvent qu’il s’agissait d’une ville très grande et très importante. Nos fouilles à Khirbet al-Ra’i, en revanche, ont révélé un petit village. Nous n’avons que six pièces datant de l’époque du roi David. Nous avons donc à la fois une ville et un village de l’époque de David [10e siècle avant J.-C.].

Quelles sont les implications de ce que nous avons trouvé à Khirbet Qeiyafa ? Tout d’abord, Khirbet Qeiyafa a été construit selon un plan d'urbanisme spécifique. Nous avons un mur d’enceinte en casemate. Il s’agit d’un mur d’enceinte composé de deux murs parallèles. Il y a un mur extérieur, un mur intérieur, et entre les deux, des pièces. Il s’agit en quelque sorte d’un mur d’enceinte creux. Il n’est pas aussi robuste qu’un mur d’enceinte solide. Mais d’un autre côté, c’est moins cher et on peut le construire plus rapidement. Ainsi ce type de mur d’enceinte en casemate présente donc des avantages et des inconvénients. Mais c’est clairement ce que nous avons à Khirbet Qeiyafa. Après avoir fait des recherches plus approfondies, j’ai découvert que nous avions un urbanisme similaire au niveau quatre à Bet Shemesh.

BN : Les fouilles de Qeiyafa sont importantes car vous avez pu utiliser des noyaux d’olives pour la datation radiométrique, prouvant que le site date du début du 10e siècle avant J.-C., ce qui correspond clairement à l’époque du roi David. Dans votre article, vous expliquez que les similitudes entre Bet Shemesh et Qeiyafa indiquent que Bet Shemesh devrait également être datée du 10e siècle avant J.-C. Nous avons donc maintenant deux villes importantes datées du début du 10e siècle avant J.-C. ?

YG : Bet Shemesh est un site très important qui a été fouillé à plusieurs reprises. Il y a eu une première fouille entre 1911 et 1912 par Duncan Mackenzie pendant la période turque. Puis Elihu Grant l’a fouillé à l’époque britannique (1928-1933). Depuis les années 1990, une autre expédition, dirigée par les archéologues israéliens de l’université de Tel-Aviv Shlomo Bunimovitz et Tzvi Lederman, s’est déroulée pendant 20 saisons ou plus.

Au cours de l’expédition britannique, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, un mur d’enceinte en casemate a été découvert. À l’époque, Grant et G. Ernest Wright ont écrit dans leurs rapports finaux qu’ils avaient trouvé un mur d’enceinte en casemate comme à Tel Beth Mirsim et Tell ed-Nasbeh. Il s’agit donc de deux autres sites présentant le même schéma. Dans les années 1950 et 1960, des archéologues comme Nahman Avigad et W. F. Albright ont également écrit qu’ils acceptaient la présence d’un mur d’enceinte en casemate à Bet Shemesh.

Plus récemment, le site a été fouillé par des archéologues qui ont une vision minimaliste. Malheureusement, ils ont complètement ignoré l’archéologie antérieure. Au lieu de cela, ils ont affirmé que le niveau 4 était un village, et même qu’il s’agissait d’un village cananéen. Mais la poterie et la datation au carbone du niveau 4 sont exactement les mêmes que celles de Khirbet Qeiyafa. Mais ils n’ont pas tenu compte du mur d’enceinte en casemate. Pourtant, lorsque vous ajoutez le mur de la ville à la poterie et aux autres datations au carbone, qu’obtenez-vous ? Une autre ville comme Khirbet Qeiyafa.

BN : La géographie de Bet Shemesh et de Qeiyafa est également importante, n’est-ce pas ?

YG : Tous deux sont situés à la frontière occidentale du royaume de Juda et sur une route principale menant de l’ouest à l’est.

BN : Et les vallées ?

YG : Oui, vous avez la vallée d’Elah, où se trouve Khirbet Qeiyafa, et la vallée de Sorek, où se trouve Bet Shemesh. Les deux sites sont donc situés à la frontière, sur une route principale, et présentent la même planification urbaine.

Nous avons deux autres sites situés dans la partie nord de Juda. Tout d’abord, il y a Tell en-Nasbeh. Certains identifient ce site avec la ville biblique de Mitspa, où le prophète Samuel a séjourné. À Tell en-Nasbeh, nous avons également un mur d’enceinte en casemate, ce qui signifie le même plan d’urbanisme. Et où se trouve ce site ? Il se trouve en Benjamin, à la frontière nord du royaume de Juda, sur la route principale partant de la montagne, de Sichem et de Samarie, pour arriver à Jérusalem. Il s’agit donc du même schéma, de la même planification urbaine et du même emplacement, c’est-à-dire à la frontière. C’est le troisième site.

Le quatrième site est Khirbet ed-Dawwara. Ce site a été fouillé il y a plus de 30 ans. Là encore, il a été publié que ce site était daté du 12e au 10e siècle avant J.-C. Cela correspondrait à la période des juges ou peut-être des premiers rois de Juda. Khirbet ed-Dawwara est un site à une seule couche. C’est un petit site, mais il y a une planification urbaine et l’on y trouve des murs d’enceinte en casemate et de la poterie, comme à Khirbet Qeiyafa. N’oubliez pas que ce site a été fouillé il y a plus de 30 ans, avant les fouilles de Qeiyafa, et que celui qui faisait les excavations ne comprenait donc pas pleinement ce qu’il fouillait. Mais nous avons ici une autre forteresse, et celle-ci se trouve également à la frontière, sur une route menant au royaume de Juda.

BN : Dans votre article, vous combinez deux observations importantes. Vous combinez la datation de certaines structures et couches avec la planification urbaine associée à cette datation spécifique. Pourquoi les premiers archéologues n’ont-ils pas été plus dogmatiques pour dater ces sites du 10e siècle avant J.-C. ? Est-ce parce qu’ils n’avaient pas la connaissance de la poterie que nous avons aujourd’hui ?

YG : Je pense que le principal élément manquant était Khirbet Qeiyafa, qui a été construit et détruit après 20 ou 30 ans [ce qui a permis de réduire le nombre des possibilités de datation].

BN : Et quand avez-vous fouillé [Qeiyafa] ?

YG : Nous avons effectué des fouilles de 2007 à 2013.

BN : C’est donc relativement récent en termes d’histoire des fouilles.

YG : Oui, Khirbet Qeiyafa est comme une Pompéi biblique de l’époque de David. Il a été construit et détruit en l’espace de 20 ou 30 ans, de sorte que tout ce qu’il contient date de l’époque de David. C’est la première fois que nous disposons d’une sorte d’empreinte digitale de la culture matérielle de l’époque de David : aspect de la poterie, aspect des objets métalliques, religion, ossements d’animaux, économie, relations internationales. Tout cela n’était pas connu auparavant. Lorsque vous fouillez un site qui a existé pendant 300 ou 400 ans, il est très difficile de trouver 25 ou 30 ans. C’est donc une sorte de chance. Dans l’Antiquité, la destruction de Khirbet Qeiyafa si peu de temps après sa construction a été une grande catastrophe. Mais d’un point de vue archéologique, cela crée cette Pompéi biblique de l’époque de David.

BN : Nous avons un aperçu d’il y a 3000 ans. Et ce que vous avez fait, c’est que vous avez pris les découvertes de Khirbet Qeiyafa, dont nous sommes certains qu’elles sont davidiques, et les a comparées aux autres villes. Puis, sur la base des similitudes, vous concluez que ces autres villes peuvent également être datées du 10e siècle avant J.-C.

Qu’en est-il de la planification urbaine ? Vous avez parlé de murs d’enceinte en casemate. Il s’agit de deux murs parallèles auxquels sont peut-être adjointes des pièces. L’utilisation de murs en casemate est-elle judéenne, israélite ou philistine ?

YG : Il n’y a pas de murs d’enceinte en casemate sur les sites philistins ou cananéens. L’archéologie montre que les murs en casemate n’ont existé à cette époque en Israël que sur des sites appartenant au royaume de Juda, et plus tard au royaume d’Israël. Mais il y a une grande différence entre les murs en casemate des villes judéennes et ceux des villes israélites. En Judée, vous avez le mur d’enceinte en casemate, et vous avez les maisons privées qui jouxtent le mur d’enceinte, et la casemate fait partie de la maison. Cela signifie que le mur de la ville est public, que les maisons sont privées et que vous combinez le public et le privé ensemble. Mais lorsque l’on étudie les anciennes villes du royaume d’Israël, on constate qu’il y a des murs d’enceinte en casemate, mais qu’il y a aussi une rue et que les maisons commencent après la rue. Ainsi, le mur d’enceinte se dresse indépendamment. La planification urbaine entre le Juda primitif et le royaume d’Israël du Nord est clairement distincte, et c’est important.

BN : Le style des murs en casemate, l’architecture ou l’urbanisme remontent-ils avant l’âge du fer IIA, c’est-à-dire avant 1000 ans av. J.C. ?

YG : Ici, en Israël, sur les quatre sites que j’ai mentionnés dans mon article, les murs en casemate datent tous d’environ 1000 avant J.-C. Mais nous avons des murs en casemate en Jordanie qui datent d’un peu plus tôt. C’est également très intéressant, car la tradition veut que la famille davidique soit originaire de Moab. Peut-être y a-t-il donc eu une influence de la région de Moab ? Peut-être que le mur en casemate n’ait pas été inventé en Juda, mais a été adopté du peuple moabite ?

BN : En examinant ces quatre villes, qui peuvent toutes être datées du 10e siècle avant J.-C., estimez-vous qu’il soit impossible de conclure que Juda ait vu une expansion aussi tard que le 9e siècle ? Que se passait-il en Juda au 10e siècle ? Nous avons évoqué que c’était l’époque de David. La situation de ces quatre villes distinctes aux frontières de Juda et le niveau de planification urbaine suggèrent-ils la présence d’un royaume important doté d’un gouvernement centralisé ?

YG : Avant David, à l’époque des juges, nous n’avions que de petits villages. Ils avaient une superficie de 1 000 à 2 000 mètres carrés, 1 dounam à 2 dounam (0,1 à 0,2 hectare). Mais regardez maintenant les nouvelles villes, elles font 2 à 2,5 hectares. Ces centres urbains sont 20 à 25 fois plus grands que les sites de l’époque des juges. C’est une véritable révolution. À cette époque, les gens ne vivaient plus dans de petites communautés tribales ou dans des familles élargies. Ils vivaient désormais dans une ville. Et dans une ville, il peut y avoir quatre, cinq ou dix familles élargies. Il s’agit donc d’un mode d’organisation sociale totalement différent.

BN : Ces villes ont-elles été créées, selon vous, par une autorité centrale ou par une simple autorité tribale ?

YG : Le fait qu’elles aient toutes le même concept urbain et qu’elles soient toutes situées aux frontières du royaume, là où une route principale mène à Jérusalem, signifie qu’il s’agissait d’une opération planifiée. On ne construit pas une ville ici, une ville ici, une ville ici, et puis soudain on a la frontière du royaume. Je pense qu’avant de poser la première pierre, il y avait un concept sur la façon dont cette chose devait être organisée.

BN : Vous parlez d’une cinquième ville dans votre article, soit la ville de Lakis. Quelle est la place de Lakis ? Cette ville est datée d’un peu plus tard que les autres ?

YG : Au fur et à mesure que mes connaissances sur le début du 10e siècle avant J.-C. s’amélioraient, j’ai décidé de commencer à étudier la dernière partie du 10e siècle avant J.-C. Le texte biblique indique que le roi Roboam a fortifié 15 villes en Juda. L’une de ces villes est Lakis. J’ai donc décidé de me rendre à Lakis et de voir si nous pouvions trouver un mur d’enceinte ou ce qui s’est passé à Lakis pendant la dernière partie du 10e siècle.

Lakis fut d’abord une grande ville cananéenne. Elle a été détruite à l’époque des juges. Ensuite, la ville n’a pas été habitée pendant environ 200 ans, et certains pensent que c’était plutôt 300 ans. Lakis n’a donc pas été habitée pendant la seconde moitié du 12e siècle, le 11e siècle et la première partie du 10e siècle. La dernière ville cananéenne constituait le sixième niveau, et après environ 200 ans, ils ont construit un nouveau niveau, qui est le niveau cinq. Le niveau cinq fait l’objet d’un grand débat. S’agit-il d’une ville fortifiée ou d’un simple village ? Et de quelle époque date-t-elle exactement ?

BN : Le niveau 5 avait été découvert avant que vous ne commenciez à fouiller Lakis, mais le consensus était qu’il n’était pas fortifié. Est-ce exact ?

YG : Il y a eu un débat à ce sujet, oui. Le premier excavateur a dit qu’il avait été construit par les rois David et Salomon et détruit par le pharaon Shishak, et que le niveau quatre avait été construit par Roboam. C’était l’une des idées de la première expédition. Mais si vous examinez les différentes opinions, elles varient du début du 10e siècle avant J.-C. au milieu du 8e siècle avant J.-C.—soit 250 ans entre la datation la plus primitive et la plus récente pour le niveau cinq à Lakis.

BN : C’est ainsi que l’archéologie se présentait il y a 30 ans. Mais la datation au carbone nous a permis d’obtenir des datations plus précises, n’est-ce pas ?

YG : Je ne fais pas de nouvelles spéculations. J’ai dit : « D’accord, allons-y et voyons ce qui s’est passé. » Nous étions la quatrième expédition à Lakis. Les trois expéditions précédentes ont travaillé dans les régions sud, est et centrale du site. Presque personne n’a examiné le côté nord-est de Tel Lakis. Or, je pensais qu’il s’agissait de la partie la plus importante de la ville. Pourquoi ? Parce qu’elle est située près de la rivière. Et la rivière est importante parce qu’elle fournit de l’eau et des terres fertiles dans la vallée. C’est aussi la route principale qui mène d’Ashkelon, la ville portuaire, à Hébron, dans la région des collines. Lakis se trouve à mi-chemin entre Ashkelon et Hébron. Les caravanes quittant la ville portuaire d’Ashkelon pouvaient marcher un jour, séjourner à Lakis, effectuer des transactions économiques, puis marcher un autre jour jusqu’à Hébron. C’est pourquoi j’ai pensé que ce point proche de la rivière serait la partie la plus importante de la ville.

Je me suis demandé : « Peut-être qu’au début, à l’âge du fer, ils ont construit une ville plus petite », parce que la ville de Lakis dans son ensemble fait environ 7,5 hectares, ce qui est assez grand. Je pense qu’il est logique que lorsqu’ils ont construit la première ville de l’âge du fer, à l’époque des rois de Juda, la première ville faisait peut-être trois ou quatre hectares. En effet, nous avons fouillé l’angle nord-est et nous avons trouvé un nouveau mur d’enceinte qui n’était pas connu auparavant. Nous avons ensuite trouvé des maisons accolées au mur d’enceinte. Nous avons également trouvé des noyaux d’olives que nous avons envoyés pour qu’ils soient datés au carbone. Ils ont été datés de la fin du 10e siècle et de la première partie du 9e siècle avant J.-C.

Nous savons maintenant que Lakis n’a pas été construit par David et Salomon. La ville a été construite et utilisée par Roboam. Cela correspond à la tradition biblique selon laquelle Roboam a fortifié 15 villes de Juda, dont Lakis.

Si vous regardez les premières villes fortifiées avec des murs d’enceinte en casemate, elles sont situées à une journée de marche de Jérusalem. Khirbet Qeiyafa et Bet Shemesh sont à une journée de marche. Tell en-Nasbeh et Khirbet ed-Dawwara sont à une demi-journée de marche. Mais Lakis est beaucoup plus éloignée, à deux jours de marche de Jérusalem. Sous Roboam, le territoire a été agrandi.

Il est également intéressant de considérer les sites situés plus au sud dans la vallée de Be’er-Sheva, comme Arad et Be’er-Sheva. Au 10e siècle, ces sites étaient des villages non fortifiés. Mais plus tard, au milieu du 9e siècle, ils sont devenus fortifiés. Le royaume de Juda s’est étendu au fil du temps. Cela ne s’est pas produit soudainement.

BN : Vous arrivez à ces conclusions indépendamment de la Bible. Cependant, la Bible montre que David a d’abord gouverné à partir d’Hébron. Cela indique que Juda était déjà établi jusqu’à 30 kilomètres au sud de Jérusalem au début du 10e siècle. Selon votre modèle d’expansion, vous vous attendez donc à trouver des constructions similaires au 10e siècle dans l’ancienne Hébron.

YG : J’essaie de construire un scénario à partir de données archéologiques. C’est indépendant. J’examine les faits : une muraille, une ville située sur une frontière géographique, les principales voies d’accès au royaume. Ils sont fixes et incontestables. Et il est évident qu’ils appartiennent tous à la même vague d’urbanisme.

D’après la datation au carbone de Khirbet Qeiyafa et de Bet Shemesh, ils datent du début du 10e siècle avant J.-C. Les autres sites pour lesquels nous ne disposons pas de datation au carbone parce qu’ils ont été fouillés beaucoup plus tôt, présentent la même poterie ou le même aménagement urbain. Lakis est différent. Lorsque nous avons fouillé le niveau cinq à Lakis, la poterie n’était pas comme celle de Qeiyafa. Elle était différente. Et il ne s’agit pas seulement de poterie locale, mais aussi de poterie importée de Chypre. À Khirbet Qeiyafa, nous avons un type de vase chypriote plus ancien, décoré de « noir sur blanc ». Plus tard, à Lakis, au niveau 5, on trouve du « noir sur rouge ». Selon l’archéologie chypriote, la poterie chypriote est donc plus ancienne à Qeiyafa et plus tardive à Lakis.

La même chose s’est produite avec la poterie locale, car ce que nous avons à Khirbet Qeiyafa est le début d’une nouvelle tradition, celle de la sigillée claire et du brunissage irrégulier à la main. À Khirbet Qeiyafa, c’est très rare, mais c’est déjà là. Lorsque vous allez au niveau cinq de Lakis, c’est très courant. Vous pouvez donc constater l’évolution au fil du temps de la poterie locale et de la poterie exportée de Chypre.

BN : Avez-vous étudié d’autres tells ou monticules ? Vous êtes manifestement retourné voir ce que l’on a trouvé à Bet Shemesh et sur ces autres sites après qu’ils ont été fouillés. Vous ne les avez pas fouillés. Vous avez examiné leurs découvertes, leurs poteries. Y a-t-il d’autres villes où l’on trouve des poteries du 10e siècle à la périphérie de Juda ?

YG : J’ai entendu dire qu’il y a maintenant des fouilles à Tel Burna, situé entre Qeiyafa et Lakis ; on y trouve aussi de la poterie du début du 10e siècle avant J.-C. Mais je ne sais pas si ce site était fortifié ou non. Je n’ai pas encore vu de rapport significatif sur ces découvertes. Mais je suis sûr qu’il y aura d’autres sites.

Personnellement, je ne crois pas aux découvertes exceptionnelles parce que les gens se comportent selon un modèle. L’objectif de l’archéologie est de trouver ce modèle. Lorsque vous trouvez la première ville, vous n’avez pas encore de modèle parce que ce n’est qu’une seule ville. Mais après 10, 20 ou 30 ans, vous pouvez avoir le deuxième exemple. Et après un autre 10 ou 20 ans, vous pouvez avoir le troisième, le quatrième et le cinquième exemple. Et je pense qu’aujourd’hui, nous avons suffisamment d’exemples qui indiquent un modèle. Et c’est ce qui me semble si important dans cet article.

Jusqu’à présent, j’ai publié tous les résultats de Khirbet Qeiyafa, mais il ne s’agissait que d’un seul site. À partir d’un seul site, vous n’avez pas de royaume. Aujourd’hui, comme il a été possible d’observer le même schéma sur quatre autres sites, l’on obtient vraiment une bonne image.

BN : Je pense que c’est incroyable parce que les gens savent que l’archéologie existe depuis longtemps. De nombreuses fouilles ont été effectuées au cours des 100 dernières années sur la terre d’Israël. Et pourtant, nous sommes en 2023, et nous avons cette découverte spectaculaire d’un schéma, d’un modèle qui montre que Juda a été établi au 10e siècle avant J.-C. Avez-vous l’impression que certains archéologues vont s’opposer à cette découverte ?

YG : Non, je ne me suis jamais inquiété de ce que d’autres chercheurs pourraient dire. Je dis toujours : « Nous disposons de nouvelles données. Ils ont une théorie qui s’est effondrée. » C’est ce qui s’est produit à maintes reprises. Mais je pense aussi que parfois les gens ne comprennent pas comment fonctionne l’archéologie. Pensez-vous qu’il soit possible pour moi d’aller à Washington D.C., de faire des fouilles et de trouver l’homme Abraham Lincoln ? Ce n’est pas possible. D’une certaine manière, il n’est pas possible de trouver David. Mais que voyons-nous ? Nous voyons le passage d’une communauté tribale à un État, et nous pouvons voir que cela s’est produit vers 1000 avant J.-C., à l’époque de David. Mais nous ne pouvons pas disposer de David lui-même. En archéologie, il n’est pas possible de trouver une personne. Il en va de même pour Salomon. Il est impossible de trouver Salomon. Mais nous avons des traditions selon lesquelles, à l’époque de Salomon, il y avait des activités royales intenses—des activités de construction à Jérusalem, comme un palais et un temple. À Khirbet Qeiyafa, nous avons un modèle de construction, un modèle élaboré, qui présente les mêmes caractéristiques architecturales que celles qui apparaissent dans la Bible à propos des activités de construction de Salomon. Vous pouvez donc constater que ce type de construction royale était connu à Jérusalem à l’époque de David et de Salomon.

BN : Vous n’avez peut-être pas trouvé les individus eux-mêmes, mais vous avez trouvé la preuve que l’État existait à l’époque où les écrits bibliques placent David et Salomon sur la scène. Merci beaucoup de nous avoir expliqué cela.

YG : Je vous en prie.

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