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Amérique: seulement deux ans encore?
Deux ans. C’est le temps qu’a l’Amérique pour régler ses problèmes—ou risquer l’effondrement soudain. C’est la conclusion surprenante de l’historien de Harvard, Niall Ferguson. Et c’était il y a six mois.
Le monde a été témoin de ce qui arrive quand les investisseurs perdent foi dans la politique budgétaire d’un pays, dit-il. Voyez la Grèce.
Est-il possible que le pays le plus riche, le plus puissant au monde puisse, de façon réaliste, connaître un effondrement soudain? Après tout, l’Amérique n’est pas la Grèce. Mais c’est justement le problème! L’Amérique n’est pas un petit pays qui a dépensé quelques dizaines de milliards de dollars de trop. L’Amérique est le plus grand débiteur du monde, et elle est adonnée à la dette—empruntant des milliards de milliards de dollars pour maintenir un niveau de vie intenable.
C’est un empire en déclin évident—comme l’Union soviétique vers la fin des années 1980, ou Rome juste quelques années avant sa chute.
L’addiction à la dette
Posez-vous la question: Qu’est-ce qui maintient l’union de l’Amérique? Est-ce une religion commune ou l’ethnicité? Un but national partagé? Les croyances épousées par les principes des Pères fondateurs? Si toutes ces choses ont pu être les ingrédients qui liaient la république, elles ne le sont plus.
Aujourd’hui, à peu près le seul terrain d’entente en Amérique, c’est le matérialisme. Et sa manifestation la plus évidente—la dette!
En 2010, selon le Bureau du budget du Congrès, l’Amérique a ajouté 1,5 milliard de milliards de dollars de plus à sa dette nationale. Et sous le plan de dépenses proposé par le président Obama, l’Amérique aura des milliards de milliards de dollars de déficit jusqu’en 2019.
Des déficits annuels de milliards de milliards de dollars! Et c’est si tout va selon le plan: guerres en Iraq et en Afghanistan conclues avec soin; absence de double récession; redémarrage de l’embauche par les employeurs; absence de besoin de plus d’argent par les banques «trop grandes pour faire faillite»; non prise en compte par la Fed, dans ses bilans, de la possession par le gouvernement de Fannie Mae et Freddie Mac.
Et si les choses ne vont pas selon le plan? C’est une question que les experts écartent comme invraisemblable, ou à laquelle ils n’aiment pas penser.
La simple vérité, c’est que cette nation, autrefois grande, est tellement adonnée à la dette qu’elle s’effondrerait si elle ne pouvait plus emprunter d’argent. La dépendance va bien au-delà des emprunts immobiliers et des crédits pour des véhicules inabordables. Elle commence avec les étudiants au visage juvénile bombardés avec les offres de carte de crédit, et les universités tirant profit de chaque dollar que ces étudiants dépensent. Elle progresse à travers les sociétés les plus prestigieuses de l’Amérique, qui doivent accéder aux marchés des dettes sur une base mensuelle, hebdomadaire, voire quotidienne pour fonctionner. Elle couvre les directions des municipalités et des États prêtes à ruiner les trésoreries publiques pour apaiser des syndicats cupides et soutenir d’insoutenables plans de pension. Elle culmine avec un gouvernement fédéral qui n’a pas de budget équilibré depuis 1957!
Finalement, cependant, elle commence et finit à la fois avec le consommateur typique, tellement absorbé à satisfaire ses sens qu’il est aveugle à la catastrophe imminente.
Pourtant les signes d’effondrement ne sont pas durs à apercevoir.
Là d’où vient l’argent de l’Amérique
En décembre, la Deficit Commission bipartite du président Obama a publié son rapport sur la fixation des problèmes de budget de l’Amérique. Les auteurs disent qu’ils croient que l’Amérique peut être sauvée. Mais la réalité, c’est qu’aucune, sinon peu, de leurs recommandations ne sera mise en œuvre.
Le problème de l’Amérique est lié au fait que 40 cents de chaque dollar du budget dépensé sont empruntés. À présent, l’Aide sociale, Medicare [l’Assurance maladie] et Medicaid [l’Assistance médicale] prennent tout le revenu fédéral, ont annoncé les auteurs. Ce qui reste au gouvernement fédéral, en incluant le fait de mener deux guerres, la sécurité de la patrie, l’éducation, l’art, la culture, toutes sortes de choses possibles et imaginables—tout le reste du budget discrétionnaire—est financé par emprunt.
Même un enfant pourrait voir que c’est un désastre latent.
Pourtant, avant même que le rapport ne fasse la une, les principaux membres du Congrès l’ont déclaré mort. Supprimer des programmes et l’assistanat coûterait trop de votes. Trop d’intérêts spéciaux seraient offusqués.
La dette nationale de l’Amérique est déjà proche de 90 pour cent du produit intérieur brut. Vers la fin de 2011 elle pourrait excéder 100 pour cent du pib, ce qui approche des niveaux européens de crise.
Et les dirigeants de l’Amérique prétendent encore qu’il n’y a pas de problème.
Éviter l’arrêt cardiaque
Le 30 novembre, la Réserve fédérale a été forcée de révéler des détails entourant son renflouement massif de Wall Street, le renflouement d’entreprises et—comme il s’avère—le renflouement de banques centrales étrangères.
Vingt et un mille emprunts—une valeur de 3,3 milliards de milliards de dollars: c’est ce qu’il a fallu, en termes de dette, froide et dure, à la Réserve fédérale, pour arrêter l’effondrement financier des États-Unis. Pourtant, où cette montagne de dette a-t-elle mené l’Amérique? Le système est-il réparé?
Non. Ce n’est que davantage d’évidence que l’économie est bien plus précaire qu’on ne veuille l’admettre.
Beaucoup de focus a été mis sur l’échelle des subventions. 3,3 milliards de milliards de dollars sont une énorme somme d’argent. Plus du double du déficit budgétaire de l’Amérique, c’est incroyablement significatif dans l’économie américaine.
La plupart des gens semblent ne pas saisir le fait que la Fed a créé l’argent du renflouement à partir de rien. Mais peut-être ce fait est-il pertinent, puisque beaucoup de ces 3,3 milliards de milliards de dollars que la Fed a marchandés peuvent paraître considérablement gonflés. La valeur de 1,5 milliard de milliards de dollars de caution est venue avec la désignation «indices indisponibles». Seul 1 pour cent de la caution engagée a été hautement estimé par la trésorerie gouvernementale.
Il a aussi été révélé que la Réserve fédérale a non seulement prêté 600 milliards de dollars aux banques centrales étrangères, mais aussi à des constructeurs automobiles étrangers comme Toyota et bmw, et des milliards de plus à des banques privées étrangères à des taux d’intérêt très bas (quelquefois à 0,15 pour cent).
Autrement dit, la Fed était tellement effrayée de la hauteur de la crise qu’elle imprimait et prêtait de l’argent à quiconque avait un pouls, sans tenir compte de qui il s’agissait, et quel nantissement était engagé.
La Réserve fédérale a même prêté de l’argent bon marché aux fonds spéculatifs et aux plans de retraite—comme le Plan de retraite des joueurs de Base-ball de la première division—pour «investir», avec pour objectif que l’argent coule de nouveau dans l’économie. Le Système de retraite des employés publics de Californie, un des plans de retraite les plus insolvables du pays, était parmi les preneurs les plus exaltés de l’argent fédéral: il a emprunté 5,14 milliards de dollars dans l’hypothèse de sa sortie de son manque de financement massif.
Sous l’un de ses programmes de prêt, la Réserve fédérale a fait revenir, de manière régulière, la valeur effrayante de 9 milliards de milliards de dollars de dette dans, et hors de, l’économie.
Par ce programme, Citigroup, à lui seul, a emprunté la somme déroutante de 2,2 milliards de milliards de dollars dans des transactions renouvelables multiples pour rester à flot. Merrill Lynch a emprunté 2,1 milliards de milliards à travers 226 crédits. La Bank of America a emprunté 1,1 milliard de milliards en urgence pour éviter la faillite. Elle a demandé crédit à la Fed mille différentes fois. Morgan Stanley a pris 212 crédits pour rester en course. Même le vénérable Goldman Sachs a emprunté 620 milliards de dollars à travers 84 crédits.
Plus inquiétant, ce n’était pas que les banques et la faillite des fonds spéculatifs que la Fed soutenait—elle a directement soutenu beaucoup des plus grands et des plus célèbres noms dans les entreprises de l’Amérique. Des compagnies de cartes de crédit, des compagnies d’assurance et des fabricants de véhicules, tous ont obtenu des crédits. Cela était en partie connu. Mais saviez-vous que Caterpillar a pris de l’argent gouvernemental? Que Verizon Communications a eu besoin de 1,5 milliard de dollars? Que Harley-Davidson a reçu 33 fois de l’argent de renflouement, pour un total de 2,3 milliards de dollars? General Electric Co a eu besoin 12 fois de financement pour un total de 16 milliards de dollars? Même McDonald’s a eu besoin d’emprunter de l’argent auprès de la Fed.
L’Amérique des entreprises est si dépendante de la dette qu’elle doit emprunter de l’argent chaque jour. Elle a besoin de crédit ne serait-ce que pour continuer les affaires habituelles. Pendant la crise économique entourant le 11 septembre 2008, les marchés des dettes ont gelé. Nul n’aurait prêté de l’argent. Les banques faisaient faillite. Le gouvernement nationalisait des sociétés à coups de milliards de milliards de dollars. Le système entier était en équilibre sur le fil d’un rasoir.
Imaginez ce qui serait arrivé si Caterpillar, Verizon ou McDonald’s avaient vendu la dette aux enchères et n’avaient pas pu emprunter d’argent. La contagion aurait pu être nationale, voire internationale. Il aurait été possible qu’un effet boule de neige massif balaye le milieu des affaires. La Fed devait intervenir pour procurer de l’argent—ou elle aurait fait courir le risque de la fermeture totale de l’Amérique des entreprises.
C’est à ce point que l’Amérique est dépendante de la dette. Arrêtez la dette, et tout le système fait un arrêt cardiaque. Vous n’êtes pas convaincu?
La Fed a eu besoin de 21 000 crédits à un taux d’intérêt proche de zéro pour cent pour relancer le système.
La situation inextricable de l’Amérique
Combien de temps l’Amérique peut-elle continuer avec sa dépendance aux dettes? Nous utilisons la dette pour acheter des choses afin que nous nous sentions mieux, et que nous financions notre niveau de vie. Nous l’utilisons habituellement pour les affaires. Et quand toute la dette nous met dans des problèmes, nous l’utilisons encore plus pour stimuler l’économie et nous tirer d’affaire.
Mais maintenant, la dépendance de l’Amérique aux dettes semble avoir atteint le point où celles-ci menacent sa capacité d’emprunter. La dépendance est tellement grande que la Réserve fédérale imprime en fait, maintenant, de l’argent pour financer des dépenses du gouvernement fédéral.
Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a annoncé, en novembre, que la Fed créerait 900 milliards de dollars, à partir de rien, pour acheter de la trésorerie gouvernementale. La création d’argent a historiquement causé la dépréciation massive de la monnaie.
Les nations étrangères, ne voulant pas être remboursées en dollars dévalués, sont naturellement furieuses à cette annonce. Cela signifie qu’il va devenir de plus en plus difficile pour l’Amérique d’attirer des créanciers étrangers.
Il pourrait facilement découler une situation inextricable où la Réserve fédérale serait forcée de fournir de plus en plus d’argent pour financer les dépenses du gouvernement—ce qui ne ferait que chasser encore plus de prêteurs étrangers. Le gouvernement américain ne peut utiliser la dette qu’aussi longtemps que les gens accepteront cette dette, et les risques croissants de la défaillance des États-Unis rendent cela de moins en moins probable.
Selon Li Daokui, membre universitaire du comité de politique monétaire de la banque centrale chinoise, le dollar américain ne sera une valeur refuge que pour les 6 à 12 prochains mois. «Pour maintenant, l’attention du marché est toujours sur l’Europe, et pour les 6 à 12 mois à venir elle ne se déplacera pas aux États-Unis», a dit Li Daokui, le 8 décembre. «Mais il devrait être clair dans notre esprit que la situation fiscale aux États-Unis est bien plus mauvaise qu’en Europe. Dans un ou deux ans, quand la situation de la dette européenne se stabilisera, l’attention des marchés financiers se déplacera vraiment vers les États-Unis. À ce moment-là, les bons du Trésor américain et le dollar connaîtront des déclins considérables.»
Comme l’investisseur international Jim Rogers l’a fait remarqué le 7 décembre, «il vient un temps où les gens diront: ‘Je ne vais plus vous prêter d’argent’». Quand ce jour-là arrivera, l’Amérique ne sera pas un endroit que beaucoup de gens reconnaîtront.
Préparez-vous à ce scénario
Un jour, l’Amérique se réveillera aux nouvelles de la vente aux enchères d’un gouvernement américain en faillite. Les prêteurs en auront eu assez. Bien que beaucoup de gens soient inconscients pendant une courte période de temps, ceux qui seront au courant se rueront dans les magasins pour acheter tout ce sur quoi ils pourront mettre la main—couches, alcool, haricots, balles. Ce seront les chanceux. Certains se tourneront vers l’or et l’argent, mais cela aidera seulement pour un temps. Les pénuries seront bientôt annoncées et deviendront endémiques.
En essayant de calmer les marchés, la Réserve fédérale annoncera une autre reprise d’«impression de billets», mais cette fois cela aura l’effet opposé. La valeur du dollar plongera, le Dow Jones s’effondrera et les fonctionnaires fermeront les bourses.
Sans la possibilité de recourir à la dette, Wall Street connaîtra des échecs irrépressibles faisant boule de neige. Les dépenses des ménages se contracteront brusquement. Les prix à l’importation monteront en flèche. Les ventes tariront et les sociétés endettées arrêteront d’envoyer les salaires. L’Amérique s’enlisera.
C’est alors que la colère fera surface.
Le matérialisme financé par la dette se sera transformé, passant de la colle qui maintenait d’une manière précaire le système à l’agent de sa mort soudaine.
Qu’est-ce qui maintiendra alors la société?
La fin des républiques
«L’histoire dit que nous n’allons pas réussir», a dit le sénateur de l’Oklahoma, Tom Coburn, dans un discours lors d’une réunion de la commission des dettes du président Obama en décembre. Les républiques démocratiques ne durent qu’environ 200 ans avant qu’elles ne «pourrissent de l’intérieur», et ne soient ensuite conquises militairement, a-t-il dit. «Et nous pourrissons. Nous pourrissons alors que nous sommes assis là, et parlons aujourd’hui.»
T. Coburn, pourtant, donne de l’espoir. Il y a une façon «de tromper l’histoire», a-t-il dit. «La façon de tromper l’histoire consiste, pour nous tous, à renoncer à quelque chose: tout le monde… et ensuite de dire: ‘La voie du futur, pour l’Amérique, consiste pour tout le monde à commencer à faire des sacrifices afin que nous créions un avenir qui honore les sacrifices gigantesques qui ont été consentis avant nous.’»
Regardez autour de vous. Regardez du côté du Congrès. Quelles sont les chances que l’Amérique veuille accepter de faire des sacrifices sur une échelle nationale?
La triste réalité, c’est que l’Amérique ne «trompera pas l’histoire». C’est la prophétie!
Dans un article de 1997 de la Trompette, l’auteur Tim Thompson a comparé la société américaine dépendante des dettes au sépulcre blanchi à la chaux de Matthieu 23:27: «Il est beau à l’extérieur—il a l’apparence de la richesse et du bien-être—mais à l’intérieur il est ‘plein d’ossements de morts et de toute espèce d’impureté’—c’est un cauchemar financier construit par des hypocrites et rempli de pourriture!»
Comme M. Thompson l’a montré, l’argent emprunté peut faire l’Amérique paraître prospère, mais les apparences ne signifient pas grand chose. La république américaine pourrit de l’intérieur et le temps s’écoule.
En juillet dernier, l’historien Niall Ferguson a dit aux dirigeants d’affaires et aux universitaires, au Aspen Ideas Festival, que la fenêtre de l’Amérique pour inverser le cours des choses se fermait. «Fiscalement, et d’autres façons», l’Amérique est «très près du bord du chaos», a-t-il prévenu. «Je crois que c’est un problème qui va prendre vie vraiment bientôt.»
«Dans ce sens, a-t-il dit, je veux dire au cours les deux prochaines années.»
Les derniers jours de la république, telle que nous la connaissons, sont là. ▪